En matière de dispositifs médicaux, je crois que les choses sont simples : il est essentiel de renforcer le contrôle à toutes les étapes.
La première mesure consiste à s'attaquer aux conditions de mise sur le marché. Il est primordial de revoir en profondeur le rôle des organismes notifiés et le contrôle que les autorités de santé exercent sur eux. En revanche, je ne suis pas sûr que l'institution d'une véritable autorisation de mise sur le marché soit une idée transposable du médicament aux dispositifs médicaux. Non seulement les dispositifs médicaux sont beaucoup plus nombreux et variés que les médicaments mais il est très difficile de les tester avant leur commercialisation. Il ne faut pas renoncer à mener des essais cliniques, mais il faut être conscients qu'il ne s'agira jamais de la même réalité que pour le médicament : on ne peut mener des essais avec placebo et les populations concernées sont souvent de taille réduite.
Je pense qu'il nous faut également nous pencher à nouveau sur les relations entre les professionnels de santé et les fabricants. Le sujet n'est pas simple car plus les spécialités sont pointues plus il est difficile de trouve des experts qui ne soient pas en relation avec des industriels. Les Etats-Unis ont résolu la question de manière pragmatique en généralisant la transparence : c'est le Sunshine Act. Les médecins ont tout à gagner à ne plus être soupçonnés d'une connivence qui altèrerait leur jugement sur l'intérêt thérapeutique et le risque d'un nouveau dispositif.
Si ces liens se traduisent par des flux financiers, ceux-ci pourraient être mutualisés au sein d'un fonds qui servirait d'intermédiaire entre le laboratoire et le professionnel de santé, afin qu'il n'y ait pas de lien direct entre eux. Force est de constater que, dès les études de médecine, les industriels prennent en charge des dépenses en faveur des médecins, puis à travers des congrès ou un soutien à la recherche. La plupart des experts ne peuvent se passer de tels financements. Les spécialistes ont besoin des laboratoires pour mener des expérimentations. Un lien de dépendance s'installe, et la mutualisation des fonds reçus permettrait d'y mettre fin. Cela permettrait également de financer la matériovigilance, qui reste un parent pauvre au sein de notre système de soins.
Toutes les étapes du processus doivent faire l'objet d'une réflexion d'ensemble car on ne pourra prévenir de nouveaux incidents, voire accidents, sans assurer la traçabilité des dispositifs. Pour ce faire, plusieurs conditions doivent être réunies : en premier lieu, pouvoir identifier les matériels. Pour l'instant, chacun met en oeuvre son propre système, qu'il s'agisse des fabricants ou des établissements de santé. Comment, dans ces conditions, peut-on avoir une chance de retrouver un dispositif si la nécessité se présente ? La moindre des choses est de mettre en oeuvre un identifiant unique (UDI). Un projet international existe, nous devons jouer un rôle moteur en ce domaine, ce qui ne sera pas facile tant la crédibilité de l'Union européenne est remise en cause par le fonctionnement du système des organismes notifiés.
Une fois que le dispositif implanté dispose d'un numéro, il est évidemment essentiel d'alimenter une base de données lors de l'implantation sur un patient. Et c'est ainsi qu'on constitue un registre des matériels, qui permettra par la suite de détecter les éventuelles défaillances et de contacter les personnes concernées. En France, de tels registres restent le fruit d'initiatives individuelles.
Pour être efficace, un registre doit être le plus représentatif possible : il ne peut être efficace que s'il contient des données sur au moins 70 % des matériels implantés. Les exemples étrangers montrent que la réussite dépend de l'implication de tous les acteurs. En Suède par exemple, un registre sur la chirurgie de la main est rempli par le chirurgien dès sa sortie du bloc opératoire, grâce à des rubriques synthétiques et précisément définies. L'implication du monde médical est capitale. Le meilleur moyen de l'associer consiste, selon moi, à confier à des équipes dédiées la tenue d'un registre en particulier. Il faut faire des registres spécifiques à un produit ou une pathologie. On ne conçoit pas un registre de prothèses de hanche comme un fichier de stents héparinés. Chaque spécialité a ses spécificités, ses données cliniques propres.
Cependant, ces registres ont un coût : la participation de l'Etat, dans leur gestion ou leur financement, n'est donc pas à exclure a priori. On peut éventuellement envisager une taxe sur la publicité pour les dispositifs médicaux afin de financer ces registres.
Dernière piste possible, lier le remboursement des dispositifs à l'alimentation du registre. Au cours de nos auditions, cette piste a été plusieurs fois présentée comme intéressante.