Intervention de Patrice Joly

Commission des affaires européennes — Réunion du 17 novembre 2022 à 8h35
Budget de l'union européenne — Le cadre financier pluriannuel de l'ue au défi de la guerre en ukraine - communication

Photo de Patrice JolyPatrice Joly :

Monsieur le Président, mes chers collègues, alors que nous examinerons cet après-midi en séance publique le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, j'ai souhaité vous faire un point sur la mise en oeuvre du cadre financier pluriannuel 2021-2027, qui est en effet percuté par la guerre en Ukraine de deux manières : d'une part, en raison des dépenses nouvelles occasionnées par cette guerre, d'autre part, en raison de l'inflation désormais très élevée, qui ampute les moyens consacrés aux politiques publiques, tels qu'ils avaient été envisagés à l'origine.

Pour préparer cette communication, j'ai auditionné des représentants de la direction du budget du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle numérique, du Secrétariat général des affaires européennes (SGAE), de la direction générale du budget de la Commission européenne, ainsi que notre collègue députée européenne française, Valérie Hayer, qui est la rapporteure du Parlement européen sur les ressources propres.

Dans une résolution sur la proposition de révision du cadre financier pluriannuel présentée en 2021, adoptée le 13 septembre dernier, le Parlement européen « souligne les crises et les défis multiples auxquels l'Union doit faire face, notamment la guerre en Ukraine et ses répercussions ainsi que les besoins de financement considérables qu'elle a créés ». Il « invite par conséquent la Commission à réaliser un examen approfondi du fonctionnement du CFP actuel et à présenter dans les meilleurs délais et au plus tard au premier trimestre 2023 une proposition législative en vue de la révision complète du CFP ».

De fait, le réexamen du CFP figure au programme de travail de la Commission pour 2023, même si les services de la Commission refusent à ce stade d'évoquer une révision formelle. Ils parlent plutôt d'un simple réajustement du cadre financier.

Mais en milieu de semaine dernière, la Commission a présenté une proposition de révision ciblée du CFP pour faire face aux nouvelles dépenses liées à la guerre en Ukraine, comme il vient d'être rappelé. Au début de cette semaine, dans la nuit de lundi à mardi, le Conseil et le Parlement européen viennent de trouver un accord sur le budget 2023 de l'Union, après des semaines de négociations rugueuses.

Dans son projet de budget initial pour 2023, la Commission proposait de fixer le montant total des engagements à 185,59 milliards d'euros et celui des paiements à 166,27 milliards d'euros. De manière assez classique, le Conseil voulait réduire ces montants tandis que le Parlement européen voulait les augmenter. En octobre, la Commission avait présenté une lettre rectificative au projet de budget, fixant un montant de crédits majoré.

C'est sur cette nouvelle base qu'un accord a pu être trouvé en trilogue. Au total, le montant des engagements est fixé à 186,6 milliards d'euros, en hausse de 1,1 % par rapport au budget 2022. Une marge de 0,4 milliard d'euros a été maintenue disponible sous les plafonds de dépenses du cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027, afin de permettre à l'Union de répondre à des besoins imprévus. Le total des paiements s'élève à 168,6 milliards d'euros, ce qui correspond à une hausse de 1 % par rapport à 2022. Le montant du budget est donc majoré d'un milliard d'euros en crédits d'engagement et de 2,3 milliards d'euros en crédits de paiement par rapport aux propositions initiales de la Commission européenne.

Le budget doit maintenant être adopté par le Conseil à la majorité qualifiée, puis par le Parlement européen. D'après les éléments qui m'ont été communiqués par le SGAE, cette réévaluation du montant du budget 2023 devrait conduire à majorer le prélèvement sur recettes inscrit en projet de loi de finances d'environ 408 millions d'euros, ce qui n'est pas négligeable. D'après les échanges que j'ai eus avec la direction du budget hier soir, le gouvernement devrait présenter tout à l'heure un amendement en ce sens.

Cette communication intervient ainsi à un moment charnière et je voudrais évoquer plus particulièrement quatre points :

- les conditions de déploiement du cadre financier pluriannuel et de l'instrument de relance NextGenerationEU ;

- les dépenses nouvelles liées au soutien à l'Ukraine ;

- l'impact de l'inflation ;

- et enfin, les négociations sur les ressources propres.

Sur le premier point concernant les conditions de déploiement du cadre financier pluriannuel et de l'instrument de relance NextGenerationEU, je voudrais tout d'abord évoquer brièvement les points qui me semblent essentiels.

