Intervention de Vincent Capo-Canellas

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 16 novembre 2022 à 9h05
Projet de loi de finances pour 2023 — Mission « écologie développement et mobilité durables » et articles 42 bis à 42 quater et compte d'affectation spéciale « financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale facé » - programmes « paysages eau et biodiversité » « prévention des risques » « énergie climat et après-mines » « service public de l'énergie » « conduite et pilotage des politiques de l'écologie du développement et de la mobilité durables » et « fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » - examen du rapport spécial

Photo de Vincent Capo-CanellasVincent Capo-Canellas, développement et mobilités durables » sur le programme « Expertise, information géographique et météorologie » et le budget annexe « Contrôle et exploitations aériens » :

rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » sur le programme « Expertise, information géographique et météorologie » et le budget annexe « Contrôle et exploitations aériens ». - Je vais vous présenter le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie », qui inclut le Cerema, l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et Météo-France, ainsi que le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », c'est-à-dire les crédits de la direction générale de l'aviation civile (DGAC).

Le programme 159 regroupe les subventions pour charges de service public du Cerema, de l'IGN et de Météo-France.

Depuis des années j'avais pris l'habitude de vous réciter une litanie de baisses d'effectifs et de moyens financiers pour ces trois opérateurs. Cette tendance s'est prolongée de façon ininterrompue depuis plus de dix ans, de façon très préoccupante. Si je suis loin d'être optimiste, quelques éléments sont néanmoins positifs : la commission des finances a peut-être été entendue, c'est en tout cas ce que m'a affirmé le ministre Christophe Béchu. Ainsi l'IGN et Météo-France bénéficient d'un petit bol d'air frais. S'agissant du Cerema, un rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) publié en 2021 avait livré une analyse pour le moins alarmiste sur les tendances à l'oeuvre au sein de l'opérateur. Une stabilisation budgétaire est à l'oeuvre, il en est de même pour les emplois.

Des trois opérateurs du programme, Météo-France est le plus affecté par la crise des prix de l'énergie car ses supercalculateurs sont particulièrement gourmands en électricité. L'opérateur pourrait ainsi constater un surcoût de 7 millions d'euros en 2023 au titre des tarifs de l'électricité. Je vous avais parlé d'un nouveau projet de supercalculateur l'année dernière : Météo-France a lancé ce projet qui devrait se concrétiser en 2026. Le coût total devrait approcher les 350 millions d'euros, soit 2,5 fois plus que le coût du précédent projet. Ce projet s'inscrit dans une véritable course à l'investissement informatique mais Météo-France a choisi de le décaler d'un an.

Le mois dernier, je vous ai présenté la mue qu'est en train de réaliser l'IGN. L'établissement devait se transformer pour ne pas être marginalisé, voire disparaître. Il est en train de se transformer dans un sens qui paraît adapté : les tutelles semblent avoir compris qu'il fallait desserrer un peu la contrainte budgétaire, et en particulier s'agissant des effectifs. C'est le cas pour ce PLF et je m'en félicite, même si ces tendances sont fluctuantes. L'IGN a d'ailleurs pu sécuriser sa trajectoire budgétaire jusqu'en 2024, en signant un engagement pluriannuel d'objectifs et de moyens (Epom) avec la direction du budget. Le nouveau modèle économique de l'IGN, parce qu'il repose sur l'obtention de grands contrats d'accompagnement de politiques publiques, n'est pourtant pas sans risque, et il nous faudra en évaluer la viabilité.

J'ai été impressionné de voir l'évolution du Cerema ces dernières années, sa résilience et sa capacité à surmonter les crises. Si sa situation est loin d'être idéale, il revient indiscutablement de loin. Il a retrouvé une dynamique positive et se projette à nouveau, notamment dans son nouveau modèle de quasi-régie conjointe entre l'État et les collectivités prévu par la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS). Ce nouveau modèle doit permettre au Cerema d'avoir un partenariat avec les collectivités locales - il faudra suivre au printemps ce mouvement positif bien engagé. Dans ce cadre, le Cerema aura sans doute besoin de renforts d'effectifs, et il faudra peut-être décorréler le plafond d'effectifs du plafond de la subvention pour charges de service public, si toutefois cette stratégie est possible.

J'en viens à présent au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (Bacea). Dans la mesure où il est exclusivement financé par le secteur du transport aérien, vous comprendrez que son équilibre budgétaire a pu être quelque peu malmené ces dernières années avec la crise du covid.

