rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sur les programmes « Paysages, eau et biodiversité », « Prévention des risques », « Énergie, climat et après-mines », « Service public de l'énergie », « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » et « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires », et du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (FACé) ». - Cette année, je suis également en situation de déport temporaire concernant l'Agence de la transition écologique (Ademe). Tous les propos sur l'Ademe sont l'oeuvre du rapporteur général.
Je commence par l'ensemble des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Lorsque le rapporteur général avait présenté l'évolution des crédits des missions entre le projet de loi de finances (PLF) pour 2022 et le PLF pour 2023, seules deux missions voyaient leurs crédits diminuer, et la mission « Écologie, développement et mobilité durables » était l'une des deux. C'était vrai le 26 septembre dernier ; mais si l'on prend en compte tous les ajouts et les ouvertures de crédits considérées comme adoptées via l'article 49-3 de la Constitution, nous observons une hausse des crédits dans le texte présenté.
Le budget est en phase de prospective, de discussion sempiternelle. Le 20 octobre dernier, s'est tenue la concertation nationale sur le mix énergétique. En parallèle, la Commission nationale du débat public (CNDP) a organisé un débat sur la relance du nucléaire alors même que nous avons déjà eu onze débats sur le sujet depuis 2004. Le 21 octobre, nous avons assisté à la présentation du volet « Climat et biodiversité » du Conseil national de la refondation (CNR), puis à celle de la programmation de planification de « France nation verte » avec, de nouveau, l'ouverture d'une concertation. Il y a donc encore beaucoup de flou.
Le programme 380 concerne le Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires qui, d'après le Gouvernement, serait mis à disposition des collectivités locales afin de mettre en place et de financer des projets de transition écologique et énergétique. Ce programme est, à mes yeux, un recyclage de crédits qui existaient déjà auparavant ; ceux-ci étaient principalement portés par le programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance ». On observe très peu d'actions nouvelles et surtout très peu de crédits directement à la main des collectivités. Certes, la gestion est un peu plus décentralisée, et elle sera non plus sous la responsabilité de l'administration centrale, mais sous celle des préfectures ; mais en dehors de cela, il n'y a pas beaucoup de changements.
Nous avons peu de visibilité sur la ventilation des 1,5 milliard de crédits du fonds vert. Ceux-ci ont été abondés de 500 millions d'euros par l'Assemblée nationale, sachant que, sur cette somme, il faut compter 350 millions d'euros annoncés en compensation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) en 2023.
Pour savoir comment les crédits vont être dispensés, il faut lire le journal. On trouve trois mesures un peu nouvelles : la rénovation des parcs de luminaire d'éclairage public ; l'appui aux collectivités de montagne soumises à des risques émergents - à savoir, les crues, les avalanches, les chutes de blocs, sachant que l'on trouvait déjà des dépenses liées aux avalanches dans le fonds Barnier ; et enfin, la politique de renaturation des villes, réalisée avec l'appui des ingénieries du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) et de l'Ademe, et dotée d'une enveloppe significative - 500 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) sur cinq ans, dont 400 millions d'euros dans le cadre du fonds vert.
Pour le reste, cela relève soit du programme 181 « Préventions des risques » - avec des actions déjà plus ou moins couvertes par le fonds Barnier et toutes les mesures d'économie circulaire -, soit du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » - avec notamment la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB), les aires marines protégées, les parcs naturels et autres.
Il aurait été plus pertinent de venir abonder les bonnes lignes budgétaires dans les programmes 181 et 113, plutôt que d'avoir un tel saucissonnage, qui rend l'analyse plus compliquée.
Concernant le programme 113, l'augmentation des crédits s'élève à 30,4 millions d'euros par rapport à 2022. Pour l'essentiel, cette augmentation permet d'accroître la subvention de l'Agence française pour la biodiversité (AFB), de couvrir l'augmentation du point d'indice et d'allouer des crédits - à hauteur de 2,5 millions d'euros - à l'Office national des forêts (ONF) pour le financement de missions d'intérêt général. En revanche, le point d'indice n'est pas pris en compte pour les parcs naturels régionaux.
Dans le cadre du programme 181, nous poursuivons notre contrôle sur le risque de retrait-gonflement des argiles, pour lequel le Gouvernement doit remettre un rapport afin de donner des perspectives sur les pistes de financement ; nous l'attendons encore.