Tout d'abord, sur le CFP de base, comme lors du début de chaque grand cycle budgétaire, certaines politiques ont tardé à se mettre en place. C'est notamment le cas pour la politique de cohésion ou encore le programme Horizon Europe. La Commission européenne considère ainsi que ces politiques vont monter en puissance plus fortement au cours du temps restant du CFP.

En revanche, les personnes auditionnées ont souligné la rapidité avec laquelle s'est déployé l'instrument de relance NextGenerationEU, et en particulier le coeur que constitue la Facilité pour la reprise et la résilience, qui supposait la validation des plans nationaux présentés par les Etats membres.

Trois Etats membres ont tardé à voir leurs plans validés : les Pays-Bas, pour des raisons de politique intérieure liées au cycle électoral, ainsi que la Pologne et la Hongrie, pour des motifs liés à l'Etat de droit. Si le plan polonais est aujourd'hui validé, les décaissements n'auront lieu que si les réformes promises en matière d'Etat de droit sont bien suivies d'effet.

Quant à la Hongrie, qui est aujourd'hui le seul Etat membre dont le plan n'est pas validé, elle s'est engagée à mener à bien des réformes qui pourraient permettre la validation de son plan lors du Conseil Ecofin du 6 décembre prochain.

Il m'a été indiqué que ces retards n'auraient pas un impact macroéconomique majeur sur la reprise de l'ensemble de l'Union européenne.

La France, pour sa part, a été l'un des premiers Etats membres à voir son plan validé et à recevoir des fonds. Au total, la France devrait recevoir, sous réserve des procédures de suivi de la Commission, 38 milliards d'euros de subventions qui viendront rembourser une partie du plan national de 100 milliards d'euros (France Relance).

Le volet « subventions » de NextGenerationEU a bien fonctionné. En revanche, le recours aux prêts, dont le montant avait été majoré à l'initiative des Etats frugaux, a été beaucoup plus limité. Seuls sept Etats y ont eu recours et trois seulement - l'Italie, la Grèce et la Roumanie - ont utilisé la totalité de leur enveloppe disponible. Selon les données de la Commission, environ 166 milliards d'euros d'engagements auraient été accordés et 44 milliards d'euros auraient été décaissés. Au total, une enveloppe de près de 220 milliards d'euros resterait disponible.

J'ai obtenu des réponses divergentes de la part des différents services que j'ai interrogés sur le recours possible à cette enveloppe disponible.

Du fait de la guerre en Ukraine, la Commission a proposé de modifier le règlement concernant la Facilité pour la reprise et la résilience afin de permettre de recourir à ces prêts pour financer des projets au titre du plan RepowerEU qu'elle a lancé en mai pour mettre fin à la dépendance de l'Union à l'égard des combustibles fossiles russes et lutter contre le changement climatique. La Commission est convaincue que l'enveloppe sera presque entièrement consommée avant la date limitée fixée à août 2023. La direction du budget française est très circonspecte. Le SGAE avait une position médiane, considérant que le resserrement des conditions de crédit par la Banque centrale européenne (BCE) et la croissance des écarts de taux -spreads- pouvait inciter certains Etats membres à recourir aux enveloppes de prêt.

Je voudrais maintenant évoquer plus en détail les dépenses nouvelles liées au soutien à la guerre en Ukraine.

À la suite du déclenchement de la guerre lancée par la Fédération de Russie, l'Union européenne s'est largement mobilisée en faveur de l'Ukraine, en complément des actions propres menées par les Etats membres. Je ne serai pas exhaustif mais veux souligner quelques éléments importants.

Outre des soutiens à la protection des enfants et en matière de protection civile, le soutien à la gestion des frontières ou encore des mesures fortes de libéralisation temporaire des échanges commerciaux et des concessions commerciales, l'Union a ainsi alloué 485 millions d'euros d'aide humanitaire à l'Ukraine, pour aider les civils touchés par la guerre, et 38 millions d'euros à la Moldavie. Selon les données publiées par le Conseil, les États membres ont par ailleurs mobilisé près de 957 millions d'euros au titre de l'aide humanitaire.

Des moyens conséquents ont également été déployés pour accompagner l'accueil de réfugiés ukrainiens, en utilisant toutes les flexibilités permises par le cadre financier pluriannuel et en étendant les possibilités de transfert entre programmes.

