es enjeux de l'impact, quotidien parfois, de l'environnement sur la santé sont au coeur des préoccupations de bon nombre de nos concitoyens. Vos interrogations sur l'impact spécifique des sites et des sols pollués apparaissent donc essentielles, d'autant que la pression s'accroît, compte tenu de la densification des zones urbaines et du souhait légitime des Français de vivre non loin de leur lieu de travail, pour habiter à proximité de sites qui peuvent s'avérer dangereux, avec des risques d'incendie, d'explosion ou de pollution. L'exposition de la population existe près des anciens sites miniers ou industriels, des zones d'épandage d'eaux usées, parfois sur de très grandes superficies à l'instar de la plaine d'Achères, ou de produits phytosanitaires qui ont conduit à des pollutions chroniques. Nous suivons, à cet égard, avec attention l'impact de l'utilisation ancienne de chlordécone aux Antilles : un comité de pilotage se réunit régulièrement et associe la population, les médias, les élus et les scientifiques. Par ailleurs, des phénomènes naturels ou météorologiques sont susceptibles de générer des expositions itératives - je pense notamment aux inondations qui ont touché le site de Salsigne.
La perte de mémoire des populations vis-à-vis d'activités industrielles ou minières anciennes apparaît, dès lors, fort préoccupante. La loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite ALUR, a, pour y remédier, rendu obligatoire l'inscription d'informations relatives à l'historique des sites dans les documents d'urbanisme.
La population peut être exposée à trois types de polluants principaux : les métaux présents dans les sols, les solvants volatils comme le toluène ou le triéthylène, et les produits phytosanitaires à l'instar du chlordécone aux Antilles. Il s'agit, pour les autorités sanitaires, de gérer des situations d'exposition multiples, avec souvent plusieurs polluants, généralement à de faibles niveaux de concentration, mais avec des effets chroniques ou différés dans le temps. Compte tenu de la complexité des situations rencontrées, il apparaît indispensable de renforcer les connaissances scientifiques et techniques sur les conséquences sanitaires de ce type de pollutions, notamment s'agissant des doses nocives, de l'impact physiopathologique des expositions, des effets dits cocktail et des enjeux de biodisponibilité des polluants. Apparaît également nécessaire la coordination interministérielle et, sur les territoires, entre services concernés pour user au mieux des moyens d'action disponibles. Cela relève d'un enjeu de santé environnementale majeur pour nos concitoyens, pris à ce titre en compte dans les différents plans nationaux santé environnement (PNSE), dont le troisième est en application. Il comprend un volet relatif à la prévention de l'exposition aux contaminations environnementales des sols, notamment aux métaux lourds - plomb, mercure, cadmium - et une stratégie de réduction de cette exposition. Ces dispositifs, dont le Gouvernement a fait une priorité, seront encore renforcés dans le cadre du quatrième PNSE, en cours d'élaboration. Les travaux ont pris du retard en raison de la crise sanitaire, mais il devrait être prochainement présenté. Parallèlement, nous nous trouvons dans une phase d'élaboration de la loi de programmation pluriannuelle pour la recherche. Le ministère de la santé défend, dans ce cadre, l'idée qu'une part importante de la recherche porte sur l'impact de l'environnement sur la santé.
Les expositions liées aux sites et aux sols pollués participent à l'exposome, concept inscrit dans la stratégie nationale de santé pour la période 2018 à 2022 consistant à prendre en compte l'effet, sur la santé d'un individu, de son exposition à des facteurs environnementaux tout au long de sa vie. Ainsi, la stratégie nationale de santé prévoit de développer les connaissances en matière de santé environnementale en prenant en compte, par exemple, les perturbateurs endocriniens, les nanomatériaux, les poly-expositions, les effets cumulés des combinaisons de facteurs de stress ou effets cocktail.
La gestion des sites et des sols pollués, notamment des sites industriels et des anciennes mines, relève du ministère de la transition écologique et solidaire. Les actions de la direction générale de la santé (DGS) s'inscrivent donc dans le cadre de la méthodologie nationale de gestion de ces sites, portée par la direction générale de la prévention des risques (DGPR) de ce ministère, ce qui implique une collaboration étroite et permanente entre les deux ministères, mais également avec celui chargé de l'agriculture, du fait de la possible contamination des denrées végétales et animales par la pollution des sols, ainsi qu'avec celui de l'éducation nationale, puisque certains établissements scolaires sont construits sur d'anciens sites industriels. La gestion des sites pollués requiert ainsi une coordination permanente des échanges, un travail d'harmonisation des positions des différents services et des saisines communes des agences sanitaires nationales, des financements d'études complexes sur le terrain et l'élaboration d'instructions interservices.
