Intervention de André Gattolin

Commission des affaires européennes — Réunion du 14 juin 2022 à 16h50
Recherche et innovation — Programme d'action numérique de l'union européenne à l'horizon 2030 - proposition de résolution européenne et avis politique de mmes florence blatrix contat et catherine morin-desailly et

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Cela fait longtemps que nous travaillons sur ces sujets. En dépit de réels progrès, nous avons encore tendance, dans ce domaine, à penser en silos.

C'est bien d'insister sur les infrastructures, mais j'abhorre le terme de « cluster » employé par la Commission. Ce qu'il faudrait, c'est créer un écosystème. Si j'étais facétieux, je dirais que la souveraineté numérique se réduit aujourd'hui à la souveraineté du numérique sur l'économie, alors qu'il faudrait rétablir une souveraineté sur le numérique.

L'Union européenne peut jouer sur une influence normative, elle crée des standards, mais il n'est pas facile d'encadrer des secteurs extrêmement mouvants, ni de savoir lesquels vont devenir critiques. Or l'on ne se dote pas des instruments intellectuels permettant de suivre les évolutions rapides des technologies numériques. Les normes européennes sont importantes pour protéger les citoyens, mais elles peuvent aussi entraver une dynamique, quand on sait le temps qu'il faut pour construire ou réviser une directive ou un règlement.

Il manque fondamentalement à l'Union des moyens financiers pour espérer construire une souveraineté numérique. Dans certains domaines requérant des investissements conséquents, nous devons aussi penser à multiplier les accords bilatéraux, car tout ne peut pas être coordonné au niveau européen. C'est le cas par exemple de la cybersécurité, qui relève des choix et des orientations stratégiques des États.

Catherine Morin-Desailly l'avait déjà souligné dans son rapport L'Union européenne, colonie du monde numérique ?, publié en 2013 : les textes normatifs ne suffisent pas, il faut aussi des moyens et une politique industrielle.

Or l'Union européenne conserve une vision encore très « mécano » de cette politique : elle propose des plans sectoriels, de nouvelles infrastructures, sans voir que la meilleure protection pour nos industries, c'est l'écosystème dans lequel elles évoluent. On peut racheter une licorne, pas un écosystème. La construction d'écosystèmes est notre principal levier de souveraineté, mais nous devons faire preuve de plus de souplesse si nous voulons construire et développer de tels écosystèmes.

La semaine dernière, nous étions plusieurs à assister au forum international de la cybersécurité, un sujet qui concerne à la fois les acteurs publics - gendarmerie, armée, État - et les entreprises. C'est une autre condition de notre souveraineté : nous devons développer une véritable culture de cybersécurité. Malheureusement, les moyens sont encore très insuffisants au niveau européen, et nous avons du mal à conserver nos compétences.

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