Environ 17 milliards d'euros ont ainsi été identifiés comme pouvant être réaffectés au profit de l'accueil des réfugiés ukrainiens : 7 milliards d'euros correspondant à des fonds non utilisés de la politique de cohésion au cours de la période 2014-2020, ainsi que près de 10 milliards d'euros affectés au programme REACT-EU, créé après la pandémie pour soutenir la reprise en faveur de la cohésion et des territoires de l'Europe. S'y ajoute un préfinancement supplémentaire de 3,5 milliards d'euros, qui a été approuvé afin d'offrir une aide immédiate aux États membres pour mener à bien des projets en ce domaine.

En outre, des fonds non utilisés de la période 2014-2020 au titre du fonds « Affaires intérieures » ont également été réalloués, dans la limite de 420 millions d'euros.

La Facilité européenne pour la paix a été largement mobilisée afin de soutenir les capacités et la résilience des forces armées ukrainiennes. Six tranches de soutien ont ainsi été décidées depuis le début de la guerre, portant sur un soutien total de 3,1 milliards d'euros.

Une mission visant à contribuer au renforcement des capacités militaires des forces armées ukrainiennes, la mission EUAM Ukraine, vient par ailleurs d'être lancée avant-hier, le 15 novembre. Le Conseil précise dans un communiqué que la durée initiale du mandat de la mission, à caractère non exécutif, sera de deux ans, le montant de référence pour les coûts communs pour cette période s'élevant à 106,7 millions d'euros.

J'ajoute que sur le plan militaire, l'Union entend également mettre en place de nouveaux programmes au profit des Etats membres, qui n'étaient pas prévus dans le cadre financier pluriannuel initial, comme le programme d'acquisition conjoint destiné à renforcer les capacités de défense.

Mais sur le plan financier, le soutien le plus important, c'est l'assistance macro-financière accordée à l'Ukraine, qui nécessite désormais une modification ciblée du cadre financier pluriannuel.

Dès le début de la guerre en Ukraine, l'Union européenne a accordé une aide macrofinancière, sous forme de prêts, à hauteur de 1,2 milliard d'euros, somme décaissée en deux temps, en mars puis en mai.

Puis, dans sa communication du 18 mai 2022 sur l'aide immédiate et l'aide à la reconstruction de l'Ukraine, approuvée par le Conseil européen en juin, la Commission européenne a proposé d'accorder à l'Ukraine une aide macrofinancière exceptionnelle d'un montant maximal de 9 milliards d'euros.

La première tranche de cette aide, à hauteur d'un milliard d'euros, a été approuvée par le Parlement européen et le Conseil le 12 juillet 2022. Une deuxième tranche d'assistance macrofinancière exceptionnelle de 5 milliards d'euros, sous la forme de prêts, a ensuite été accordée, portant le volume d'assistance à 7,2 milliards d'euros au total sur l'année 2022.

Compte tenu du risque élevé que comportent les expositions financières envers l'Ukraine, les moyens budgétaires prévus en cas de défaillance du remboursement de ces prêts supplémentaires ont été réévalués.

Une couverture budgétaire de 70 % est ainsi jugée nécessaire pour protéger le budget de l'Union contre les imprévus. Or le montant de couverture prévu par le cadre financier pluriannuel est limité à 9 % pour l'action extérieure, ce qui implique de recourir à une garantie complémentaire de la part des États membres, pour le nouveau prêt de 5 milliards d'euros ainsi que pour celui d'un milliard d'euros décaissé au mois d'août.

L'exposé des motifs de la proposition de décision présentée par la Commission sur ce sujet précise que « les possibilités de mobiliser des ressources budgétaires pour ce provisionnement supplémentaire en sus des 9 % prévus par les plafonds actuels du CFP sont limitées. Il est nécessaire de recourir à des garanties par les États membres pour que de nouveaux prêts AMF puissent être accordés à l'Ukraine d'une manière saine sur le plan budgétaire, qui ne perturbe pas la mise en oeuvre du CFP 2021-2027 ».

Les États membres fourniront des garanties à hauteur de 61 % supplémentaires de la valeur des 6 milliards d'euros de prêts proposés. Il n'y aura pas d'impact budgétaire immédiat, mais de fait, il peut y avoir un risque pour les budgets nationaux à terme.

Le solde de l'assistance macrofinancière exceptionnelle, soit un montant maximal de 3 milliards d'euros, devait ensuite être accordé dès que possible. Il va, en pratique, être englobé dans un nouvel instrument présenté par la Commission européenne, la semaine dernière, le 9 novembre. Compte tenu de son ampleur, il va cette fois nécessiter une modification ciblée du cadre financier pluriannuel.

