Intervention de Yvon Collin

Réunion du 30 juin 2011 à 9h00
Exercice du mandat local — Discussion et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie nos collègues Bernard Saugey et Marie-Hélène des Esgaulx d’avoir déposé cette proposition de loi dont l’ambition, partagée me semble-t-il sur l’ensemble de nos travées, est de renforcer le cadre juridique et financier applicable à l’exercice des fonctions d’élu local.

Je tiens d’ailleurs à rendre ici hommage aux 500 000 élus qui, sur l’ensemble de notre territoire, exercent au quotidien leurs fonctions dans des conditions souvent difficiles, mais toujours en gardant à l’esprit la défense de l’intérêt général, a fortiori quand il s’agit d’élus bénévoles qui se battent pour faire vivre nos territoires ruraux ou les zones urbaines défavorisées.

Je regrette que cette proposition de loi, pour intéressante qu’elle soit, ne nous soit soumise qu’en fin de session, nichée parmi les textes que notre ordre du jour particulièrement chargé – pour ne pas dire surchargé – nous impose d’examiner avant la fin de nos travaux. Elle méritait sans doute plus de lumière.

Surtout, cette proposition de loi ne répond que très partiellement aux besoins des élus qui nécessiteraient la mise en œuvre d’un véritable statut de l’élu local. Faut-il rappeler que la réforme territoriale était supposée apporter une réponse globale, notamment avec le projet de loi n° 61 ? Nous risquons, en réalité, d’attendre longtemps la discussion de ce texte !

Il est finalement très regrettable de créer au forceps le conseiller territorial – nous en examinerons, la semaine prochaine, le dernier avatar – pour, paraît-il, diminuer le coût des élus, alors que, dans le même temps, les élus des plus petites collectivités se débattent dans des conditions financières difficiles pour faire vivre les services publics. Tout cela ne présage pas un avenir radieux pour nos territoires !

Pour en venir au cœur de la présente proposition de loi, il est certain que le principe de gratuité des fonctions électives municipales, affirmé à l’article L. 2123-17 du code général des collectivités territoriales, s’inscrit, à l’évidence, en contradiction avec l’engagement inhérent à ces mandats et le temps qui leur est consacré. M. le rapporteur l’a rappelé, le statut de l’élu résulte d’une lente, trop lente construction qui se résume, finalement, à une succession d’aménagements de ce principe.

Le Sénat, comme il est normal, est impliqué depuis longtemps dans cette réflexion. Je rappellerai, par exemple, le rapport du groupe de travail constitué en 1978 autour de notre ancien collègue Roger Boileau, qui soulignait déjà la difficulté de concilier la vie élective, la vie professionnelle et la vie personnelle.

En 1982, le rapport Debarge, du nom d’un autre de nos anciens collègues, avait mis l’accent sur la formation de tous les élus, la revalorisation substantielle des indemnités, le droit à une retraite décente, l’assouplissement du régime des autorisations d’absence, les crédits d’heures et la réinsertion sociale de l’élu en fin de mandat. La loi du 3 février 1992, qui constitue aujourd’hui, avec la loi du 27 février 2002, l’essentiel du statut de l’élu local, s’est très largement inspirée des conclusions de ce rapport.

Force est de constater que les besoins des élus sont aujourd’hui importants, particulièrement en matière de droit à la formation, au vu du rythme d’évolution des normes imposées aux collectivités. Sur ce point, la lecture du rapport de notre collègue Éric Doligé sur la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales est aussi instructive qu’édifiante. Nous ne pouvons pas continuer à produire autant de normes, a fortiori de façon aussi évolutive et rapide, et exiger des petites communes qu’elles appliquent avec célérité le droit de la République. D’ailleurs, il est certain que la réforme territoriale n’apportera aucune amélioration sur ce point – du moins, je ne le crois pas.

C’est finalement pour les élus de ces petites collectivités que l’écart entre les besoins et les moyens est le plus grand, et donc le plus préjudiciable à l’intérêt public local. Combien d’élus de petites communes préfèrent ne pas percevoir leurs indemnités plutôt que de grever le budget municipal ? Combien choisissent de ne pas se faire rembourser les frais exposés sur leurs deniers personnels ? Combien sont contraints de renoncer à leurs autorisations d’absence pour ne pas porter préjudice à leur carrière professionnelle ? À l’évidence, beaucoup trop ! Cette situation explique également que nombre d’entre eux n’exercent qu’un seul mandat avant d’y renoncer, découragés par des conditions d’exercice qu’ils jugent trop lourdes et trop contraignantes.

Je me réjouis néanmoins que la présente proposition de loi tende à rapprocher la condition matérielle des élus des communes de moins de 3 500 habitants de celle des élus des autres communes, particulièrement en ce qui concerne les droits sociaux des élus dans le cadre de leur activité professionnelle. Tout comme mes collègues du groupe du RDSE, je souscris aux modifications adoptées par la commission des lois, notamment celles qui sont relatives au plancher des crédits de formation et au régime indemnitaire des élus des communes de moins de 1 000 habitants et des délégués communautaires.

Pour ce qui concerne la complexification de l’environnement juridique des collectivités locales, je soutiendrai bien évidemment les dispositions relatives à la clarification des délits de prise illégale d’intérêt et de favoritisme, introduites par M. le rapporteur et par notre collègue Pierre-Yves Collombat. Sur l’initiative de mon groupe, plus exactement sur celle de notre collègue Anne-Marie Escoffier, le Sénat avait déjà repris, dans la proposition de loi de simplification du droit, la formulation de la proposition de loi de notre collègue Bernard Saugey visant à réformer le champ des poursuites de la prise illégale d’intérêt des élus locaux, voté ici même à l’unanimité le 24 juin 2010. Nous espérons, monsieur le ministre, que l’Assemblée nationale comprendra enfin le message que nous lui adressons une nouvelle fois aujourd’hui.

Mes chers collègues, nous sommes tous conscients du fait que les milliers d’élus locaux, la plupart bénévoles, sont des acteurs incontournables de la vie sociale de notre pays. Cette proposition de loi se veut modeste dans son objet, mais apportera, à n’en pas douter, de nouveaux droits à ces élus : il s’agit donc d’une avancée. L’ensemble du groupe du RDSE la votera donc, tout en attendant avec impatience la grande réforme du statut de l’élu local qui doit accompagner toute réforme des collectivités territoriales et qui, plus que jamais, s’avère nécessaire !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion