Intervention de Elisabeth Borne

Commission d'enquête Pollution des sols — Réunion du 1er juillet 2020 à 16h45
Audition de Mme élisabeth Borne ministre de la transition écologique et solidaire

Elisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire :

Je souhaite d'abord vous remercier de me donner l'occasion d'échanger avec vous sur les questions de pollution des sols issues d'activités industrielles ou minières et sur les moyens qui sont mis en oeuvre par les services de mon ministère pour prévenir ces pollutions, faciliter le recyclage des friches industrielles et traiter des situations présentant des risques pour les populations.

Je souhaite tout d'abord rappeler que le meilleur moyen de lutter contre les pollutions des sols consiste à adopter les bonnes mesures de prévention en phase d'exploitation d'un site industriel ou minier.

Ainsi, dans le cadre du contrôle des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) ou des installations minières, l'État dispose d'un pouvoir de police pour prévenir les infiltrations de polluants dans les sols ou dans les eaux souterraines. Ainsi, les inspecteurs de l'environnement vérifient que les cuvettes de rétention sont conformes à la réglementation, que les conditions de stockage des produits chimiques sont respectées et que les valeurs limites de rejet dans les milieux sont tenues.

Ce sont ainsi plus de 18 000 contrôles qui sont réalisés chaque année. Je me suis engagée à augmenter ce nombre de contrôle de 50 % d'ici la fin du quinquennat : 50 nouveaux postes seront créés en 2021.

Lorsque les mesures de prévention n'ont pas été suffisantes, l'État se retourne vers les exploitants en application du principe pollueur-payeur.

Les exploitants d'ICPE sont soumis à des obligations de remise en état de leurs terrains après la cessation de leur activité. Il arrive néanmoins que l'activité s'arrête en raison d'une défaillance financière de l'exploitant. C'est pourquoi, depuis 2012, des garanties financières ont été rendues obligatoires pour la mise en sécurité d'ICPE susceptibles d'être à l'origine de pollutions importantes. Elles représentent un montant conséquent de 650 millions d'euros pour un total de plus de 800 sites. Afin d'être directement mobilisables, ces garanties sont confiées à la caisse des dépôts et consignations ou sont cautionnées par un organisme de crédit.

Par ailleurs, dans le cadre du projet de réforme du code minier, j'ai tenu à ce que les obligations en fin d'exploitation soient alignées sur celles prévues par la réglementation ICPE : en renforçant la prise en compte des enjeux sanitaires dans les objectifs de remise en état des mines, en créant des garanties financières nouvelles pour couvrir la remise en état, et en étendant la responsabilité de l'exploitant jusqu'à trente ans après l'arrêt des travaux miniers.

Par ailleurs, mon ministère s'est engagé à faire preuve de la transparence la plus absolue concernant le recensement des pollutions historiques.

Plusieurs recensements sont mis à disposition du public pour avoir connaissance des sites pollués ou des sites potentiellement pollués par des activités industrielles.

Le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a constitué une liste de tous les sites ayant pu héberger une activité industrielle. Cette liste, dénommée Basias (base nationale des anciens sites industriels et activités de service), recense aujourd'hui plus de 300 000 terrains.

Par ailleurs, dès lors qu'un inspecteur des installations classées a connaissance d'une pollution ou d'une suspicion de pollution, une fiche de recensement est créée avec l'ensemble des informations disponibles sur les polluants résiduels et les actions de dépollution en cours. La base Basol (base de données sur les sites et sols pollués) compte ainsi plus de 7 000 sites.

Au regard du nombre de friches industrielles, le recyclage urbain constitue un enjeu majeur pour répondre aux objectifs de maîtrise de l'étalement urbain et de dépollution des sols.

C'est pourquoi il est nécessaire de faciliter les opérations de dépollution qui ne trouvent pas naturellement d'équilibre économique compte tenu de la faible valeur foncière.

Plusieurs dispositifs sont à l'étude dans le cadre du groupe de travail sur la reconversion des friches industrielles et sur la lutte contre l'artificialisation des sols. Un dispositif national de réhabilitation des friches abondé par une taxe sur l'artificialisation des sols pourrait être une piste. Il en est de même de la mise en oeuvre d'obligations de compensation en cas d'artificialisation et de la possibilité de déroger à certaines règles d'urbanisme pour faciliter le recyclage urbain.

Si le recyclage urbain est un enjeu primordial pour le ministère de l'environnement, il est néanmoins important de veiller à ce que de nouvelles habitations, de nouvelles crèches ou de nouvelles écoles ne s'implantent pas sur d'anciennes friches industrielles sans que les travaux de dépollution adéquats ne soient menés.

Ainsi, depuis 2014 et dans le cadre de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi Alur, des secteurs d'information sur les sols (SIS) ont été créés. Lorsque la pollution résiduelle des sols est importante, un aménageur qui souhaite modifier l'usage du site doit préalablement faire attester par un bureau d'études que le niveau de dépollution sera suffisant.

Néanmoins, lorsqu'un site pollué présente des risques sanitaires pour les populations, le ministère est en mesure d'intervenir à travers ses opérateurs.

Des crédits dédiés de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), à hauteur d'environ 20 millions d'euros par an, permettent de mettre en sécurité les sites qui présentent des risques sanitaires pour les populations, lorsque toutes les procédures pour rechercher la responsabilité du pollueur ont échoué. L'Ademe traite ainsi environ 20 nouveaux sites par an. Ces crédits sont utilisés pour réaliser les opérations les plus urgentes de mise en sécurité afin de protéger les personnes et de circonscrire une pollution environnementale qui menace de s'étendre.

Au total, à travers l'intervention de ses différents opérateurs l'Ademe, le BRGM, l'institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) et le groupement d'intérêt public Geoderis, plus de 290 millions d'euros ont été mobilisés sur les crédits du ministère entre 2010 et 2019 pour traiter des situations d'urgence, apporter de l'expertise et soutenir des projets de reconversion des friches industrielles.

L'État est engagé depuis plus de vingt ans pour renforcer la réglementation en matière de lutte contre les pollutions d'origine industrielle et minière.

Néanmoins, de nombreuses pollutions historiques sont antérieures à cette réglementation et nécessitent que l'État intervienne ponctuellement pour assurer la sécurité des populations et la préservation de l'environnement et qu'il assure systématiquement la conservation de la mémoire afin d'assurer une dépollution suffisante des terrains avant l'implantation de nouveaux aménagements.

Vous pouvez compter sur ma plus grande vigilance pour atteindre ces deux objectifs.

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