Intervention de Marie-Hélène Des Esgaulx

Réunion du 30 juin 2011 à 9h00
Exercice du mandat local — Discussion et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Marie-Hélène Des EsgaulxMarie-Hélène Des Esgaulx :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la récente loi de réforme des collectivités territoriales a mis en lumière le grand chantier de décentralisation auquel nous sommes aujourd'hui confrontés.

En effet, cela fait maintenant près de trente ans que la loi Defferre du 2 mars 1982 supprimant la tutelle administrative régit nos collectivités territoriales. Celle-ci est l’emblème d’un processus de décentralisation voulu par nos gouvernements depuis les années soixante-dix, processus qui a entièrement modifié la fonction non seulement de nos collectivités territoriales, mais aussi de nos élus.

Il me semble donc aujourd'hui plus qu’approprié de revoir la fonction d’élu afin qu’elle puisse être plus en adéquation avec les évolutions qu’elle a connues et les nouvelles charges de travail qu’elle implique. C’est du reste la reconnaissance du rôle accru de l’élu local qui justifie à mon sens l’instauration d’une compensation nécessaire pour garantir l’égal accès de tous au mandat électif.

Cependant, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui ne vise pas à mettre en place un nouveau statut de l’élu local. Envisagé expressément par les lois de décentralisation, un tel statut s’est révélé difficile à mettre en œuvre, compte tenu de l’hétérogénéité qui caractérise la communauté des élus, mais aussi du coût qu’une telle réforme entraînerait. Un tel coût semble en effet, aujourd'hui, incompatible avec les restrictions budgétaires que la conjoncture mondiale nous impose. Un nouveau statut sera pourtant nécessaire, tôt ou tard.

C’est dans ces conditions et pour l’ensemble de ces raisons que mon excellent collègue Bernard Saugey et moi-même avons formulé des propositions afin de tenter de faciliter l’exercice du mandat local et de le rendre plus attractif.

Il s’agit de donner une nouvelle image des élus dans nos collectivités territoriales, mais aussi de former ces derniers au nombre grandissant de tâches qui leur sont confiées. En effet, les élus sont passés d’une fonction de simple représentation à celle de gestionnaire : ils doivent désormais être attentifs aux préoccupations des citoyens, mettre en place des politiques publiques de premier plan et gérer des budgets chaque année plus importants.

Dès lors, la question se pose : la loi ne devrait-elle pas prévoir les moyens et les outils nécessaires à l’accomplissement de ces tâches importantes ?

La proposition de loi que mon collègue Bernard Saugey et moi-même vous présentons aujourd'hui pourrait permettre de combler ce néant législatif grâce à la fixation d’un « plancher bas » en matière de droit à la formation ; ce faisant, le droit à la formation deviendrait aussi un devoir.

L’objectif recherché est une meilleure mise en place des politiques publiques à l’échelon local, mais aussi un renforcement de l’attractivité de la fonction d’élu. Il faut en effet redorer l’image de cette fonction et mettre en avant le fait que l’élu a des devoirs auxquels il doit se contraindre.

C’est bien dans cette optique que nous souhaitons encadrer plus strictement le favoritisme, qui, outre le fait qu’il est de nature à ternir l’image de l’élu, met en cause la sécurité juridique des élus de bonne foi.

Cette proposition de loi vise également à rappeler que les élus locaux sont bien les acteurs fondamentaux de notre contrat social et à tenter de contrer le désenchantement à l’égard de la fonction élective que l’on constate depuis quelques années dans notre pays.

En somme, il s’agit, grâce à des propositions concrètes, de rappeler à tous les citoyens que l’élu a non seulement un certain nombre de droits, mais aussi des devoirs, une tâche à accomplir, et ce au nom de l’intérêt général.

Je ne reviendrai pas en détail sur les différents articles de ce texte, mais je tiens à préciser qu’il tend vers une plus grande information, une meilleure protection et une formation plus importante des élus locaux. J’insisterai particulièrement sur ce dernier point, qui est selon moi majeur.

Faciliter l’exercice du mandat local passe à l’évidence par le développement et l’amélioration de la formation des élus, notamment dans les petites et moyennes communes. Il faut inciter les élus locaux à se former et faciliter notamment l’accès à la formation des élus des communes les plus pauvres, afin qu’il n’y ait pas de rupture d’égalité. La formation de tous les élus, quelle que soit la collectivité à laquelle ils appartiennent – conseil municipal, conseil communautaire, conseil général, conseil régional – et qu’ils soient de la majorité ou minoritaires, doit aujourd'hui être considérée comme un impératif.

Aujourd'hui déjà, les frais afférents à cette formation représentent une dépense obligatoire pour les collectivités locales, à condition que l’organisme dispensateur de la formation soit agréé par le ministère de l’intérieur.

Cependant, le Conseil national de la formation des élus locaux a mis en évidence dans ses rapports annuels, depuis déjà une dizaine d’années, la faible mobilisation de crédits de formation pour les élus locaux.

J’attire votre attention, monsieur le ministre, sur la situation des petites communes, qui ont dans ce domaine des capacités de financement trop modestes. Il me semble indispensable, face à l’insuffisante mobilisation des crédits de formation, de faire de ces dépenses des dépenses obligatoires, susceptibles d’être inscrites d’office.

Notre proposition de loi vise donc à renforcer les crédits dédiés à la formation des élus locaux de façon à établir un socle de budget de formation plus solide, par l’instauration d’un plancher de dépenses de formation, fixé par rapport au montant total des indemnités que perçoivent les élus des collectivités.

