Après avoir traité de la presse régionale lundi, nous allons consacrer notre après-midi à la question tout aussi sensible des auteurs.
Je rappelle que la commission d'enquête a été constituée à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et a pour rapporteur David Assouline.
Nous commençons donc avec M. Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), fondée, je le rappelle pour l'histoire, par Beaumarchais en 1777.
La SACD protège et répartit les droits de plus de 50 000 auteurs membres dans les domaines du spectacle vivant, de l'audiovisuel, du cinéma et du web. Je tiens, par ailleurs, à rappeler l'action de la SACD au profit des auteurs pendant la première phase de la crise pandémique, action qui avait été saluée à l'époque par notre ancienne collègue Françoise Laborde.
Monsieur Rogard, vous êtes bien connu de la commission de la culture puisque vous avez été délégué général de l'ARP entre 1989 et 2003, et vous êtes depuis 2003 directeur général de la SACD. Cela vous donne donc un incontestable recul sur l'évolution des médias audiovisuels sur une longue période, et sur leurs relations avec les auteurs.
Nous sommes donc très intéressés par vos analyses des conséquences pour vos sociétaires du phénomène de concentration des médias, qui est au coeur des préoccupations de la commission d'enquête, dans un contexte marqué par l'arrivée de nouveaux acteurs, avec les plateformes, et l'entrée en vigueur de la directive sur les services de médias audiovisuels (SMA) après les négociations menées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), devenu depuis le 31 décembre l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Je rappelle, d'ailleurs, que la directive prévoit de nouveaux droits pour les auteurs, vous pourrez peut-être nous en dire un mot.
Donc, monsieur Rogard, en un mot : les concentrations, chance ou péril pour les auteurs ?
Je vous propose l'organisation suivante : je vais vous laisser la parole pour dix minutes - et je serai strict sur le respect du temps de parole ! -, puis je donnerai la parole au rapporteur pour des questions plus précises, avant d'ouvrir le débat à l'ensemble des membres de la commission d'enquête.
Cette audition est diffusée en direct sur le site internet du Sénat. Elle fera également l'objet d'un compte rendu publié.
Enfin, je rappelle, pour la forme, qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal. Je vous précise également qu'il vous appartient, le cas échéant, d'indiquer vos éventuels liens d'intérêt ou conflits d'intérêts en relation avec l'objet de la commission d'enquête.
Je vous invite, monsieur Pascal Rogard, à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité. Levez la main droite et dites : « Je le jure. ».
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Pascal Rogard prête serment.
Monsieur le président, vous avez présenté la SACD, ce qui m'épargne d'avoir à le faire. La concentration n'est pas en soi bonne pour les créateurs et les auteurs, qui ont besoin d'une diversité d'intervenants. Mais le système de l'audiovisuel a évolué très profondément grâce à l'action des différents gouvernements - cela a commencé sous le quinquennat de François Hollande et le mouvement s'est poursuivi plus récemment. Les règles européennes ont été modifiées, ce qui a permis à la France et aux autres pays européens qui le souhaitent de soumettre les opérateurs étrangers, en particulier de vidéo à la demande par abonnement qui émettent depuis l'étranger, à des obligations d'investissement dans la création nationale. C'est le résultat de la directive SMA. Les grands opérateurs - Netflix, Disney Amazon, Warner - vont devoir investir dans la création française. Ils seront, par ailleurs, tenus de respecter des quotas d'oeuvres européennes.
Moi, qui signe des contrats pour les auteurs, j'ai actuellement plus d'interlocuteurs que je n'en avais auparavant, notamment des interlocuteurs ayant les capacités financières de rémunérer les auteurs et de faire de la création de haut niveau.
En matière de concentration, les règles actuelles sont obsolètes, car elles n'appréhendent que la diffusion hertzienne. Elles sont lacunaires, car elles ne visent que la concentration horizontale, sans s'intéresser aux cas de concentration des activités de production, de diffusion et de distribution, même s'il y a des règles de protection de la production indépendante.
Une fois établi ce constat d'obsolescence, force est de reconnaître que l'offre audiovisuelle n'a jamais été aussi abondante et diversifiée. Dans le même temps, les offres se sont aussi fragmentées. Il n'y a jamais eu autant de concurrence pour l'acquisition des programmes, en particulier avec le développement de la vidéo à la demande (VAD) par abonnement. Il n'y a jamais eu non plus autant de concurrence pour capter les ressources publicitaires, qui ont été massivement transférées vers les acteurs de la publicité digitale.
