Intervention de Bernard Saugey

Réunion du 30 juin 2011 à 9h00
Exercice du mandat local — Discussion et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Bernard SaugeyBernard Saugey, auteur de la proposition de loi :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France compte plus de 500 000 élus locaux qui ont choisi de consacrer tout ou partie de leur temps à la chose publique.

Ces 500 000 maires, conseillers municipaux, généraux ou régionaux sont une chance pour notre pays. Ils sont à la fois les serviteurs d’un modèle démocratique qui associe le plus grand nombre de ses citoyens à la conduite des affaires de la cité et des acteurs essentiels du savoir-vivre à la française.

La grandeur de leur mission résulte de la dimension humaine de celle-ci : les élus locaux exercent de véritables magistères sociaux ; ils constituent le premier recours auquel chaque citoyen peut avoir accès en cas de difficultés.

Cependant, bien que les élus locaux tirent une satisfaction personnelle de leur engagement au service du bien commun, une majorité d’entre eux est en proie au découragement.

La réalité, c’est que la représentation politique locale doit faire face à une crise de l’engagement qui connaît un degré de gravité sans précédent ; de là le risque d’une crise profonde des vocations, si je puis dire.

Beaucoup dénoncent l’impossibilité à laquelle ils sont confrontés d’exercer des responsabilités de plus en plus lourdes et d’accomplir des devoirs qui n’ont cessé de croître depuis quarante ans.

En effet, l’exercice du mandat va bien au-delà des tâches de représentation, d’administration ou de gestion. La société se montre de plus en plus exigeante vis-à-vis de la représentation démocratique locale, dont on attend qu’elle apporte toutes les réponses. Le métier de maire est devenu un sacerdoce, qui exige, aujourd’hui, des sacrifices personnels très importants.

Avec ma collègue et amie Marie-Hélène Des Esgaulx, nous avons souhaité présenter un texte permettant de lutter contre la désaffection qui caractérise aujourd’hui l’exercice du mandat local. La présente proposition de loi ne met pas l’élu au-dessus des lois. Elle lui permet simplement d’exercer son mandat avec toute la sérénité et la disponibilité nécessaires. Il en va de la vitalité de notre démocratie.

L’État doit aider les élus locaux dans l’accomplissement d’une mission devenue plus complexe. Avant de contrôler, les préfectures et l’ensemble des services doivent conseiller et soutenir les responsables des collectivités territoriales.

Il est essentiel que les femmes et les hommes qui s’engagent et qui ont le courage de se présenter devant le suffrage se sentent à l’abri de critiques qu’ils ne méritent pas.

En ce sens, je me réjouis que ce texte, grâce aux apports de la commission, protège plus efficacement les élus locaux en encadrant de manière plus stricte les délits de favoritisme et de prise illégale d’intérêt.

Toutefois, il faut garder à l’esprit, mes chers collègues, que si nous sommes amenés à préciser ces délits, c’est uniquement sous l’effet d’une dérive récente qui conduit parfois le juge à contester l’esprit de la loi, le risque étant que les arbitrages des élus ne se fassent plus seulement en fonction de l’intérêt général, mais au nom de leur propre protection juridique.

Les élus locaux doivent pouvoir bénéficier d’une formation adaptée à leurs besoins. L’accès à la formation est un gage de liberté dans la prise de décision. Face à la multiplication des intérêts catégoriels, seule la connaissance et la maîtrise des réglementations peut guider les élus vers l’intérêt général.

En ce sens, je regrette, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que le système péréquateur de formation que nous avions proposé et qui permettait aux élus des plus petites communes d’avoir accès à des formations ne soit que partiellement repris.

Enfin, je souhaiterais rendre hommage au travail très important accompli par le Sénat, notamment par mon collègue Éric Doligé, pour identifier un certain nombre de normes obsolètes ou inadéquates s’appliquant aux collectivités locales.

Depuis trop longtemps, l’administration multiplie les normes. Celles-ci exaspèrent les élus locaux, très souvent confrontés à des réglementations kafkaïennes qui les obligent, par exemple, à construire des bâtiments laids et inadaptés mais respectant les normes légales, ou qui leur imposent le respect d’une réglementation identique en zone urbaine comme à la campagne.

Le plus inquiétant, et c’est la raison pour laquelle le travail conduit par le Sénat est remarquable, c’est que cette multiplication des normes tend à judiciariser notre société en ouvrant à la plainte un champ d’action illimité. L’accroissement de la responsabilité pénale des élus constitue, à n’en pas douter, une régression pour notre démocratie.

Je remercie tous mes collègues, au premier rang desquels Patrice Gélard, qui ont travaillé sur ce texte et l’ont fait évoluer pour améliorer les conditions d’exercice du mandat local.

Les maires seront sensibles à cette attention, à l’heure où un renouvellement sénatorial se profile et où notre assemblée est plus que jamais reconnue comme l’interlocuteur privilégié des collectivités locales.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte peut être considéré comme une étape supplémentaire dans le processus de réforme des collectivités locales engagé depuis dix ans. Je souhaiterais que l’on en dresse un bilan, ici au Sénat, afin notamment de mettre en exergue ses points forts et surtout ceux, plus faibles, qui appelleront des changements.

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