Le rôle du ministère de la santé, et celui de la DGS en particulier, est défini par le code de la santé publique ; il concerne la mise en oeuvre d'actions de prévention, de surveillance et de gestion des risques sanitaires liés à l'environnement, au milieu professionnel, aux accidents de la vie courante, à l'eau et à l'alimentation. S'agissant des sites et des sols pollués, il s'agit de contribuer, sur le plan sanitaire, à la politique publique de gestion desdits sites pilotée par le ministère de la transition écologique et solidaire. Nous sollicitons, à cet effet, les agences sanitaires en fonction de leurs compétences. L'ANSéS produit ainsi les valeurs toxicologiques de référence (VTR) utiles à la réalisation des études d'interprétation de l'état des milieux et des évaluations quantitatives des risques sanitaires. Santé publique France et ses cellules en région favorisent une approche populationnelle de surveillance en santé, afin d'estimer les conséquences sanitaires éventuelles d'une exposition environnementale à des contaminants. La Haute Autorité de santé (HAS) est aussi sollicitée, avec une approche plus médicale, sur des protocoles de prise en charge par les professionnels de santé. Enfin, le Haut Conseil de santé publique, dans une approche d'aide à la décision, définit des mesures de prévention. Nous avons organisé, en 2017, deux séances du comité d'animation des agences sanitaires dédiées aux sites et aux sols pollués, qui nous ont permis de valider une feuille de route et de coordonner les saisines.
Nous finançons, avec le ministère de la transition écologique et solidaire, le programme national de biosurveillance, créé par la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement et destiné à évaluer la valeur moyenne d'imprégnation de la population française à certains polluants pour disposer d'une échelle de comparaison avec les résultats des dosages biologiques effectués autour des sites et des sols pollués. Ce travail, dont la réalisation est confiée à Santé publique France, est piloté par les ARS. Il présente déjà plusieurs études majeures, dont un volet périnatal ; leurs conclusions seront publiées dans les prochains jours et permettront aux ARS d'adapter au mieux à ces risques la politique de prévention, la prise en charge des cas et l'information des populations.
Nous intervenons également en appui des ARS pour la définition du cadre d'intervention au travers d'instructions, d'un appui financier à des études et d'un soutien technique ponctuel sur des dossiers particulièrement sensibles. Nous menons enfin une politique de recherche en toxicologie, au niveau national, européen et international. Nous participons, à ce titre, à des études européennes et internationales de biosurveillance.
Le sujet des conséquences sanitaires de la pollution des sites et des sols est complexe et constitue une priorité de santé publique pour le Gouvernement. Nous avons, à cet égard, cinq messages clés à faire passer. D'abord, il nous faut mieux évaluer, à l'échelon national, l'impact sur la santé des sites et des sols pollués. Ensuite, nous devons renforcer les travaux engagés par les agences sanitaires pour consolider les outils à disposition des ARS. Par ailleurs, doivent être développées les études de biosurveillance indispensables pour mieux identifier l'imprégnation de la population aux polluants. En outre, il convient de faire financer des études de santé par l'exploitant ou par de grands programmes de recherche. Enfin, certains sites ont un impact sur l'environnement, mais ne relèvent pas du régime des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) ou du code minier, et il s'agira de définir les moyens permettant d'assurer un suivi sanitaire des populations exposées. L'enjeu est majeur ; il emporte des relations de qualité avec les élus locaux, car l'échelon territorial apparaît essentiel pour le traitement de ces dossiers. Il nous faut également nous rapprocher de la communauté scientifique et de nos collègues de l'Union européenne, car l'approche ne peut être que multidisciplinaire. Enfin, des efforts apparaissent indispensables en matière de pédagogie et de communication, en associant, comme ce fut le cas lors du colloque international sur le chlordécone, les scientifiques, la population, les journalistes et les élus locaux. De fait, c'est ensemble que nous pouvons améliorer l'information du public sur les données disponibles sur l'état d'imprégnation des sols et renforcer l'effet mémoire.