Nous n'avons pas mené d'étude spécifique sur les accords de réadmission. En revanche, nous avons étudié, il y a quelques années, l'efficacité des programmes de retour volontaire assisté - notamment des incitations financières au retour dans le pays d'origine. De nombreux modèles ont été testés, mais il faut admettre que l'efficacité de ces dispositifs a été très limitée, car ils se réduisaient le plus souvent à des effets d'aubaine.
Pour citer quelques cas extrêmes, les Pays-Bas ont offert 10 000 euros aux Afghans s'ils acceptaient de retourner dans leur pays. L'Espagne, quant à elle, au début de la crise de 2008, a proposé aux travailleurs étrangers titulaires d'un permis de travail permanent et ayant perdu leur emploi de toucher d'un seul coup la totalité de leurs indemnités de chômage, s'ils renonçaient à leur titre de séjour et retournaient dans leur pays d'origine.
Les taux d'utilisation de ces dispositifs ont été très faibles, même quand les incitations financières étaient assez fortes. La raison en est simple : bien d'autres aspects entrent en ligne de compte. Ainsi, les personnes qui ont obtenu un titre de séjour permanent se sont installées, elles ont tissé des liens, leurs enfants sont scolarisés dans un système qui leur ouvre des perspectives bien meilleures, certaines ont acquis un bien immobilier et la vente de ce bien représente un coût financier largement supérieur à la prime.
En ce qui concerne les accords de réadmission, c'est-à-dire les retours non volontaires, les choses sont plus difficiles à évaluer. En effet, même s'il n'y a pas d'accord, il y a toujours des retours. Tout dépend en fait de la volonté de coopération du pays d'origine, avec ou sans accord. La signature de l'accord peut être un signe de bonne volonté, mais la valeur ajoutée de l'accord est difficile à évaluer stricto sensu. Nous procédons à une évaluation des accords de gestion concertée dans notre étude sur la France en cours de réalisation, mais je ne peux pas vous en dire plus avant sa publication. Nous essayons d'évaluer si les volets de ces accords relatifs à l'immigration légale sont utilisés et de déterminer lesquels fonctionnent vraiment.
Vous m'avez également demandé pourquoi la France attirait peu de main-d'oeuvre qualifiée. Environ 30 000 personnes obtiennent un titre de travail chaque année, parmi lesquelles de nombreux étudiants ayant changé de statut. Selon les indicateurs dont nous disposons, la France réussit assez bien à attirer les étudiants étrangers et à les conserver ensuite. Reste à savoir, ensuite, s'ils se dirigent vers les filières qui ont des besoins de recrutement et comment ils réussissent dans le long terme sur le marché du travail.
Pour les autres migrants, la situation paraît beaucoup plus difficile. Des raisons structurelles l'expliquent, assez peu liées à la politique migratoire, car le cadre français est finalement très ouvert - absence de contingent numérique, nécessité de respecter les conditions d'embauche régulières, sans qu'aucun niveau minimal ne soit exigé, tant du point de vue du salaire que de la qualification. Force est de constater que, malgré ce cadre assez peu contraignant, très peu d'autorisations de travail sont délivrées. Est-ce dû à la faiblesse de la demande ? La France a-t-elle formé suffisamment de monde dans les secteurs où elle éprouve des besoins ? Au contraire, existe-t-il des obstacles, notamment dans la façon dont la politique est mise en oeuvre ? C'est plutôt vers cette dernière hypothèse que nous penchons.