Intervention de André Gattolin

Commission d'enquête Frontières européennes et avenir espace Schengen — Réunion du 3 janvier 2017 à 11:5
Audition de M. Yves Bertoncini directeur de l'institut jacques delors

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Concernant les deux questions majeures, celle des frontières extérieures et celle des frontières intérieures, ou, du moins, des flux de circulation à l'intérieur de l'Union européenne, je me demande si nous n'arrivons pas aux limites de la construction de l'Union européenne. En effet, contrairement à tous les grands États fédéraux, nous ne mettons dans le pot commun ni l'armée, ni la sécurité, ni la fiscalité. Est-ce que ce n'est pas là un modèle de fédéralisme inversé ?

Les institutions européennes disposent d'un budget ridicule. Quand on a conçu Schengen, la solution de facilité qui a été retenue a consisté à faire porter la charge des frontières par chacun des pays frontaliers. C'est ridicule ! Je me suis rendu en Italie il y a trois semaines au nom de la commission des affaires européennes. Le coût porté par ce pays est considérable. Il ne concerne pas seulement les migrants, mais aussi le repêchage des gens en mer sur cette large frontière maritime où le droit de la mer s'applique. On ne peut pas ramener chez eux les gens qui sont tombés à l'eau. On est obligés de leur prêter assistance. Nous commençons à prendre conscience de cette complexité extrêmement forte concernant les frontières extérieures, mais je ne suis pas sûr que les budgets de Frontex et des hotspots soient à la hauteur des enjeux.

Vient ensuite la question intérieure. Il y a trois ans, j'ai dirigé une mission au nom de la commission des affaires européennes sur Europol et Eurojust. La coopération entre les pays est d'autant plus complexe à mettre en oeuvre que la Commission souhaite intégrer ces deux offices en une agence au motif qu'ils ne fonctionneraient pas. La Commission a demandé la présidence d'Europol et, chaque pays ayant un siège, elle devait en avoir deux. S'agissant d'Eurojust, à part les efforts récents qui ont été faits en matière de terrorisme, les missions sur la criminalité transfrontalière sont toujours plus larges alors que le budget n'a pas augmenté dans le dernier cadre financier pluriannuel.

En l'absence de police fédérale, la question n'est pas seulement celle de la coordination entre les polices nationales. On sent bien que, du côté des États nations, on ne sait pas à qui on va confier cette responsabilité, ni même si on a envie de la confier. Si, demain, nous avions une véritable police fédérale, elle ne s'occuperait pas que des problèmes de terrorisme et de migrations, mais également des détournements d'aides européennes, ce qui n'arrangerait pas tout à fait les États ni certains intérêts économiques dans ce pays.

La Fondation Robert Schuman nous expliquera pourquoi elle estime qu'il n'est pas nécessaire de refonder l'Europe. En la matière, il y a un manque de moyens et un manque de volonté politique, or j'ai beaucoup de mal à voir comment nous allons sortir de ce fédéralisme inversé uniquement avec de la coopération et du normatif.

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