Le PLF prévoit 705 millions d'euros en CP au titre de la mission « Médias, Livre et industries culturelles », soit une progression de 4 %. Sur la seule partie presse et médias, financée à hauteur de 371 millions d'euros en CP, la hausse est d'environ 6 %. Le secteur semble donc plutôt favorisé. J'aurai toutefois quelques commentaires.
D'abord, un mot sur l'Agence France-Presse (AFP), dont la situation semble se régulariser. En effet, l'Agence obtient des ressources relativement importantes pour les vidéos et les équilibres se mettent en place.
Ensuite, en ce qui concerne les aides à la presse, qui représentent 197 millions d'euros, j'observe une absence de volonté de changement, alors qu'on évoque régulièrement une réforme ambitieuse et qu'on nous explique qu'il faut modifier le système, dans une période où la presse papier est en difficulté. À titre d'exemple, l'aide pour le transport postal reste inchangée, ce qui parait absurde et pose question quant à l'empreinte carbone.
J'observe enfin que certains ne réussissent à survivre que grâce à ce système d'aide et notamment via les aides consacrées au pluralisme.
Cette question est devenue un tabou et, depuis des décennies, ces aides sont considérées comme une nécessité absolue. J'ajoute que certains hebdomadaires ou magazines n'en reçoivent pas alors qu'ils ne paraissent pas moins éligibles que d'autres... Ainsi, le budget reste globalement correct mais les réformes et les aides aux mutations de la presse demeurent très insuffisantes. On continue de croire que le journal papier représente la presse quand bien même nombre d'organes connaissent de graves difficultés parce qu'ils n'ont pas abordé la révolution numérique à temps.
De la même manière, il faudrait conduire une analyse poussée des crédits dédiés à l'expression radiophonique. Tout cela manque de modernité, de vigueur et de réforme et on ne parvient pas à sortir du même système d'aide, l'État s'étant transformé en une sorte d'immense guichet.
En ce qui concerne le programme « Livre et industrie culturelle », l'action « Livre et lecture » représente 304 millions d'euros en AE. Cependant, je rappelle que nous n'avons pas de vision globale des crédits dédiés à la lecture, qui sont répartis sur plusieurs programmes budgétaires
Globalement, les bibliothèques considèrent qu'elles sont revenues à un meilleur équilibre que pendant les années de confinement, en termes de fréquentation et d'équipement.
Cependant, j'avais déjà signalé le problème de la BnF, qui s'aggrave. En effet, plus des deux tiers des montants dédiés à l'action « Livre et lecture », soit 232 millions d'euros, financent la BnF. Il s'agit bien sûr d'un monument en soi, ce qui coûte cher. Ainsi, des travaux nécessaires et considérables de réaménagement et de modernisation sont déjà engagés. À ce titre, nous avons reçu ses responsables, qui cherchent à trouver des mécènes et des crédits hors budget de l'État, ce qui semble très difficile. Afin de rationaliser les dépenses de personnel, a également été mis en place un nouveau système de lecture offrant moins de possibilités d'obtenir rapidement les ouvrages, alors que la BnF était l'exemple type de la grande bibliothèque où les chercheurs ont accès à tous les documents. Si cet équipement reste l'un des meilleurs, il doit aujourd'hui être complété par la construction d'un nouveau pôle de conservation des collections, qui sera situé à Amiens, puisqu'on ne parvient plus à conserver la totalité des documents. La BnF est bien gérée mais ses responsables considèrent que les prévisions faites lors de sa création ont été sous estimées. En effet, chacun prévoyait que tout serait rapidement numérisé, qu'il y aurait beaucoup moins de livres, de journaux ou d'archives papier, mais ce n'est pas le cas. La BnF fait donc face à de vrais défis mais l'on peut comprendre que les autres équipements dédis à la lecture, notamment en province, ne soient pas satisfaits de cette répartition des fonds.