Ce nouveau dispositif va faire l'objet d'un examen express, puisque l'objectif est que le Parlement européen fasse connaître sa position d'ici fin novembre et que le Conseil Ecofin l'adopte le 6 décembre, pour qu'il entre en vigueur début 2023.

L'assistance macrofinancière apportée à l'Ukraine dans le cadre de ce nouveau paquet représenterait 18 milliards d'euros pour l'année 2023, soit environ la moitié des besoins de financement de l'Ukraine. Les versements seraient partagés en tranches successives dont le déboursement devrait être conditionné à des mesures de politique économique et de transparence spécifiques. Les prêts accordés auraient une maturité longue et seraient concessionnels.

Pour financer cette assistance macrofinancière, la Commission prévoit d'emprunter sur les marchés financiers. Or cela nécessite une modification du cadre financier pluriannuel afin de permettre à la Commission de garantir ces prêts au profit de l'Ukraine sur la marge prévue sous le plafond des ressources propres.

Par ailleurs, les États membres seront également mis à contribution de deux manières : d'une part, par le biais des garanties liées au nouveau taux de couverture prévu pour les soutiens financiers à l'Ukraine ; d'autre part, dans la mesure où ce sont eux qui prendront en charge les intérêts des prêts accordés à l'Ukraine, par le biais de ressources externes affectées.

Le SGAE m'a indiqué que les conséquences de ce nouveau dispositif n'apparaîtraient pas en projet de loi de finances pour 2023, car il n'y aura pas d'impact budgétaire cette année, mais qu'elles seraient inscrites dans le projet de loi de finances pour 2024.

Ces différentes aides à l'Ukraine ont donc un impact direct tant sur le cadre financier pluriannuel, qui doit faire l'objet d'adaptations ciblées, que sur les finances publiques nationales.

Dans ce contexte, une révision du CFP paraît évidente, et sa nécessité est également amplifiée par l'impact de l'inflation sur la mise en oeuvre des programmes de l'Union européenne. Comme le rappelait le président Rapin dans son propos introductif, le règlement prévoit qu'un déflateur de 2% s'applique pour calculer l'évolution des dépenses et le passage des euros constants aux euros courants. Comme me l'ont fait observer les services de la Commission européenne, ce système, calé sur l'objectif d'inflation à moyen terme de la BCE, a été conçu pour donner de la visibilité aux acteurs et s'est révélé très favorable dans un contexte d'inflation basse ou nulle.

Mais aujourd'hui, l'inflation est très élevée, Eurostat l'évaluant à 10,7 % en octobre 2022. Si cette inflation devait perdurer, il est clair que l'impact réel des dépenses inscrites au cadre financier pluriannuel serait nettement moindre qu'attendu. Le think tank Farm Europe évoque un rétrécissement possible de 85 milliards d'euros des dépenses relevant de la politique agricole commune (PAC) sur la période 2021-2027, soit une réduction d'environ 34 % du soutien budgétaire réel au titre de l'année 2027, par rapport à l'année 2020.

Les personnes que j'ai auditionnées ont refusé d'entrer dans le détail de cette étude, arguant qu'elles n'avaient pu réaliser de contre-expertise. Elles m'ont fait valoir que tout dépendrait in fine du niveau futur d'inflation. Il est clair néanmoins que l'impact de l'inflation sur l'ensemble des politiques européennes est très significatif.

Dans son programme de travail pour l'année 2023, la Commission européenne met la question du réexamen du CFP à l'ordre du jour. Elle précise que « le réexamen à mi-parcours du cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027, auquel il sera procédé en 2023, permettra de déterminer si le budget actuel de l'UE continue de fournir les moyens nécessaires pour faire face ensemble à des défis communs ».

Les services de la Commission n'évoquent officiellement qu'un réexamen et non une révision du CFP, même si les commissaires européens évoquent au Parlement européen un réexamen « ambitieux ». Le Parlement européen réclame pour sa part une révision de fond, débouchant sur une hausse des budgets. Notre collègue députée européenne Valérie Hayer me l'a confirmé hier et m'a indiqué qu'il devrait adopter une position politique en ce sens courant décembre.

Ce réexamen, qui pourrait déboucher sur une révision du CFP, inquiète la France à un double titre, en tant qu'Etat contributeur net :

- d'une part, la question du déflateur pourrait être évoquée à l'occasion de ce réexamen. Or mécaniquement, une réévaluation du déflateur pousserait la contribution nationale à la hausse. La direction du budget nous a fait part à cet égard de son hostilité à un ajustement du déflateur, en soulignant qu'il n'avait pas été ajusté lorsqu'il était trop favorable ;

- d'autre part, et peut-être de manière encore plus fondamentale, on sent poindre une crainte que les politiques traditionnelles, à commencer par la PAC, ne soient plus jugées aussi prioritaires au regard des nouveaux défis à relever.

