Intervention de Alain Anziani

Réunion du 30 juin 2011 à 9h00
Exercice du mandat local — Discussion et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Alain AnzianiAlain Anziani :

Il s’agit donc d’un texte de complément, qui ne parviendra cependant pas à adoucir les effets de la réforme territoriale.

À ce titre, je voudrais signaler à M. le ministre que démonstration est faite des difficultés occasionnées par la réforme territoriale. Nous sommes en effet tous confrontés aux nombreuses interrogations suscitées par le redécoupage de la carte intercommunale.

Monsieur le ministre chargé des collectivités territoriales nous a certes apporté quelques précisions. Néanmoins, il demeure nécessaire de redéfinir les pouvoirs du préfet.

Il y a à l’évidence une contradiction : on veut rendre plus attractif le mandat local mais on diminue en même temps le pouvoir de l’élu local au profit du représentant de l’État ! Il se pose à ce sujet des questions simples pour lesquelles nous n’avons pas de réponse ! J’ai d’ailleurs posé une question écrite au ministre chargé des collectivités territoriales sur les modalités d’adoption du futur schéma départemental de coopération intercommunale et la notion de « proposition alternative au projet du préfet », et j’attends toujours la réponse.

Je vous pose la question directement, monsieur le ministre : qu’est-ce qu’une « proposition alternative » ? Je me demande – et la France avec moi ! – quelle « proposition alternative » serait de nature à amender le projet de schéma départemental de coopération intercommunale élaboré par le préfet. Proposer le statu quo sera-t-il considéré comme une « proposition alternative » ? Il s’agit d’une question très importante qui reste sans réponse !

Néanmoins, je le redis, ce texte est intéressant. Il l’est d’autant plus que la plupart des propositions sont reprises du projet de loi n° 61. À mon tour, je souhaiterais – d’autres ont formulé la même demande avant moi – que le Gouvernement nous donne l’assurance que le projet de loi n° 61 sera bien inscrit à l’ordre du jour du Sénat, alors qu’il dort sur le bureau de celui-ci depuis le 21 octobre 2009 !

Je dois dire que j’en doute, car les propositions du présent texte ne sont que la reprise de nombre de dispositions du projet de loi n° 61. L’articulation entre ce qui nous est proposé aujourd'hui et ledit projet de loi me paraît donc difficile.

S’il s’agit ainsi d’une bonne proposition de loi, je dirai néanmoins à ses deux auteurs, non sans malice et amitié à leur égard, que, pour rendre le mandat local plus attractif, le mieux eût été qu’ils ne votent point la réforme territoriale, laquelle a été adoptée au Sénat à une seule voix de majorité ! Si l’on n’avait pas voté cette réforme qui affaiblit tant les collectivités territoriales, on aurait sans doute fait un plus grand pas en faveur de l’attractivité locale qu’avec cette proposition de loi !

Cela dit, je partage largement les préoccupations exprimées par les uns et les autres. Il faut un nouveau statut pour l’élu local. Pierre-Yves Collombat a souligné tout à l’heure avec force que les grandes avancées en la matière ont été celles du gouvernement Mauroy et du gouvernement Jospin. Ce nouveau statut doit permettre de progresser sur deux grands volets : les droits et les devoirs de l’élu.

En ce qui concerne les droits des élus, nous devrions à l’évidence faire front commun pour lutter contre le populisme ambiant, qui considère que les élus sont trop payés, quand il n’estime pas qu’ils ne devraient pas l’être du tout !

Nous avons tort, à gauche comme à droite, de fuir ce débat, qui s’affiche chaque jour dans la presse. Nous devrions rappeler avec force quelle est la nature du travail de l’élu local et que ce travail, pour être bien effectué, justifie une indemnité donnant à l’élu les moyens d’assumer ce mandat. Beaucoup d’entre nous ont souligné que la plupart des élus n’osaient même pas percevoir d’indemnité parce qu’ils ne voulaient pas alourdir le budget de leur commune. Le mot « alourdir » est d’ailleurs très significatif !

À ce titre, je fais une proposition – elle se heurtera, à n’en pas douter, à beaucoup de difficultés, y compris constitutionnelles – qui tend à dissocier le lieu de versement de l’indemnité du lieu de sa perception. Aujourd'hui, l’indemnité est versée par le conseil municipal. Pourquoi ne pas envisager une caisse nationale abondée par l’ensemble des collectivités – cela permettrait en outre une forme de péréquation – qui reverserait les indemnités aux élus ? Ma proposition, j’en suis conscient, pose également problème, mais je tenais à vous en faire part.

L’autre volet qui devrait être concerné par la réforme du statut de l’élu local concerne les devoirs de ce dernier. Nous sommes tous tenus à de nombreux devoirs, dont celui de probité. Je partage totalement les propositions contenues à ce sujet dans la présente proposition de loi, qui concernent les différents délits spécifiques aux élus, notamment les délits de corruption. Sur ces sujets, il faudra effectivement légiférer.

Cela étant, nous devrons faire preuve de beaucoup de pédagogie sur cette question, car il sera très difficile de nous faire comprendre de l’opinion publique. Le Sénat ne doit pas donner l’impression d’être animé par une sorte de corporatisme qui le pousserait à réduire systématiquement les peines encourues par les élus manquant au devoir de probité que j’évoquai à l’instant.

Les élus ont également un devoir d’écoute, un devoir de disponibilité, mais aussi un devoir de formation. Sur ce dernier point, je voudrais souligner que, dans la plupart des professions, il existe une obligation de formation, parfois de formation continue. Or, tout se passe comme si l’onction du suffrage universel rendait l’élu omnicompétent et capable du jour au lendemain de traiter de sujets aussi divers que l’urbanisme, les finances publiques ou la gestion du personnel ! Une démocratie moderne ne peut fonctionner ainsi ! Pour être en mesure d’assumer ses responsabilités et de dialoguer à armes égales tant avec les services qui dépendent de lui qu’avec l’État ou les autres collectivités, un élu doit être formé. En cas de manquement, sa responsabilité personnelle est engagée. À mes yeux, la formation va de pair avec la décentralisation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion