Intervention de Jean-Louis Tourenne

Commission d'enquête Frontières européennes et avenir espace Schengen — Réunion du 3 janvier 2017 à 11:5
Audition de M. Yves Bertoncini directeur de l'institut jacques delors

Photo de Jean-Louis TourenneJean-Louis Tourenne :

Les explications que vous donnez ne m'étonnent pas : nous avons là affaire à des attitudes habituelles, qui relèvent de la contradiction. Celle-ci est typique quand on parle de l'Europe : on insiste à la fois sur les défaillances de l'Europe et sur la nécessité, à l'intérieur, d'avoir des politiques qui ne sont pas forcément en conformité avec l'esprit européen. En l'occurrence, les gouvernements sont appelés à des réponses contradictoires : d'une part, la négociation européenne pour essayer de rendre plus opérationnel l'espace Schengen, d'autre part, la réponse à l'angoisse et au besoin de sécurité des populations. En la matière, les discours ne sont pas forcément suivis d'effet, mais lorsqu'on dit que l'on va rétablir un contrôle aux frontières, on alimente le sentiment d'insécurité et on donne raison à ceux qui pensent que la protection est largement insuffisante.

D'où vient ce manque de confiance des populations dans l'espace Schengen ? Sans doute du discours que nous tenons, mais aussi du caractère un peu vaste de cet espace. On a du mal à imaginer que l'on peut être protégé sur un espace aussi vaste. Notre histoire, marquée par des frontières nationales, ne nous y a pas habitués.

L'espace Schengen vise à développer à la fois la liberté et la sécurité, et pourtant, nous ne parlons que de la liberté donnée. Vous-même, Monsieur Bertoncini, avez répondu aux questions qui vous ont été posées sur les conséquences financières de la suppression des dispositions Schengen. Encore une fois, l'aspect « sécurité » est un peu oublié, or la remise en cause de l'espace Schengen est directement liée au besoin accru de sécurité après les attentats. Il faut rétablir une communication équilibrée, notamment sur la sécurité, qui est le besoin le plus immédiat. Je retiens de vos propos que la meilleure façon d'assurer réellement la sécurité, et non de satisfaire à un fantasme, est d'avoir des personnels et des moyens suffisants, non seulement aux frontières, mais également à l'intérieur. Les auteurs d'attentats en préparation ou d'attentats commis n'ont été appréhendés qu'à l'intérieur des pays, jamais aux frontières. Il est donc préférable de libérer des personnels des frontières anciennes pour les redéployer en plus grand nombre à l'intérieur et mettre en place des coopérations.

Bien qu'il soit loin d'en traduire la richesse, le sentiment que je retire des propos que vous avez tenus, Monsieur Bertoncini, est que la remise en cause de Schengen est sans doute moins urgente que la nécessité de communiquer mieux et de répondre au besoin de sécurité exprimé par les populations.

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