Concernant le déploiement du pass numérique, votre impatience est la mienne. Je rappelle un peu l'historique. Quand le pass numérique a été décidé, je n'étais pas encore ministre. Il a été annoncé en 2018, puis il y a eu un appel d'offres auprès des collectivités. J'ai signé les conventions à la fin de l'été 2019. Le déploiement a commencé bon an mal an au début de 2020. Aujourd'hui, nous en sommes à 200 000. Le problème est que la Covid a mis tout cela sous le boisseau ; les lieux ont fermé et mettent du temps à rouvrir : il s'agit de structures qui sont souvent assez fragiles.
S'agissant de la trentaine de départements en dehors du pass numérique, un appel d'offres de 15 millions d'euros a été relancé cet été.
Je voudrais préciser un élément sur lequel, je pense, le Sénat ne me contredira pas. L'État a systématiquement fait le pari de la concertation, de la coconstruction avec les collectivités territoriales. Cela a un avantage : si vous auditionnez les collectivités qui travaillent avec nous, vous verrez qu'elles sont relativement satisfaites de la coopération avec la mission société numérique et de la manière dont la discussion se mène. Cela a un désavantage : la rapidité de déploiement. Pour le coup, celui-ci est dans la main des collectivités. Mais je ne veux pas leur jeter la pierre : même dans les endroits où cela se passe relativement bien, par exemple, dans le Nord, en Rhône-Alpes ou dans la Creuse, cela prend plusieurs mois. Cela étant, le choix initial, qui a été que cette politique soit non pas déployée par l'État, du haut, via les préfectures, mais contractualisée avec les collectivités locales, est le bon. Maintenant, il faut que les choses s'accélèrent. Je suis moi-même très impatient.
À ce stade, les 250 millions d'euros ne sont pas destinés au pass, ne serait-ce que parce que les 20 ou 25 premiers millions d'euros qui ont été apportés par l'État, qui correspondent donc à 50 millions d'euros environ, n'ont pas tous été dépensés. Les 250 millions d'euros financeront donc - je rebondis là sur le sujet de la disparité territoriale -, des postes et des lieux sans se limiter à 50 % de la quote-part, peut-être en allant jusqu'à 100 % à certains endroits pour aller vite et résoudre le problème de l'insuffisance du nombre de formateurs. Là encore, on voit une grande disparité entre les collectivités territoriales. Certaines - les Hauts-de-France, la Savoie, les Pyrénées-Atlantiques, la Creuse - ont déployé une stratégie d'inclusion numérique, identifié les publics cibles et les acteurs. D'autres n'ont même pas mené cette réflexion. Or l'État ne peut pas se substituer à elles pour déterminer les publics prioritaires, les structures sur lesquelles s'appuyer... Il n'y a que les territoires qui peuvent le faire. L'État propose 250 millions d'euros et est prêt à financer des postes à 100 %, mais il faut lui dire où. Reste qu'il ne faut pas que ces sommes servent à financer des agents d'accueil pour aider à rebrancher le wifi ; je le dis, parce que c'est du vécu.
C'est aussi une exigence pour les collectivités territoriales de se doter d'une vision sur l'inclusion numérique, qui n'est pas qu'une vision sur le déploiement de la fibre. On peut s'appuyer d'ailleurs en partie sur les syndicats mixtes de déploiement de la fibre. Pour le moment, je ne suis pas capable de vous dire comment vont se ventiler exactement les 250 millions d'euros. Nous sommes prêts à en discuter avec les collectivités. Notre volonté, c'est l'efficacité et qu'il y ait réellement des formateurs dans des lieux avec des moyens et qu'ils soient pilotés par la collectivité. La notion de péréquation est également importante. Un département comme celui de la Creuse, qui est très rural, a une vision très précise de ce qu'est l'inclusion numérique. Nous sommes prêts à l'aider. J'ajoute que tout cela doit évidemment être pensé avec des opérateurs sociaux comme Pôle emploi, la CAF, la CNAV, etc.
Concernant le « pacte de Cahors », je peux avoir mon opinion personnelle, mais vous comprendrez que je ne déroge pas à la doxa gouvernementale. Le sujet pourrait être aussi porté soit par des hubs, soit par des associations locales, soit par des tiers-lieux financés par les collectivités. L'important est que cela soit concerté et coordonné avec l'action des collectivités, le portage de tel ou tel dispositif pouvant se discuter dans des termes qui parfois ne sont pas totalement dépendants du « pacte de Cahors », surtout que c'est l'État qui paye.
Comme vous le savez, la mission société numérique fait partie de l'ANCT. C'est la mission de l'ANCT, notamment de sa mission société numérique, d'accompagner les collectivités. Nous sommes d'ailleurs en train d'augmenter ses effectifs de sept ou huit personnes à plus de quinze. L'objectif est d'améliorer la communication entre collectivités - il faut éviter de réinventer la roue à chaque fois - et de mieux les accompagner en matière d'ingénierie. Je pense que c'est au coeur de ce que doit faire l'ANCT. D'ailleurs, elle le fait plutôt bien.