Nous poursuivons nos travaux avec l'audition de Mme Ségolène Royal. Madame la ministre, parmi les nombreuses et importantes fonctions que vous avez exercées, je rappelle, pour ce qui concerne notre commission d'enquête, que vous avez été par deux fois, à vingt ans d'écart, chargée des sujets environnementaux au Gouvernement : la première fois comme ministre chargée de l'environnement, de 1992 à 1993, puis comme ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer chargée des relations internationales sur le climat, de 2014 à 2017.
C'est surtout cette dernière période qui va retenir notre attention, même s'il sera certainement intéressant de comprendre avec vous comment le sujet de la rénovation énergétique a pu mûrir dans le temps alors qu'un pays comme la Suède avait, par exemple, infléchi fortement sa politique dès le choc pétrolier, ce qui n'a pas été le cas dans notre pays.
La période 2014-2017 est marquée par deux événements importants : l'accord de Paris sur le climat en 2015, qui est un peu la toile de fond, et, pour le concret de la rénovation énergétique, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, que vous avez portée. Les exigences en matière de sobriété énergétique imposées par l'Accord de Paris et inscrites dans la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) exigent une rénovation profonde du bâtiment en France. C'était l'objectif de la loi pour la croissance verte qui apparaît actuellement comme celle qui a fixé le cadre et les principaux objectifs des politiques menées en la matière, la loi Énergie-climat de 2019 et la loi Climat et résilience de 2021 venant l'approfondir, mais aussi souvent reporter certains objectifs.
Ses objectifs les plus marquants et structurants étaient certainement la mise aux normes bâtiment basse consommation (BBC) du parc d'ici à 2050, la réalisation de 500 000 rénovations de logements par an dont la moitié occupés par des personnes modestes, la suppression des passoires thermiques (F et G) d'ici à 2025 et la réduction de la précarité énergétique de 15 % d'ici à 2020.
Pourtant, actuellement, le bâtiment demeure un secteur particulièrement énergivore, qui représente 43 % de la consommation d'énergie en France, et génère 23 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) français. Le logement représente les deux tiers de ces émissions de GES. La rénovation énergétique reste également une question sociale, puisque 20 % des Français sont considérés en situation de précarité énergétique selon l'Observatoire de la précarité énergétique en 2021.
Il en est de même de l'objectif de 500 000 logements rénovés par an, puisque bien souvent, les travaux se résument à un seul geste alors qu'il faudrait une rénovation globale.
Madame la ministre, je souhaite que vous puissiez nous éclairer sur le bilan que vous tirez de votre expérience, que vous puissiez nous dire quels sont vos motifs de satisfaction et vos regrets. Vouliez-vous aller plus loin et, si la réponse est positive, qu'est-ce qui vous en a empêché ?
Je voudrais également vous inviter, avec le recul et la hauteur de vue qui sont les vôtres, à nous donner votre analyse des raisons pour lesquelles les objectifs affichés n'ont pas été atteints. Quels jugements portez-vous sur la politique qui a été menée en matière de rénovation depuis maintenant un peu plus de cinq ans ?
Cette audition est diffusée en direct et en différé sur le site internet du Sénat et fera l'objet d'un compte rendu publié.
Je rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal, qui peuvent aller de trois à sept ans d'emprisonnement et de 45 000 à 100 000 euros d'amende.
Je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant : « Je le jure. »
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Ségolène Royal prête serment.