Intervention de Cécile Rap-Veber

Commission d'enquête Concentration dans les médias — Réunion du 13 janvier 2022 à 14h30
Audition de Mme Cécile Rap-veber directrice générale — Gérante de la société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique sacem et m. hervé rony directeur général de la société civile des auteurs multimédias scam

Cécile Rap-Veber, directrice générale-gérante de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) :

Tout d'abord, je tiens à vous expliquer les motifs pour lesquels j'ai choisi de consacrer ces huit minutes à ce sujet. La musique ne vit que de la gestion collective. Nous ne possédons pas de budget de production en amont.

Par ailleurs, il est de plus en plus souvent demandé aux créateurs de fournir des bandes de diffusion masterisées et prêtes à être diffusées au cinéma. Les producteurs et les diffuseurs demandent souvent à recevoir 50 % des droits d'auteur, sous prétexte qu'ils seraient diffuseurs de l'oeuvre et en feraient la promotion. La captation d'une partie des droits a tendance à réduire la rémunération des créateurs.

Je ne suis pas en train de dire que M6 a recours à ces procédés. Nous menons également des conversations très soutenues avec cette chaîne et je ne sous-entends pas que M6 refuse d'entamer des négociations. En revanche, nous avons besoin d'aboutir à un accord.

M6 a été conventionné par l'ancien CSA en tant que groupe qui doit principalement diffuser de la musique sur ses antennes. Le succès de M6 est principalement dû à l'intelligence de ses dirigeants.

La musique fait partie de leur ADN. Si je vous dévoile notre difficulté à négocier avec eux, c'est parce qu'ils constituent une part majeure des revenus de télédiffusion pour les compositeurs et les éditeurs de musique.

L'accord avec M6 nous tient à coeur. Le groupe doit respecter ses obligations vis-à-vis de la place de la musique sur W9 et M6. Cet élément est fondamental pour la Sacem lorsque le sujet de la fusion est abordé.

La France peut s'enorgueillir de promouvoir la diversité, d'autant plus quand elle est culturelle. Je ne suis pas vraiment inquiète sur le fait que la musique sera toujours diffusée, car elle est profondément attachée à l'intégralité des programmes. Même la publicité est constituée de musique. Cependant, certaines personnes ont tendance à oublier l'importance de la musique dans leurs programmes.

Face à des mastodontes du numérique, et sachant que les consommateurs peuvent tout obtenir à la demande, nous devons nous demander si le public souhaite que de nombreuses chaînes subsistent. Il préfère peut-être une offre numérique variée. La fusion a également pour objectif de proposer une offre délinéarisée très forte face à Netflix et Amazon.

Dans ce contexte, nous perdons complètement les bases établies pour les revenus, et je dois dire que cette règle s'applique pour l'ensemble des médias télévisuels. Les problèmes sont les mêmes pour Arte et France Télévisions. De fait, une part très faible des revenus sont alloués sur le numérique. Les groupes ont tendance à appliquer la majorité de leurs revenus sur le linéaire et réservent une partie bien plus faible au délinéarisé.

De nombreuses publicités ont été transférées sur le numérique. Pourtant, la vente de l'espace est extrêmement faible. Les montants ne sont pas du tout comparables à ceux appliqués pour des espaces publicitaires en prime time sur les chaînes.

Certains groupes expliquent à la Sacem qu'il leur faut devenir plus puissants pour faire face à Netflix et à Amazon. Ils demandent à bénéficier d'une offre délinéarisée la plus complète possible. En contrepartie, ils déclarent manquer de budget, alors que développer ce type d'offre est extrêmement coûteux. Ils demandent donc à payer moins de droits et à devenir l'équivalent de Netflix, sans payer les mêmes montants que Netflix. Les plateformes proposent des millions de contenus, alors que la rémunération est divisée par 100 dans le délinéarisé.

Si nous prenons en compte le fait que les flux linéaires diminuent et que la consommation est désormais principalement délinéarisée, tous les créateurs de musique disparaîtront. Nous faisons face à une situation inextricable, parce que nous ne sommes pas associés aux budgets de production de la même façon que d'autres répertoires.

Nous avons besoin d'être assurés du fait que nos répertoires restent présents sur les chaînes linéaires et qu'un montant minimum par visionnage ou par écoute soit mis en place pour que la rémunération du numérique intéresse les créateurs. Actuellement, aucun créateur ne peut vivre s'il est rémunéré uniquement sur la base des revenus publicitaires issus du délinéarisé.

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