Si la tendance à la reprise du trafic se fait sentir, cette année, celui-ci pourrait néanmoins rester inférieur de 20 % à son niveau d'avant-crise. Ainsi, l'impact sur les recettes n'est pas à minimiser. Il faut garder à l'esprit qu'il existe un dispositif de rattrapage, lissé sur sept ans, des conséquences de la crise sur le trafic. Ainsi, les redevances de navigation aérienne ont été gelées lors de la baisse du trafic, mais il ne s'agissait que d'un gel : le rattrapage a bien lieu. Je pense que l'État aurait pu considérer que les compagnies n'avaient quasiment pas utilisé les services de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) et aurait pu prendre en charge une partie des coûts fixes du contrôle aérien. Mais il n'en est rien. Un sujet existe donc en matière de compétitivité des compagnies : celles-ci doivent payer davantage aujourd'hui, alors que le trafic n'est pas totalement rétabli et que le coût de l'énergie est en hausse. J'ai d'ailleurs le même avis s'agissant du financement des missions, régaliennes s'il en est, de sûreté et de sécurité aéroportuaires.

L'amélioration de la qualité du service délivré par la DSNA passera avant tout par l'aboutissement des grands programmes de modernisation de la navigation aérienne. Ainsi, le programme 4-Flight, qui va permettre de moderniser l'ancien système Cautra, a été mis en place depuis le mois d'avril dans l'un des cinq centres en route de la navigation aérienne (CRNA). Ce système doit permettre de nous mettre à niveau par rapport à nos voisins européens, et de faire naviguer davantage d'avions en même temps. Si la DGAC a peu communiqué sur le sujet, on m'a annoncé une visite symbolique du ministre d'ici la fin du mois. Une version 2 du programme 4-Flight, corrigée des petits problèmes identifiés dans la phase de déploiement, sera probablement mise en oeuvre pendant le premier trimestre de l'année 2023.

Par ailleurs, le programme Coflight, qui rassemble beaucoup d'attentes, doit également permettre de gérer les plans de vol. Or ce programme connaît actuellement des difficultés, empêchant ainsi 4-Flight de prendre toute sa mesure. Il faut néanmoins souligner la qualité du travail de la DGAC dans le cadre de la gestion de ces programmes.

S'agissant des ressources humaines, la DGAC va relancer, au début de l'année 2023, les négociations pour un nouveau protocole social. Les protocoles qu'elle met en place depuis plusieurs années sont censés être de type « gagnant-gagnant ». Si d'un côté des mesures catégorielles sont accordées aux contrôleurs, ces programmes doivent aussi générer des gains de productivité ainsi qu'une plus grande flexibilité dans l'organisation du travail, une évolution d'autant plus nécessaire que le flux de trafic est devenu plus irréguliers avec des creux et des pointes accentués. Ces protocoles sont coûteux, et je ne suis pas certain qu'il faille employer ce modèle qui relève bien d'avantage d'un accord « gagnant-perdant », au détriment de l'État. Nous serons très vigilants sur ce point lors de la négociation qui aura lieu au début de l'année 2023.

Ce n'est finalement pas cette crise qui fera passer la dette du Bacea au-delà des 3 milliards d'euros, sauf si le trafic se dégrade à nouveau. Cette dette commencera vraisemblablement à décroître en 2023, mais ce sujet reste incertain.

Enfin, je ne peux faire abstraction aujourd'hui du défi de la transition écologique du secteur aérien. Vous savez que le Conseil pour la recherche aéronautique civile (Corac) a la particularité de réunir les industriels, les grands donneurs d'ordre et les pouvoirs publics. Ce conseil opère des choix technologiques et finance des programmes de longue durée. La Cour des comptes l'a souligné dans le rapport qu'elle nous a présenté en février dernier au titre de l'article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) : des financements publics conséquents sont nécessaires sur le long terme. Or il semble, d'après les premières projections, que les moyens du Corac retomberaient à leur niveau d'avant la crise dès l'année 2025. Il faudra que nous étudiions les moyens d'outiller ce secteur.

Par ailleurs, je veux insister sur un point essentiel. Si à long terme des ruptures technologiques peuvent apporter des solutions, à court et moyen terme, seuls les carburants durables d'aviation (« SAF » en anglais pour sustainable aviation fuel), nous permettront de réduire sensiblement les émissions du secteur aérien. Ainsi, avec ces carburants et les appareils dernier cri, nous sommes capables de réduire les émissions de 80 %. Je m'étonne donc que la France ne mette pas plus de moyens pour produire des carburants d'aviations durables, notamment les plus prometteurs d'entre-eux, les carburants synthétiques.

Ce PLF prévoit notamment de renforcer le dispositif de la taxe incitative relative à l'incorporation d'énergie renouvelable dans les transports (Tiruert) pour l'aérien quand bien même la filière de SAF nationale n'est pas mature. Ce choix pose question, mais dans ce contexte, revoir la trajectoire de la Tiruert serait un très mauvais signal et je suis plutôt favorable à inciter les compagnies et à travailler à développer la filière des carburants durables.

Puisqu'ils permettent notamment de maintenir l'effort indispensable visant à mettre en oeuvre les grands programmes de modernisation de la navigation aérienne, je souhaite que la commission propose au Sénat d'adopter les crédits du budget annexe.

En ce qui concerne le programme 159, je suis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

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