Je suis élue à Caen, et j'étais en charge de l'urbanisme. Plusieurs de nos projets d'aménagement correspondent à la situation que vous décrivez, notamment le projet d'une presqu'île aéroportuaire de 300 hectares à urbaniser avec des pollutions multiples.
Pour 300 hectares de ce type, nous devons compter trente ans au minimum afin que le plan d'aménagement aboutisse. Même si nous nous entourons de compétences expérimentales, nous disposons de peu de marge de manoeuvre.
Dans les faits, lorsque nous utilisons un système de zone d'aménagement concerté (ZAC), l'acquisition des terres polluées est considérée comme une question de déchets. Ainsi les solutions les plus simples et reproductibles seront privilégiées, soit l'excavation, pour schématiser. Il s'agit du moyen le plus simple pour réaliser le montage économique et financier sur plusieurs années, afin d'avoir une évaluation claire des coûts.
Je vous entends sur l'innovation et l'économie circulaire, je suis absolument convaincue, mais nous sommes démunis sur le terrain pour mettre en oeuvre ces solutions alternatives. Nous avons réservé un foncier pour mettre une partie des terres polluées en dépollution, mais nous ne pouvons pas non plus préempter du foncier de façon importante sur ces projets d'aménagement. Pour vous exposer les problèmes très simplement, nous avons un problème de pression de la part de l'encadrement.
Lorsqu'il s'agit du logement et des structures de la petite enfance, comme les écoles et crèches, les contraintes deviennent réellement problématiques. À ce moment-là, nous n'avons pas d'alternative à l'excavation et l'envoi au loin des terres à traiter. Le lien avec les services de l'État est très compliqué : lorsque nous évoquons l'innovation, nous ne parlons pas sécurité. Pour l'instant, cela ne s'est pas vraiment diffusé dans les services ad hoc et auprès de ceux qui nous accompagnent au sein de l'État. Ce n'est donc pas sécurisant pour le porteur de projet, et nous sommes bien obligés auprès des acteurs, des promoteurs, de sécuriser le problème économique. Quelques-uns pensent qu'il existe une alternative, mais ce n'est pas le cas de la majorité.
Nous devons progresser, et j'entends votre difficulté à partager les compétences, les techniques, les solutions... Mais je dois vous dire que sur le terrain il est très compliqué de faire passer le message qu'une alternative est possible, car nos interlocuteurs, notamment ceux qui viabilisent financièrement le projet, ne sont pas réceptifs à ces propositions.