L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) connaît une augmentation de ses effectifs. Si l'on regarde jusqu'en 2027, la demande de l'opérateur ne sera pas satisfaite.
Le deuxième gros bloc concerne les programmes 345 et 174 liés à l'énergie. En 2023, le budget de l'État enregistrera 39 milliards d'euros de recettes exceptionnelles grâce aux énergies renouvelables : 19 milliards d'euros au titre de l'année 2023, auxquels s'ajoutent une révision de 17 milliards d'euros au titre de l'année 2022 ainsi qu'un reliquat de 2 milliards d'euros pour 2021.
Les 19 milliards d'euros pour 2023 proviennent des énergies renouvelables en métropole et du biométhane. En revanche, le coût de soutien augmente de manière assez classique dans les zones non interconnectées (ZNI), dans la mesure où elles fonctionnent majoritairement avec une production carbonée, le plus souvent des centrales au fioul ; sachant que le prix du fioul augmente, les coûts de production dans ces zones augmentent.
Le soutien s'arrêtant, le montant de la cogénération va diminuer. Ce sont les dernières installations, elles fonctionnent au gaz et, comme le prix du gaz augmente, le montant reste encore élevé.
Avec le dispositif des effacements, on retrouve un effet volume et un effet prix. Quand l'effacement se produit à un moment où l'électricité est chère, la contrepartie donnée à l'industriel est forcément plus élevée.
Les dispositifs sociaux augmentent. Pour rappel, ces dispositifs ne concernent plus que la prise en charge des frais de coupure et de remise en route de l'électricité et le Fonds de solidarité pour le logement (FSL) ; le chèque énergie, par exemple, n'entre plus dans ce budget. Au total, au titre de l'année 2023, on arrive à 16,5 milliards de charges de service public. À noter enfin que l'éolien terrestre concentre les deux tiers de ces recettes exceptionnelles.
Au cours du quinquennat précédent, on a supprimé le CAS « Transition énergétique » pour le budgétiser dans le cadre du programme 345. Dans les faits, on observe la reconstitution de ce CAS en 2023. Contre toute logique budgétaire, nous avons, au sein de la mission, une pré-affectation des recettes qui vient financer directement plusieurs dépenses : le « bouclier électricité » de 2022 ; le « bouclier électricité » de 2023 à hauteur de 25 milliards d'euros ; ou encore, le « bouclier gaz » à hauteur de 20 milliards d'euros. Au total, le coût des charges s'élève à 47 milliards d'euros. Ces charges sont incluses dans le programme 345, car elles se constatent sur la trésorerie des fournisseurs d'électricité et de gaz.
Ces 47 milliards d'euros de charges sont compensés par les 39 milliards d'euros présentés précédemment. Cela donne une différence d'un peu moins de 9 milliards d'euros pour les mesures exceptionnelles de protection des consommateurs qui figurent à l'action n° 17 du programme.
Tout cela, encore une fois, manque de lisibilité et de transparence. Si l'on regarde la maquette budgétaire telle qu'elle est présentée dans le projet annuel de performances (PAP), on ne trouve pas un euro pour les énergies renouvelables en raison de l'effet prix. Quant aux « boucliers énergie », ils coûtent en réalité 47 milliards d'euros et non 9 milliards comme annoncé dans l'action n° 17 - c'est cela que l'on doit dire aux consommateurs.
Par ailleurs, certains coûts des dispositifs de soutien ne figurent pas dans le programme, je pense notamment à la baisse du plafond de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) qui coûte 8 milliards d'euros à EDF.
Il y a une articulation entre le dispositif « filet de sécurité » présenté par le rapporteur général et les deux dispositifs couverts par l'article 42 ter. Le « bouclier tarifaire », qui existait déjà en 2022, se prolongera en 2023 pour toutes les communes avec moins de 10 emplois et disposant de moins de 2 millions d'euros de budget ; ce « bouclier tarifaire » s'applique aussi aux particuliers et aux petites entreprises. En 2022, il est venu « caper » la hausse de l'électricité à 4 % et, en 2023, il viendra la « caper » à 15 %.
À ce « bouclier tarifaire », on adjoint un dispositif « d'amortisseur » qui concerne les communes et les entreprises anciennement éligibles au tarif jaune. Le dispositif interviendra dès que le prix payé sur le contrat dépassera les 325 euros par MWh et jusqu'à 800 euros par MWh ; dans ce cadre, les fournisseurs appliqueront une réduction de 25 % de la différence. À titre d'exemple, si le prix s'élève à 800 euros par MWh, la commune bénéficiera d'une remise de 125 euros.
