Vos propos illustrent parfaitement la complexité du sujet ! La direction générale de la santé est tout à fait favorable à ce que l'on dispose du plus de données possible sur la santé des populations. Le principe de précaution est déjà consacré dans le champ de l'environnement ; il inclut la préservation de l'état de santé de la population. La gestion des sols pollués s'inscrit tout à fait selon moi dans ce cadre : dès lors que la politique de santé et de prévention vise à faire en sorte que les gens vivent en bonne santé le plus longtemps, il convient de mettre l'accent sur la réduction des risques.
Les médecins généralistes bénéficient d'une grande liberté dans l'exercice de leur profession ; c'est une spécificité de notre système à laquelle sont attachés nos concitoyens, mais parfois ils sont surpris de constater que tous les médecins ne suivent pas les recommandations des sociétés savantes... La HAS a rédigé un guide de dépistage et de prise en charge des personnes exposées à l'arsenic. Il s'impose normalement aux professionnels de santé ; malheureusement, il n'a pas de caractère opposable.
Vous préconisez un suivi épidémiologique : c'est ce que nous souhaitons faire dans différents domaines. Il faut d'abord suivre les personnes exposées professionnellement, car elles travaillent dans des usines chimiques ou traitant des métaux lourds... Elles sont souvent très bien suivies ; cela permet de récolter des données très précises sur les conséquences sanitaires d'une exposition.
Il serait aussi judicieux d'inclure dans le dossier médical les données sur l'exposition ; les parents peuvent le demander : savoir qu'une personne est née dans une vallée où l'air est très pollué pourrait ainsi, par exemple, s'avérer une information précieuse pour son médecin des années plus tard.
Vous avez aussi évoqué des registres. La France a des registres sur les malformations des nouveau-nés, car celles-ci constituent un signal important susceptible de révéler des expositions très diverses, à des pollutions ou à des médicaments par exemple. On peut aussi déclarer les cancers et les médecins généralistes ou les gynécologues ont un rôle important à cet égard. Enfin, comme les personnes bougent, il serait pertinent que l'on puisse savoir, en consultant le dossier de santé, que le patient a séjourné dans une zone polluée. Il est donc fondamental que les Français s'emparent de la notion d'exposome qui figure désormais dans la loi et le code de la santé publique, car l'exposition à des facteurs multiples a certainement un impact sur l'état de santé ; ils doivent être capables de dire à leur médecin qu'ils ont vécu dans une zone exposée et de lui demander de l'inscrire dans leur dossier médical pour pouvoir être mieux pris en charge par la suite.