La question est très complexe. Les approches ne sont pas tout à fait les mêmes entre toxicologues et cliniciens. Les toxicologues cherchent à identifier la présence d'une substance dans le sang, les urines ou un organe, et à répartir la population sur une courbe de Gauss en fonction du taux de présence, ce qui permet d'indiquer à chacun sa place par rapport à la moyenne. Cependant un taux élevé n'entraîne pas toujours de conséquences sanitaires, tout dépend de la substance. Certaines substances peuvent s'avérer toxiques au-delà de certains seuils ; mais, la toxicité peut être aiguë, chronique, ou alors temporaire et ne pas poser de problème. D'où la difficulté de la pédagogie ! La réponse est différente pour chaque toxique.
De plus, il est rare de n'être exposé qu'à un seul toxique ! Et là encore, les situations varient en fonction de l'âge, des expositions, de la durée et de la combinaison des substances - certaines pouvant aggraver la toxicité d'une autre. C'est le fameux effet cocktail et il faut avouer que nos connaissances sont assez ténues en la matière. Il est donc utile de disposer de données de biosurveillance, de pouvoir suivre les personnes dans une démarche à la fois toxicologique et épidémiologique : on y parvient grâce aux réseaux professionnels, qui suivent étroitement des cohortes de jeunes adultes ou d'employés de secteurs potentiellement exposés, afin d'identifier des relations entre l'exposition à certaines substances et l'apparition de certaines maladies.
Il ne s'agit évidemment pas d'exposer les jeunes enfants de la vallée de l'Orbiel pour savoir si dans quinze ans ils seront ou non malades ! Il faut bien sûr réduire les expositions. Mais on dispose malheureusement de peu de données scientifiques de qualité. On peut étudier ce qui se passe chez les animaux ou voir si des situations comparables d'exposition à l'arsenic ont déjà été décrites dans d'autres pays. Mais, pour l'instant, il faut reconnaître les limites de notre savoir ; on ignore beaucoup de choses sur les expositions multiples, sur les liens entre une valeur toxicologique de référence, l'imprégnation réelle chez l'homme et ses conséquences sur la santé. Chaque individu est différent, et chaque situation l'est aussi ! Il est évident que les nourrissons ou les personnes âgées sont potentiellement plus vulnérables. Tout dépend des situations, des expositions, de l'état de santé, de l'état du système rénal, des médicaments pris... C'est pourquoi j'ai demandé à l'ANSéS, qui travaille sur les risques environnementaux, de collaborer étroitement avec Santé publique France, qui a une approche épidémiologique et populationnelle. Les deux approches sont complémentaires.