Intervention de Bernard Bigot

Commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité — Réunion du 20 mars 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Bernard Bigot administrateur général du commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives

Bernard Bigot, administrateur général du CEA :

Oui, le reste est substituable. Le petit miracle du nucléaire, si j'ose dire, c'est qu'il n'y a pratiquement pas de pièces mécaniques à l'intérieur du coeur : il n'y a donc pas d'usure par frottements, etc. En revanche, les échangeurs de chaleur qui subissent le cyclone de vapeur connaissent une véritable usure : leur oxydation a été plus forte que prévu, c'est pourquoi EDF a établi un plan de remplacement de ces pièces.

En ce qui concerne la durée de vie des centrales nucléaires, je confirme que tous les éléments sont aujourd'hui plutôt favorables : aux États-Unis, certains réacteurs ont cinquante ans et fonctionnent encore. Nous disposons donc d'une véritable expérience ! Dans le domaine technologique et industriel, on peut faire beaucoup, mais on ne peut pas raccourcir le temps. Ce n'est pas en faisant fonctionner cinq réacteurs en parallèle pendant dix ans que je saurai comment chacun d'entre eux fonctionnera dans cinquante ans ! Il faut accepter d'attendre le retour d'expérience.

Pour moi, le plus important est de prolonger le plus possible la durée de vie des installations, avec une observation extrêmement attentive afin d'éviter tout risque induit. Du point de vue des scientifiques et des ingénieurs, je vous confirme qu'il n'existe pas aujourd'hui de risques particuliers, supérieurs à ceux qui existaient avec la durée de vie initialement prévue, si l'on prolonge celle-ci de dix ans. En revanche, si l'on devait constater, demain, un problème dans une centrale, il ne faudrait pas hésiter à agir !

J'en viens au deuxième aspect que vous avez soulevé. Il est clair que le nucléaire produit des déchets : il en produit à due concurrence du combustible consommé. Les 8 000 tonnes d'uranium naturel que j'ai évoquées permettent de produire 1 100 tonnes de combustible, dont 5 % sont transformées avant que ce combustible soit retiré du réacteur. Le choix technologique retenu par la France consiste à séparer ces 5 % et à recycler les 95 % restants.

Les 5 % de déchets en question, lorsqu'ils sont retirés du réacteur, émettent une radioactivité de l'ordre de 100 000 à 1 000 000 fois supérieure à la radioactivité naturelle. Si vous exposez n'importe quel organisme vivant à un tel niveau de radioactivité, vous le détruisez ! Il faut donc confiner ces déchets.

Après une première loi, en 1991, qui confiait au CEA, au CNRS et à d'autres organismes la responsabilité d'examiner les différentes pistes possibles pour la gestion des déchets, le Parlement a arrêté, en 2006, un choix de référence, fondé sur la séparation et le stockage géologique de colis vitrifiés inertant les déchets radioactifs. Même dans un dépôt d'argile, qui comporte environ 15 % d'eau - or l'eau finit par dissoudre le verre, très lentement, sur des échelles de temps qui sont de l'ordre de la centaine de milliers d'années -, on peut garantir, sur le plan scientifique, que la radioactivité ainsi introduite va décroître. Lorsqu'un atome radioactif sortira éventuellement de la couche d'argile épaisse qui se trouve entre la Haute-Marne et la Meuse, la radioactivité induite, en flux, sera de l'ordre du centième ou du millième de la radioactivité naturelle. Nous disposons désormais d'une bonne compréhension de ces mécanismes, qui nous permet de telles affirmations. La radioactivité n'est pas dangereuse, aussi longtemps qu'elle ne dépasse pas un certain seuil : notre organisme dispose de mécanismes de réparation des dommages créés par les rayonnements ionisants qui sont capables de faire face à la radioactivité naturelle dans laquelle nous baignons.

Ma conviction profonde est que nous disposons aujourd'hui d'un scénario de référence. Des incertitudes demeurent quant aux coûts, parce qu'il s'agit d'un grand projet industriel, totalement novateur. La Cour des comptes affirme très clairement que, même si le coût du stockage des déchets doublait, celui-ci ne représenterait qu'un pourcentage très faible du coût de l'électricité.

Nous nous inscrivons donc dans la logique suivante : allonger la durée de vie des réacteurs pour faire baisser le coût moyen de l'électricité, sachant qu'un « jugement de paix » reste à rendre sur le coût du stockage géologique profond. Dans tous les cas, contrairement à ce que certains disent, le nucléaire reste compétitif, y compris en intégrant la nécessité d'assumer jusqu'à la fin des temps la responsabilité d'une gestion correcte du cycle du combustible.

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