J'avais eu beaucoup de plaisir à vous entendre, parce que pour rapportiez une situation particulière et qui nous préoccupe tous. Ce que vous dites reflète de nombreuses situations d'investigation où, à mon sens, il faut à la fois du local et du national.
Prenez le chlordécone, par exemple. Son impact a d'abord été ignoré, puis il est devenu un sujet local, avant une prise en compte nationale, même si les élus des Antilles ont eu l'impression que le national avait oublié le local. Il faut donc toujours des allers-retours entre un niveau pertinent au niveau local et un niveau pertinent au niveau national. Il faut une vie locale, un référent local, et il faut une personnalité capable de vulgariser, ce qui est un exercice complexe, car il faut expliquer à tous les enjeux d'une situation qui est souvent particulièrement technique, avec des expositions multiples et des caractérisations de risques faisant appel à des dosages de métaux ou de produits phytosanitaires...
Je suis allé plusieurs fois aux Antilles pour gérer le dossier du chlordécone, que je pilote avec mon collègue des outre-mer. J'y ai constaté qu'il faut associer tous les acteurs. Au niveau national, le ministère de l'agriculture était impliqué, mais pas celui de l'environnement ni celui de la recherche, alors que l'expertise de ces acteurs était absolument indispensable. Et on ne pouvait pas faire une politique nationale sans être à l'écoute des citoyens, de leurs questions, de leur quotidien, de leurs pratiques : il fallait pouvoir dire si, concrètement, ils pouvaient laisser leurs enfants jouer dans le jardin, ou bien manger telle ou telle production locale. Pour entretenir l'effet mémoire, enfin, il faut aussi impliquer des éducateurs locaux, à l'école, au collège, pour une déclinaison locale des spécificités environnementales. Il est bon, en effet, que les enfants soient informés, qu'il s'agisse d'un épandage ou d'une exposition à telle ou telle substance. Le radon, par exemple, est une pollution naturelle, mais son impact sur la santé est réel, avec une mortalité non négligeable. Les élus locaux et les responsables de l'éducation doivent en être informés. Il est donc nécessaire d'organiser la vulgarisation autour d'un acteur central, qui est en principe le maire - même si tous les élus du territoire concerné ont un rôle à jouer - tout en assurant un suivi national.
Ce que vous dites sur les données m'interpelle. Je crois que vous avez raison, il est très difficile au citoyen de retrouver ces données. Elles sont publiques et accessibles, mais encore faut-il connaître les sites et savoir faire des croisements entre des données concernant des toxiques, des sites, la santé... Un site de Santé publique France fait état, département par département, de l'état de santé de la population. Je propose que, dans le cadre du plan national santé-environnement à venir, nous créions un observatoire santé-environnement à destination des citoyens, pour que ceux-ci retrouvent dans des termes accessibles l'information sur les différentes expositions et leurs conséquences pour la santé, ainsi que des conseils à suivre - pour entretenir l'effet mémoire, aussi.
Sur les prises de sang et les examens biologiques, la déclinaison doit être la plus fluide possible, pour que la prise en charge soit adaptée aux recommandations de prise en charge nationale et que les populations exposées puissent en bénéficier. Cela relève d'une instruction à faire donner par la caisse nationale de l'assurance maladie aux caisses primaires d'assurance maladie - dans le champ qui dépend de la sécurité sociale, donc. Lorsqu'un examen est utile, il doit évidemment être pris en compte par la sécurité sociale.
La coordination n'est pas simple entre le niveau départemental, piloté par le préfet, le niveau régional, avec la Dreal, qui est sous l'autorité du préfet, et l'ARS. Des comités, de création récente, se réunissent dans certaines régions, peut-être pas dans toutes. Il est important que les instances se parlent, en étroite coordination avec les élus des collectivités concernées. Pour autant, l'échelon régional est souvent considéré par nos concitoyens comme éloigné des communes et des réunions de quartier. Nous incitons les directeurs d'ARS, qui sont souvent des médecins, à assister à des réunions d'information du grand public, pour un exercice, absolument indispensable, de pédagogie locale.