Intervention de Hervé Maurey

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 16 novembre 2022 à 9h05
Projet de loi de finances pour 2023 — Mission « écologie développement et mobilité durables » et articles 42 bis à 42 quater et compte d'affectation spéciale « financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale facé » - programmes « paysages eau et biodiversité » « prévention des risques » « énergie climat et après-mines » « service public de l'énergie » « conduite et pilotage des politiques de l'écologie du développement et de la mobilité durables » et « fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » - examen du rapport spécial

Photo de Hervé MaureyHervé Maurey, « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » et « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État » :

rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » sur les programmes « Infrastructures et services de transports », « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » et « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État ». - Nous allons vous présenter, à deux voix, les programmes 203 « Infrastructures et services de transports », 205 « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » et 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

En règle générale, les programmes budgétaires que nous vous présentons aujourd'hui affichent une grande continuité.

Cela pourrait sembler cohérent et même rassurant, dans la mesure où les investissements dans les infrastructures de transport sont, par nature, des opérations pluriannuelles de longue haleine, systématiques, qui exigent de la constance. Et pourtant, cette situation nous inquiète, car nos travaux, au cours de nos missions de contrôle ou lors de l'examen des lois de finances, nous ont permis de constater à quel point les besoins d'investissements dans les infrastructures de transport sont criants, et à quel point ces infrastructures sont dégradées. Nous sommes d'autant plus préoccupés que cette situation tend à s'aggraver, le réseau ferroviaire en est le meilleur, ou devrais-je dire, le pire des exemples.

Le Gouvernement avait annoncé un signe sur les infrastructures ferroviaires et en avait même fait mention, mais nous l'avons cherché en vain. Pire, le ministre a annoncé devant la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable un objectif bien modeste quand on connaît l'état de dégradation du réseau : son maintien au niveau actuel dans les prochaines années. Cet objectif se révèle de surcroît assez improbable et inatteignable en raison de l'impact de l'inflation, dont nous reparlerons.

Le Gouvernement nous renvoie à l'année prochaine, dans l'attente des travaux du Conseil d'orientation des infrastructures (COI) qui devront conduire à une nouvelle programmation de financement présentée au Parlement d'ici au milieu de l'année 2023 comme l'impose la loi d'orientation des mobilités (LOM). Les travaux du COI seront déterminants, mais on sait déjà qu'ils impliqueront un véritable exercice de confrontation à la réalité : celle d'un mur d'investissements colossal, un mur qu'il nous faudra gravir, car nous n'aurons pas d'alternative.

Cette nouvelle programmation devra répondre aux engagements environnementaux et climatiques.

À cet égard, il est déjà clair que l'enveloppe qui avait été prévue par la LOM pour la période 2023-2027 est nettement insuffisante. Aussi, pour soutenir les projets des collectivités dans le cadre des CPER, la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) nous a clairement affirmé que l'enveloppe financière qui avait été envisagée était loin de répondre aux besoins.

Enfin, cette continuité apparente nous préoccupe d'autant plus dans une période actuelle d'inflation où les coûts des chantiers explosent. Le maintien des trajectoires de financements en euros courants serait une catastrophe notamment pour la régénération du réseau ferroviaire. Alors que les investissements sont déjà notoirement insuffisants, les conséquences de l'inflation pourraient se chiffrer à 500 millions d'euros en année pleine.

Dans le rapport que nous vous avions présenté en février dernier, nous vous avions dit tout le mal que l'on pensait du contrat de performance de SNCF Réseau, que nous avions qualifié de « contrat de contre-performance ». Depuis, ce contrat a été signé en catimini en avril dernier. S'il n'est pas révisé en urgence, notre réseau ferroviaire pourrait se déliter et les ralentissements récurrents que l'on observe jusqu'ici principalement sur les petites lignes qui avaient été délaissées par l'État pourraient se diffuser sur les lignes les plus empruntées, selon le président de la SNCF lui-même.

Comme vous le savez, les investissements dans les infrastructures de transports et le respect des trajectoires fixées par la LOM dépendent très largement du budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf).

Cette agence continue de pâtir du décalage manifeste qui existe entre le caractère certain de ses dépenses, par nature pluriannuelles, et la grande volatilité de certaines de ses recettes, au premier rang desquelles les amendes radars. Cette année le problème se pose avec moins d'acuité qu'au coeur de la crise sanitaire et le projet de loi de finances rectificative (PLFR) actuellement en discussion ne prévoit de majorer les recettes de l'Afitf qu'à hauteur de 7 millions d'euros. Par ailleurs, l'augmentation de 660 millions d'euros du plafond d'affectation d'accise sur les produits énergétiques, l'ancienne taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), va dans le bon sens et consolide le panier de recettes de l'agence.

Par contre, comme nous vous l'avons déjà signalé l'an dernier, nous sommes scandalisés par l'attitude des sociétés d'autoroute qui, parce qu'elles sont en conflit avec l'État sur l'indexation de la taxe d'aménagement du territoire, refusent de verser une contribution annuelle de 60 millions d'euros qu'elles doivent à Afitf. Malheureusement, tout indique que les contentieux en cours ne seront pas réglés en 2023 et que le budget de l'agence sera à nouveau amputé de cette somme.

Par ailleurs, nous avons été très surpris d'apprendre que, cette année, l'Afitf n'a pas été limitée par ses recettes, mais bien par sa capacité à dépenser les crédits qui lui sont alloués. Cette situation est ubuesque au regard des besoins d'investissements dans les infrastructures de transports : alors que nous avons des besoins phénoménaux, nous ne parvenons même pas à employer tous les crédits dont nous disposons.

Les crédits du plan de relance sont les plus touchés, et pas les moins essentiels, puisque le taux de sous-consommation des investissements dans la rénovation des lignes capillaires de fret est le plus impressionnant. Sur les projets relevant du plan de relance, il apparaît évident que de nombreux maîtres d'ouvrages ont présenté des calendriers beaucoup trop optimistes, voire irréalistes. Ce phénomène nous conduit à cette situation tout à fait regrettable et frustrante à laquelle il faudra absolument remédier à l'avenir.

Il faut également noter que, depuis 2020, ce sont les crédits du plan de relance qui permettent de respecter bon an mal an les trajectoires prévues par la LOM, car ils permettent notamment d'apporter les financements nécessaires à des opérations qui ne faisaient pas partie du périmètre envisagé par la LOM. Il s'agit en particulier du canal Seine-Nord Europe et de la ligne ferroviaire Lyon-Turin qui aurait dû être financée à moyen constant, et donc au détriment de la trajectoire d'investissement prévue par la LOM.

En 2023, grâce aux crédits du plan de relance, le montant prévisionnel des dépenses de l'Afitf sera certes inédit, puisqu'il atteindrait 3,8 milliards d'euros, mais, compte tenu des révisions à la baisse qui interviennent de façon récurrente au fils des budgets rectificatifs chaque année, et tout particulièrement du dernier d'entre eux, nous préférons rester à ce stade au moins prudents, si ce n'est circonspects. Par ailleurs nous avons appris que l'État contribuera à hauteur d'au moins 282 millions d'euros aux surcoûts du projet ÉOLE, une somme imprévue qui pèsera sur les engagements de l'Afitf.

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