secrétaire d'État chargée du numérique, auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique. - Sur la nécessité de rééquilibrer au sein de l'ICANN les règles de fonctionnement entre parties prenantes, le Gouvernement français va adresser un courrier à la Commission européenne pour l'alerter sur le contentieux en cours sur le « .vin ». Il ne s'agit que d'un aspect des problèmes de gouvernance que nous rencontrons au sein de l'ICANN, mais il suffit à motiver une réforme.
Au sommet du NETmundial, j'ai identifié trois États s'opposant fermement à tout rééquilibrage : les États-Unis soutenus par le Royaume-Uni et la Suède. Nous avons réalisé à quel point nos positions divergeaient sur le rôle que doivent jouer les États. Le Gouvernement français ne remet pas en cause l'essence même du système « multistakeholder », qui constitue la base d'un Internet libre et ouvert, mais souhaite que l'acquis communautaire et les législations nationales ne soient pas remis en cause.
Sur ce thème de la gouvernance de l'ICANN, j'ai rencontré le représentant polonais, parfaitement en phase avec nos positions, tout comme le représentant du Brésil. Je n'ai malheureusement pas eu le temps de rencontrer mon homologue allemand, mais devrais le voir bientôt. Ceci dans le cadre du groupe de travail commun initié par le dernier conseil des ministres franco-allemand, qui sera bien sûr sollicité pour préparer l'arrivée de la future Commission européenne. L'Espagne et l'Italie sont par ailleurs également alignées sur nos positions. Un travail pédagogique ferait prendre conscience aux autres États de l'importance des enjeux, qui les concernent au premier chef.
S'agissant de la séparation des aspects techniques et politiques au sein de l'ICANN, je m'en suis entretenue avec le président de l'ICANN, M. Fadi Chehadé, à São Paulo. Si l'idée est a priori attractive, je ne suis pas pour autant persuadée que l'ICANN doive être le lieu du débat politique. On m'explique que la décision sur le « .amazon » a créé un précédent en ayant permis un affranchissement historique des membres du conseil d'administration, qui ont écouté les représentants élus de certains États, d'organisations non gouvernementales (ONG), d'associations ... Mais quelle légitimité leur permettrait de prendre une décision politique ? Une séparation interne à l'ICANN, pourquoi pas, mais à condition d'une réforme préalable garantissant la transparence et le respect du droit et de l'intérêt général. Cela suppose une refonte d'ensemble de l'institution, qui n'apparaît pas pour l'instant dans ses décisions.
Pour ce qui est du rôle de l'IGF, a été évoqué à l'automne dernier à l'assemblée générale des Nations-Unies l'opportunité d'organiser un évènement célébrant les dix ans du SMSI, initié à Tunis en 2005. Un groupe de travail ad hoc a été créé par le secrétaire général de l'organisation, mais faute de consensus, nous n'avons pas de nouvelles de ses travaux, qui étaient attendus fin mars. À court terme, l'incapacité du forum sur la gouvernance de l'Internet à générer des décisions consensuelles et opérationnelles pose problème. D'autant qu'existe un problème de financement du secrétariat général, qui dépend d'États, mais aussi d'acteurs privés, de plus en plus réticents à mettre la main au portefeuille. Le devenir même de l'instance semble donc mis en cause. Faut-il que notre Gouvernement appuie son renforcement pour qu'elle devienne la future enceinte de concertation sur la gouvernance de l'Internet ? Cela ne correspond pas à sa stratégie, même si cette option n'est pas exclue en soi. Il sera très intéressant pour moi d'aller à Istanbul en septembre pour observer de visu l'effectivité de ce cadre institutionnel.
S'agissant de l'IETF, je ne serai pas en mesure de répondre à votre interrogation, à ce stade ; je vous ferai parvenir des éléments à ce sujet. Je tiens cependant à souligner que le nombre très important d'organisations techniques s'occupant de l'Internet pose un problème de cohérence d'ensemble. Ces structures prennent de plus en plus de recul par rapport au fonctionnement de l'ICANN, du fait de l'affaire Snowden, et concentrent leurs interventions sur les aspects techniques qui fondent leur légitimité.
La représentation de la France et de ses intérêts au sein de ces instances est un réel problème, l'impact de leurs décisions allant souvent bien au-delà de simples enjeux formels. C'est vrai, par exemple, pour ce qui est de la négociation des normes de la 5G : notre pays doit être présent, auprès de nos constructeurs et opérateurs, dès la phase amont de définition de ces normes. D'une façon plus générale, la question de leur production est en effet essentielle dans l'économie numérique, notamment dans les négociations de l'accord de partenariat transatlantique.