Intervention de Catherine Morin-Desailly

Commission des affaires européennes — Réunion du 14 juin 2022 à 16h50
Recherche et innovation — Programme d'action numérique de l'union européenne à l'horizon 2030 - proposition de résolution européenne et avis politique de mmes florence blatrix contat et catherine morin-desailly et

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly, rapporteure :

En effet, nous avons perdu des batailles, mais pas la guerre du numérique. Nous sommes toutefois à la croisée des chemins. La pandémie nous a réveillés dans bien des domaines, en révélant les carences de nos politiques industrielles, notamment dans le numérique, alors que nous étions à l'origine de la création d'internet.

On peut encore inverser la vapeur et recouvrer, brique après brique, non pas une souveraineté numérique totale, qui signifierait aussi un repli sur nous-mêmes, mais une autonomie et une capacité à influer sur notre destin. Avec la guerre en Ukraine et la balkanisation de l'internet qui se profile, il est vraiment temps de déployer une stratégie globale et offensive qui ne se limite pas au développement d'un marché numérique par les usages. Nous devons redevenir acteurs de l'écosystème et promouvoir une industrie digne de ce nom.

Nous ne saurions trop insister sur le besoin immense de formation, initiale et continue : des millions d'emplois nous manquent aujourd'hui. Et les ingénieurs qui sortent de nos écoles informatiques sont attirés ailleurs par de meilleurs salaires... Si nous ne payons pas correctement nos chercheurs, nous n'aurons pas la matière grise nécessaire à cette politique.

Les politiques industrielles ne peuvent être menées qu'avec une véritable commande publique. À cet égard, il y a un véritable bashing, dans lequel nous nous laissons entraîner. La stratégie du cloud de confiance, par exemple, qu'on nous a vantée ces derniers mois, sous-entend que nos entreprises ne seraient pas capables de traiter les données de santé, ce qui est parfaitement faux ! Nous avons interrogé des industriels, qui nous ont tous confirmé qu'elles en étaient capables. Ce qu'ils réclament, ce serait l'équivalent d'un Buy European Act ou d'un Small Business Act. Pour y parvenir, chaque État membre doit se responsabiliser. Sinon, nous ne pourrons pas créer l'écosystème dont nous avons besoin.

Sur Gaïa-X, nous avons interrogé l'entrepreneur français Scaleway, qui nous a expliqué que c'était une belle ambition au démarrage, mais que les objectifs de cette mission, qui consistait justement à créer un cloud véritablement souverain au niveau européen, avaient été remis en cause par certains, au point de laisser entrer les Chinois et les Américains dans le projet.

J'insiste, quoi qu'il en soit, sur la nécessité d'orienter nos commandes publiques pour construire une politique industrielle.

Nous disposons d'une multitude de textes qui vont tous dans le même sens, mais il nous manque un pilotage public plus clair. C'est pourquoi nous avons maintes fois réclamé qu'un haut-commissaire au numérique s'empare de ces questions en France, et même au niveau européen. Il faut une instance de coordination de ces politiques qui sont éminemment transversales. Peut-être que M. Le Maire, désormais ministre en charge de la souveraineté numérique et industrielle, s'emparera de ce pilotage politique global.

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