La question s'était déjà posée lors de la négociation générale sur le CFP, mais elle pourrait revenir en force. En tout état de cause, l'unanimité est requise pour toute modification du CFP.

Pour le Parlement européen, l'issue est d'introduire de nouvelles ressources propres, non seulement pour rembourser l'emprunt NextGenerationEU, mais aussi pour financer des dépenses nouvelles.

Cette perspective de mise en place de nouvelles ressources propres, qui faisait partie de l'accord interinstitutionnel conclu au moment de l'adoption du CFP, pourrait aider à avancer. Je rappelle qu'une première « nouvelle ressource propre » a été introduite à compter du 1er janvier 2021, sous la forme d'une contribution fondée sur les déchets plastiques non recyclés, dont la France est l'un des premiers contributeurs.

Puis la Commission a présenté, le 22 décembre 2021, une proposition de panier de trois nouvelles ressources propres, dont deux liées aux négociations en cours sur le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » :

- premièrement, une part des recettes liées à l'extension du marché carbone européen. Cette recette était initialement censée s'appliquer à compter du 1er janvier 2023, pour un montant évalué à 12 milliards par an en moyenne sur la période 2026-2030. Son rendement serait finalement aujourd'hui plus proche de 10 milliards, compte tenu des négociations en cours ;

- deuxièmement, des recettes liées à la mise en place d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, pour un rendement initialement évalué à environ 1 milliard d'euros par an en moyenne sur la période 2026-2030 ;

- troisièmement, des recettes liées à l'instauration d'un impôt mondial sur les sociétés multinationales, dans le cadre des négociations en cours à l'OCDE, la Commission estimant que le rendement de cet impôt pourrait représenter entre 2,5 et 4 milliards d'euros par an.

Or, les discussions dans le cadre de l'OCDE ont pris du retard, tandis que les négociations en cours sur le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » s'avèrent compliquées, la mise en place des deux mesures de ressources envisagées, en particulier celle sur l'extension du marché carbone, étant étroitement liée par ailleurs au dimensionnement du fonds social sur le climat et à ses modalités de financement : alors que la Commission envisageait d'inscrire ce fonds dans le CFP, le Conseil préfère l'alimenter par des recettes affectées externes, pour éviter d'avoir à modifier le cadre financier pluriannuel.

En tout de état de cause, les auditions auxquelles j'ai procédé laissent penser que le rendement de ces recettes serait moindre qu'initialement envisagé. Mais au-delà, j'ai senti les craintes sur la capacité à aboutir dans ce dossier. La présidence tchèque du Conseil de l'Union européenne devrait rendre un rapport de progrès et la présidence suédoise, surtout après les élections, n'apparaît pas comme étant la plus volontariste pour aboutir en la matière. Les personnes auditionnées font bien la distinction entre l'aboutissement des négociations sur le calibrage de ces recettes, d'une part, et le fait de décider ensuite de les considérer en tout ou partie comme des ressources propres, d'autre part.

Dans son programme de travail pour 2023, la Commission indique qu'elle présentera l'an prochain une proposition relative à un deuxième panier de nouvelles ressources propres, en s'appuyant notamment sur la proposition relative à un corpus unique de règles fiscales pour les entreprises en Europe (BEFIT).

L'accord interinstitutionnel de décembre 2020 évoquait la nécessité pour la Commission de présenter des propositions de nouvelles ressources propres additionnelles, qui pourraient inclure une taxe sur les transactions financières, une contribution financière liée au secteur des entreprises ou une nouvelle assiette commune pour l'impôt sur les sociétés.

Selon la Commission, ces mesures « garantiront des types de recettes plus diversifiés et plus résilients » et elles permettront d'éviter de procéder à des coupes indues dans les programmes de l'Union ou d'augmenter les contributions des États membres de manière excessive en vue du remboursement du volet «subventions» du plan de relance NextGenerationEU. L'enjeu est clairement exprimé mais j'ai pu mesurer la difficulté du chemin à parcourir !

En conclusion, je retire de mes différentes auditions la conviction que notre commission devra travailler de manière approfondie sur le réexamen du cadre financier pluriannuel et les nouvelles ressources propres l'an prochain car les enjeux apparaissent majeurs.

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