Je regrette que nous ne soyons pas allés plus loin concernant la mutualisation des budgets de formation, mutualisation qui a d’ailleurs été introduite par la loi du 13 février 2002. Une mutualisation dans ce domaine permettrait, d’une part, aux élus des communes les plus pauvres d’accéder à une formation – il n’y aurait ainsi pas de rupture d’égalité – et, d’autre part, à des élus ayant de forts besoins en formation d’avoir recours aux crédits non utilisés par leurs collègues.

Certaines communes jugent qu’elles sont trop pauvres pour former leurs élus. Parallèlement, de grandes collectivités territoriales votent des budgets de formation qu’elles ne dépensent pas en totalité, voire pas du tout.

Je rappelle – mais chacun le sait ici – que plus une collectivité est petite, plus la tâche des élus est difficile, faute de moyens techniques et humains. C’est la raison pour laquelle instaurer une mutualisation entre collectivités des crédits de formation non dépensés a du sens. Il faudra, monsieur le ministre, mes chers collègues, revenir sur ce point.

On pourrait imaginer un système de mutualisation des budgets de formation non dépensés dont le fonctionnement serait proche de celui qui est en vigueur en matière de formation professionnelle continue, grâce à la création d’un fonds qui serait géré à l’échelon départemental ou régional par un organisme regroupant des élus des communes, des départements et des régions. J’aimerais, monsieur le ministre, que cette position soit prise en compte dans le futur projet de loi n° 61.

Par ailleurs, j’attire votre attention sur l’importance de l’annualisation des budgets de formation des élus. On constate en effet que certaines collectivités territoriales comptabilisent le droit à la formation sur l’ensemble du mandat au lieu de l’annualiser.

Si les collectivités territoriales ont l’obligation de délibérer en début de mandature pour fixer les orientations en matière de formation de leurs élus et, chaque année, pour déterminer l’utilisation des crédits de formation, le principe de l’annualisation n’est pas réellement affirmé.

Cela permettrait pourtant d’éviter que certains élus ne dépensent lors de la première année de leur mandat, sans le savoir, la totalité du crédit de formation qui leur est imparti pour l’ensemble du mandat.

En outre, il serait tout à fait justifié que la collectivité informe chaque élu personnellement, en début d’année, du montant de son droit à la formation pour l’année civile.

Ces propositions pourraient donc, à mon sens, faire l’objet d’une prochaine étape.

Le dernier point que je souhaite évoquer est celui de l’importance du libre choix par l’élu de son institut de formation, étant entendu que celui-ci doit être agréé par le ministère de l’intérieur pour la formation des élus locaux.

On observe en effet que, dans un certain nombre de collectivités, l’exécutif ou l’administration impose un institut de formation aux élus, alors que le module de formation ne correspond pas toujours à leur besoin réel. C’est peut-être là l’une des raisons pour lesquelles certains élus renoncent à leur formation.

Il est donc souhaitable que le principe de libre choix par l’élu de son institut de formation soit inscrit dans la loi.

Ces questions sont essentielles si nous voulons ensemble, monsieur le ministre, faire évoluer la fonction de l’élu local.

La proposition de loi que Bernard Saugey et moi-même vous présentons aujourd’hui constitue, à nos yeux, une étape dans le cadre de l’adaptation nécessaire du mandat local. Il sera néanmoins indispensable d’aller encore plus avant lors de l’examen du projet de loi qui parachèvera la grande réforme territoriale : le projet de loi n° 61 dont nous appelons la discussion de nos vœux.

Je voudrais naturellement rendre hommage au travail de la commission des lois et de son éminent rapporteur, Patrice Gélard, dont nous connaissons les grandes compétences en matière de collectivités territoriales et dont les observations pertinentes ne peuvent que rendre plus efficaces les mesures présentées dans cette proposition de loi.

Ce texte pourrait représenter le début d’une réelle réforme de la fonction d’élu et de l’image de celui-ci, qui ne pourra qu’être restaurée par les obligations de formation qui lui seront imposées. Cette réforme pourrait déboucher sur une meilleure mise en place des politiques publiques locales, dont la gestion devient de plus en plus technique.

C’est bien dans ce sens que cette proposition de loi me paraît indispensable.

J’ai bien noté que certaines questions trouveront mieux leur place dans le cadre du projet de loi n° 61 relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale. Cependant, monsieur le ministre, nous aimerions être sûrs que ce texte sera inscrit à l’ordre du jour des travaux du Sénat dans un délai raisonnable. Je remercie donc le Gouvernement de faire son possible en ce sens.

Les lois de décentralisation ont confié aux élus locaux de nouvelles compétences, leur conférant par là même des responsabilités éminentes dans la prise en charge des besoins de leurs administrés. Ils doivent aujourd’hui répondre à la multiplication des missions qui leur sont assignées et aux attentes de plus en plus grandes de la population, notamment en matière d’environnement ou de sécurité. Notre responsabilité – elle concerne en effet particulièrement le Sénat – est de les accompagner sur ce chemin.

Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, je vous remercie de réserver un accueil favorable à cette proposition de loi certes modeste mais qui s’inscrit dans le droit fil de la réforme territoriale. Elle apporte sa contribution à l’amélioration du statut de l’élu local en faveur d’une plus grande vitalité de la démocratie locale, et préfigure surtout des réformes d’envergure à venir.

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