Tant que nous avons affaire à des États-nations, je pense que l'on peut parler de migrations plutôt que de mobilité, même si la Commission européenne sépare bien les migrations intra-européennes, traitées par la direction générale Emploi, affaires sociales et inclusion, des migrations extracommunautaires, traitées par la direction générale Migration et affaires intérieures. Par ailleurs, on trouve en Europe des obstacles que l'on ne trouve pas sur le continent américain, liés notamment à la langue. Même si les obstacles administratifs sont assez réduits, demeurent des obstacles linguistiques et culturels qui n'existent pas lorsque l'on migre de la Floride à la Californie. Cela dit, nous avions comparé les effets de la mobilité après la crise de 2008 aux États-Unis et en Europe. Nous avions observé que la mobilité avait davantage contribué à absorber les chocs en Europe qu'aux États-Unis, ce qui nous avait surpris.
En ce qui concerne les migrations sud-sud, on estime que, sur 240 millions de migrants dans le monde, environ 120 millions entrent dans des pays de l'OCDE - dont un certain nombre en provenance d'un autre pays de l'OCDE -, ce qui signifie que les 120 millions restant se dirigent vers d'autres pays. Les migrations sud-sud sont donc très importantes.
Les migrations intrarégionales constituent la part la plus dynamique des mouvements migratoires. Elles sont très développées en Europe, mais aussi en Amérique latine - entre 2009 et 2014, elles ont augmenté de 50 % -, en Asie, avec le développement de l'ASEAN et de zones de libre-échange un peu embryonnaires, et en Afrique - on décompte 15 millions de migrants entre pays africains, contre seulement 5 millions de migrants d'Afrique vers les pays de l'OCDE. Il ne faut pas oublier cette dimension intrarégionale, qui représente un enjeu majeur pour l'avenir de l'Afrique : l'existence de pôles économiques stables et dynamiques permettra seule d'absorber une partie des jeunes qui vont entrer sur le marché du travail. Lorsque j'ai été auditionné par la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, j'avais expliqué qu'un Nigeria stable et prospère, compte tenu de la taille de ce pays, était essentiel pour stabiliser les flux migratoires au niveau régional. Si quelques moteurs économiques se développent en Afrique, ils joueront un rôle attractif ; dans le cas inverse, la pression migratoire vers l'Europe continuera d'augmenter, en particulier celles des jeunes qui cherchent un avenir meilleur.
M. Tourenne m'a interrogé sur les statistiques que j'ai mentionnées concernant les mineurs non accompagnés. Elles proviennent d'Eurostat et sont établies au moment de l'enregistrement de la demande d'asile. En revanche, j'ignore si les règles d'enregistrement sont harmonisées au niveau européen et si le recensement se fait une fois que l'âge a pu être déterminé de manière définitive ou au moment de l'enregistrement de la demande d'asile.