Intervention de Yves Bertoncini

Commission d'enquête Frontières européennes et avenir espace Schengen — Réunion du 3 janvier 2017 à 11:5
Audition de M. Yves Bertoncini directeur de l'institut jacques delors

Yves Bertoncini, directeur de l'Institut Jacques Delors :

On peut presque faire un parallèle avec la crise de la zone euro, malgré une différence notable : on est dans la zone euro ou en dehors d'elle. Schengen permet des flexibilités, notamment le rétablissement ponctuel de contrôles. Je le précise parce que l'on prédisait à un moment la « mort de Schengen ». Au pire moment, neuf États sur vingt-six ont rétabli leurs contrôles aux frontières nationales, ce qui est tout à fait normal et légal. C'est le climat dans lequel cela s'est fait qui a été dommageable : que la France et la Belgique, la Suède et le Danemark, l'Autriche et l'Allemagne soient en bisbille témoigne d'un problème d'esprit entre ces États membres. Aujourd'hui, seuls quelques États membres font encore usage de ces clauses de sauvegarde, et pour trois mois - l'Autriche, l'Allemagne, la Suède, le Danemark -, auxquels il faut ajouter la France, pour des raisons liées à l'état d'urgence. Nous nous dirigeons vers un retour à la normale, si je puis dire.

Pourquoi ? Parce qu'une course contre la montre est engagée sur ces enjeux de confiance. Pourquoi ne voulait-on pas que ces États membres prennent leurs propres précautions s'ils pensaient que, notamment en Grèce et en Italie, tout passait, y compris, certains terroristes infiltrés ?

Comme pour la zone euro, nous avons élargi l'espace Schengen, accepté des États membres qui souhaitaient rejoindre cet espace, sans en tirer toutes les conséquences sur la façon dont il fallait contrôler ce que ses États membres faisaient, voire se substituer à eux - même si cela n'est pas dit ainsi. Le corps européen de garde-frontières permet de réduire le déficit de confiance. C'était d'ailleurs une condition sine qua non pour que, les frontières étant mieux gardées à l'extérieur, les États membres puissent considérer que la fluidité de circulation à l'intérieur de l'espace Schengen peut être maintenue, sauf cas exceptionnel.

Même si c'est insuffisant, cela permet de réduire le déficit de confiance entre États membres : on a beaucoup parlé de déficit de solidarité, alors que c'est plutôt d'un déficit de confiance qu'il s'agit. Sans doute fallait-il une crise aussi aiguë pour actionner et activer ce partage de la souveraineté qui n'est pas encore terminé, car il est très difficile en matière de police, de justice et de renseignement. Il faut poursuivre cette logique sans laquelle se maintiendra toujours la tentation d'en revenir aux « bonnes vielles frontières nationales », au moins en théorie, même si c'est pure mythologie face au terrorisme.

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