J'en viens au Centre national musique (CNM), dont les crédits s'élèvent à 28 millions d'euros. Le centre doit bénéficier des ressources issues de la vente des billets mais les publics reviennent moins qu'on ne l'imaginait. Les responsables du Centre prévoient une impasse de financement de 10 millions d'euros en 2023 mais pensent pouvoir faire face en ayant recours à des redéploiements de crédits budgétaires. Cependant, à partir de 2024, ils ne pourront plus s'en sortir et demandent donc une réforme. Nous les reverrons en 2023.
Quant au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), il perçoit 710 millions d'euros grâce à la taxe sur les plateformes numériques. Mais la dépense fiscale explose et devrait atteindre 587 millions d'euros en 2023. Je note que dans le cadre du projet France 2030, 350 millions d'euros seront dédiés vers le cinéma, ces crédits étant appelés à être complétés par une intervention des collectivités territoriales et du secteur privé, afin de parvenir à un financement total de 2 milliards d'euros, ce qui représente une somme considérable. Je finirai en donnant l'exemple des aides attribués à la réalisation de la série Lupin ; est-ce à l'argent public de financer une série diffusée sur Netflix ?
Pour conclure sur cette mission, je propose un vote positif sur ces crédits.
J'en viens à présent à l'audiovisuel public et souhaiterais commencer par rappeler qu'en juin 2022, nous avons présenté avec M. Hugonet un rapport d'information consacré à sa réforme.
Pendant la campagne présidentielle, le candidat Président de la République a annoncé la suppression de la contribution à l'audiovisuel public. Nous en avons pris acte mais il faut à présent trouver des solutions pour définir un nouveau financement. Les présidents de chaines s'étaient dits prêts à l'accepter si on leur garantit constitutionnellement leurs crédits, ce qui n'est évidemment pas possible.
Le Gouvernement aura recours, dans un premier temps, à une fraction du produit de la TVA et la dotation accordée aux sociétés de l'audiovisuel public passera de 3,7 milliards d'euros à 3,8 milliards d'euros cette année, ce qui représente une augmentation de 3 %, qui prend en compte l'inflation.
Depuis 2017, une réforme de l'audiovisuel public doit avoir lieu. Il s'agirait dans un premier temps de délimiter le périmètre, avant de débattre des missions du service public et de les définir. Alors, nous pourrions évaluer la masse financière nécessaire. Pourtant, rien n'a été fait et la ministre annonce des consultations qui doivent se tenir jusqu'en avril... On nous parle d'un texte depuis cinq ans et Franck Riester en avait porté un, qu'il avait présenté à l'Assemblée nationale mais pas au Sénat. Nous avons également demandé à la ministre si des propositions seraient faites lors du débat budgétaire mais ce ne sera pas le cas, leur objectif demeurant pour l'instant de stabiliser ce budget à hauteur de 3,8 milliards d'euros. Ainsi, les contrats d'objectifs et de moyens (COM) qui seront conclus dans les semaines seront élaborés sans directive du Gouvernement quant à ce que devraient être l'audiovisuel public et sa réforme.
Si Radio France comme France Médias Monde ont plutôt bien conduit leurs réformes, les navires amiraux tels que France Télévisions considèrent qu'il faut les laisser décider seuls des réformes à mener. J'évoquerai à titre d'exemple les filiales créées par France Télévisions sur le cinéma, l'une au sein de France 2 et l'autre au sein de France 3, chacune comptant quelques agents. La simple fusion de ces deux entités semble compliquée et il faudrait leur laisser deux à trois ans pour y parvenir.
Je m'avoue assez désabusé sur ces questions de réforme annoncée qui n'a jamais lieu. Je me sens donc partagé quant à l'avis à donner sur les crédits du compte de concours financiers (CCF). D'un côté, il faut bien que l'audiovisuel public vive et je serais donc tenté de me dire favorable, à condition que l'État s'engage à réformer. D'un autre côté, je serais tenté d'exercer une certaine pression. Pour résumer, je ne suis pas enthousiaste et ne formulerai pas un oui clair et massif.