Vient ensuite le dispositif « filet de sécurité », introduit lors du PLFR de juillet pour l'année 2022 et décrit précédemment par le rapporteur général. Il est prorogé en 2023, avec une ouverture de crédits plus importante, de l'ordre de 1,5 milliard d'euros.
Pour évoquer les programmes 174 et 345, on a essayé de regrouper tous les mécanismes mis en place en 2022 puis en 2023 pour venir atténuer la hausse du coût des énergies. En raison des effets d'annonce, nous ne sommes pas encore en mesure de chiffrer certains dispositifs. Ce matin encore, j'apprenais une nouvelle mobilisation de crédits pour 2023 de 1,5 milliard d'euros, concernant un dispositif « gros rouleurs » dont nous n'avons aucune trace. Sera-t-elle imputée sur le programme 174 comme ce fut le cas pour la remise carburant mise en oeuvre en 2022 ? On en saura peut-être davantage d'ici au 2 décembre, date d'examen de la mission en séance publique.
Je ne reviens pas sur le « bouclier électricité », ni sur le « bouclier gaz » et le « chèque énergie ». Dans la panoplie des mesures mises en oeuvre, on retrouve également le nouveau dispositif « d'amortisseur », ainsi que les dispositifs de soutien au changement de véhicules. Jean-Louis Borloo indiquait hier encore que Christophe Béchu, l'actuel ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, serait le ministre qui ferait le plus pour la protection du pouvoir d'achat des Français ; cela revient bien à dire que les crédits de son action sont des mesures de pouvoir d'achat.
Sur la rénovation thermique des bâtiments, MaPrimeRénov' finance à 86 % des travaux de rénovation mono-gestes, qui consistent à ne faire qu'une seule opération de rénovation, le plus souvent changer le chauffage. En termes de besoins calorifiques et énergétiques de l'habitation, ça ne change rien. Une véritable rénovation ne peut être que globale et doit venir diminuer le besoin en énergie des logements. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement qui corrige la maquette du programme 174 en ajoutant un nouvel indicateur. Il faut arrêter de se gargariser, comme l'a fait encore récemment le Président de la République dans une vidéo, en disant que l'on comptait des milliers de dossiers de demandes de prime ; une prime pour changer une chaudière, ce n'est pas une rénovation. Quand on parle de rénovation globale, on descend en dessous des 10 000 dossiers déposés.
Toujours concernant le changement de véhicules, j'entends dire, avec l'augmentation des prix à la pompe, que rouler électrique coûterait moins cher. Aujourd'hui, on déverse des milliards d'euros pour soutenir une industrie qui n'est pas la nôtre. Ainsi, 80 % des véhicules aidés par le bonus et la prime à la conversion en 2022 sont produits à l'étranger. Je trouve cela choquant, alors qu'on ne cesse de parler de souveraineté industrielle. Les constructeurs de notre pays sont en train de changer leur chaîne de production afin de pouvoir produire des véhicules avec un bilan carbone beaucoup plus faible que s'ils étaient produits en Chine, dans des usines fonctionnant au charbon et selon des critères d'extraction des matières différents des nôtres.
C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un autre amendement, venant réduire de 500 millions d'euros les crédits affectés au bonus et à la prime à la conversion. L'idée est d'envoyer un signal, en disant que notre industrie sera prête fin 2023, début 2024. Attendons d'avoir ces véhicules produits chez nous qui seront de meilleure qualité ; en effet, avec les véhicules produits en Chine, la batterie s'épuise rapidement.
J'ai déposé également un amendement concernant le programme 345. Pour la première fois, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a effectué une réévaluation complète des charges de service public. Dans sa délibération, elle indique deux actions pour lesquelles les crédits ne seront pas versés en 2023 ; je préfère les annuler directement, plutôt que d'avoir des reports ou des crédits non consommés en fin d'exercice.
De manière exceptionnelle également, l'article 42 ter prévoit que la CRE pourra faire, si besoin, autant d'actualisations des charges de service public en cours d'exercice, de manière à ce que les fournisseurs puissent bénéficier sans retard des mécanismes de compensation de ces charges. Pour certains fournisseurs - je pense notamment aux petites entreprises locales de distribution (ELD) -, l'impact sur la trésorerie de ces différents dispositifs présentés peut être important.