Intervention de Louis Echelard

Commission d'enquête Concentration dans les médias — Réunion du 10 janvier 2022 à 15h35
Audition de M. Louis échelard président du directoire du groupe sipa ouest-france

Louis Echelard, président du directoire du groupe SIPA Ouest-France :

Je vous remercie de votre invitation à contribuer à vos travaux. J'espère que mon témoignage vous sera utile.

SIPA Ouest-France est organisé de manière originale. Il est né autour du journal Ouest France, créé en 1944, à la Libération. Ce groupe, ancré dans la presse écrite, s'est constitué par la voie du développement organique, mais également par des acquisitions, afin de répondre à des sollicitations de dirigeants n'ayant plus de solutions pour poursuivre leur action. Nous avons engagé un processus de rationalisation et de mutualisation de leurs moyens et de leurs activités. L'urgence était de les sauver, et de leur proposer une viabilité économique à moyen et long termes.

Nous détenons 5 quotidiens, 77 hebdomadaires payants, 15 hebdomadaires gratuits, et le quotidien 20 Minutes contrôlé avec le groupe Rossel. Tous ces titres acquis ont conservé leur raison sociale - j'insiste sur ce point. Ils disposent toujours de leur rédaction. Ils sont en équilibre économique ou proches de l'être.

Certes, nous avons été confrontés à l'érosion de la diffusion ; grâce à une politique de portage dynamique, 85 % de nos quotidiens sont portés au domicile de nos lecteurs avant 7 h 30 le matin. Grâce à une politique de prix le plus bas possible et à d'importants investissements commerciaux, nous avons pu limiter cette érosion par rapport à d'autres confrères, mais elle se poursuit.

La prise en compte de l'évolution des usages nous a conduits à engager une politique numérique, et à développer de nouveaux services, complémentaires des journaux papier.

Avec nos deux plateformes Ouestfrance.fr et Actu.fr, nous constatons que la fréquentation cumulée classe cet ensemble au premier niveau dans le paysage numérique français de l'information.

La menace du numérique pourrait s'avérer en définitive une opportunité, surtout si nous savons proposer des informations de qualité, équivalentes à la qualité exigée dans les journaux papiers - j'y insiste. Bien évidemment, il faut convaincre les internautes de s'abonner.

Le défi numérique exige aussi de collecter des revenus publicitaires suffisants pour maintenir le prix des abonnements au niveau le plus bas possible. Nous tenons à notre positionnement populaire, qui exige que l'abonnement soit peu coûteux. Le défi est difficile, car les petites annonces sont parties vers les grands acteurs spécialisés et la publicité commerciale continue d'être ponctionnée par les géants du numérique. Malheureusement, les droits voisins, malgré l'avancée majeure obtenue, monsieur Assouline, sont bien loin de compenser cette perte de revenus.

Le pluralisme, l'accès du plus grand nombre à l'information et l'indépendance éditoriale de la presse écrite ne seront garantis que si les revenus publicitaires participent à l'équation économique. Des garde-fous doivent être prévus ; ils devront tenir compte du profil particulier du modèle économique de la presse écrite, bien différent de celui des grands groupes de médias, notamment de télévision.

C'est dans un contexte compliqué, mais enthousiasmant que nous évoluons. Le groupe SIPA Ouest-France avance.

Qu'est-ce qui nous anime ? Quel sens donnons-nous à notre action ? Nous sommes là par conviction, pour accomplir une mission : elle découle des valeurs de notre actionnaire unique, l'Association pour le soutien des principes de la démocratie humaniste. Cette mission est simple : informer et relier les citoyens, pour faire progresser le bien commun. Pour y parvenir, nous nous sommes dotés d'une structure et d'une gouvernance adaptée, à trois niveaux : l'Association pour le soutien des principes de la démocratie humaniste, association loi 1901, à but non lucratif, dont les membres ne perçoivent aucun dividende : ce sont des bénévoles. Cette association est l'actionnaire du groupe, qui contrôle à 100 % les médias d'information, à l'exception de 20 Minutes. Cette association porte les valeurs et les engagements éthiques du groupe, et garantit juridiquement son indépendance. Dans le paysage juridique français, l'association est un outil très intéressant pour protéger les actifs.

SIPA est la holding du groupe, dont je suis cogérant. Elle s'assure du respect des valeurs promues par l'association actionnaire. Elle garantit l'indépendance économique et s'assure de la réalisation de la mission.

Les médias - dont Ouest France -, entités opérationnelles, déploient leur projet éditorial dans le respect des valeurs de l'actionnaire et dans le respect de leur propre charte éditoriale. Cette organisation a été conçue pour nous mettre à l'abri des convoitises et des pressions. Je dis souvent aux journalistes du groupe qu'ils ont la chance de vivre dans un certain confort pour exercer leur profession, puisque les pressions externes n'ont aucun effet sur nos activités et sur notre manière de présenter l'information.

Notre mission prévoit aussi que nous devons relier les citoyens. Par nos articles dans nos journaux et nos publications numériques, nous contribuons à l'animation des communautés, au premier rang desquelles la commune. Notre rôle consiste aussi à rassembler nos lecteurs et tous les citoyens pour échanger avec eux, et qu'ils échangent entre eux. Les nombreuses invitations que nous lançons tout au long de l'année vont en ce sens. Par exemple, l'événement « Vivre ensemble » rassemble habituellement - hors pandémie - 5 à 6 000 personnes à Rennes, durant deux jours, pour débattre. Nous organisons aussi des événements rassemblant des filières professionnelles : les assises de l'économie de la mer, celles de la pêche, de l'automobile, de l'outre-mer... Nous réunissons, en temps normal, 30 à 40 000 personnes chaque année.

Les engagements éthiques du groupe apportent des réponses concrètes aux intentions suggérées par les valeurs de l'actionnaire. Nous organisons des opérations d'aide aux victimes de conflits ou de catastrophes initiées par Ouest France solidarité, grâce à la générosité de nos lecteurs, lors de collectes, et nous rendons compte de l'utilisation des fonds.

Nous mettons à disposition des journaux gratuits auprès de tous les détenus des prisons de l'ouest, et dans les structures sociales : Secours populaire français, Secours catholique, La Croix-Rouge française, pour que les plus défavorisés accèdent à l'information.

Enfin, mesure importante pour la profession et pour la vitalité démocratique de notre pays, nous faisons de l'éducation aux médias, via l'Association pour les journaux des lycées, qui aide les lycéens à élaborer leur journal avec le soutien de journalistes.

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