Un exemple, le marché de la publicité, qui s'élevait en 2020 à 3 milliards d'euros, a connu une baisse de 11 %. A contrario, celui de la publicité en ligne a connu un développement exceptionnel et est passé de 3 milliards d'euros en 2013 à 8 milliards d'euros en 2021. Les ressources sont captées par trois opérateurs : Amazon, Facebook et Google, qui prennent 80 % de ce marché nouveau de la publicité digitale.
En ce qui concerne la concentration, il est important de distinguer les effets sur l'information - dont on parle beaucoup en ce moment, mais qui ne me concernent pas directement en tant que directeur de la SACD - de ceux sur la création. Je le répète : la concentration, c'est-à-dire l'émergence d'opérateurs puissants, est plutôt favorable à la création.
Lorsqu'on a souhaité multiplier les chaînes de la télévision numérique terrestre (TNT), on a abouti à un émiettement des ressources. Les chaînes non historiques de la TNT, qui représentent à peu près 31 % de l'audience, ne contribuent qu'à hauteur de 3 % au financement de la production audiovisuelle soutenue par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Les petits opérateurs financent moins bien les programmes que les gros opérateurs. De surcroît, le développement des petites chaînes n'a pas favorisé l'amélioration de la qualité des programmes.
Qui dit concentration dit aussi ressources nouvelles pour les auteurs. Les plateformes américaines, dont on pouvait craindre qu'elles déstabilisent complètement le système français pour la création, ont été contraintes, grâce à la nouvelle réglementation, à financer des programmes européens et des programmes d'expression française.
En revanche, les chaînes de télévision sont clairement fragilisées, car elles se retrouvent en concurrence avec des opérateurs mondiaux. La base d'abonnés de Netflix représente plus de 200 millions de personnes. Il en ira de même pour Disney et Warner. La position concurrentielle des opérateurs nationaux s'est dégradée. Or il me semble que nous avons absolument intérêt à garder des opérateurs nationaux forts. De quels garde-fous avons-nous besoin ?
Premier garde-fou - c'est un débat qui a été malheureusement lancé par des candidats d'extrême droite à la présidentielle, dont certains ne respectent pas le droit d'auteur... -, il faut renforcer le service public. Ce qui est capital pour le financement de la création, c'est un service public fort. Je remercie les parlementaires, sénateurs comme députés, qui se sont battus pour le maintien de France 4, car cette chaîne est essentielle pour le développement de l'animation française. La première tâche dans les mois qui viennent sera de renforcer le service public, qui est le pôle d'équilibre à la fois pour l'information et pour les programmes.
Deuxième garde-fou, il faut conforter les obligations de financement dans la création française et patrimoniale. À cet égard, je regrette les dernières décisions du CSA - le conventionnement des plateformes - qui sont en dessous de ce qui avait été prévu par le Gouvernement. Je regrette aussi que nous n'ayons pas été consultés sur ces conventions.
Troisième garde-fou, il faut des centres de décision pluralistes. La loi sur le service public de l'audiovisuel prévoit que, pour France Télévisions en matière de cinéma, il doit y avoir une filiale pour France 2 et une filiale pour France 3.
En conclusion, il importe de ne pas opposer concentration et soutien à la création. Il faut en revanche veiller à ce que les nouveaux opérateurs contribuent le plus possible au financement de la création française. Il faut aussi s'assurer de conserver les opérateurs français, car ces derniers se trouvent forcément affaiblis par l'arrivée de ces mastodontes qui ont une vision mondiale du développement de la création.
Merci de votre éclairage, qui met les pieds dans le plat de la contradiction générale que nos travaux tentent d'éclaircir. Il y a des acteurs puissants sur la place mondiale et ils agissent en France. Nous avons besoin d'acteurs français forts, avec des capacités d'investissement. C'est vrai pour la création, mais c'est aussi valable pour l'information.
Dans le même temps, ces modèles ne sont pas les meilleurs en termes de verticalité et de pluralisme. Ce sont des acteurs très puissants, mais avec un centre de décision unique capable de mettre en coupe réglée un certain nombre de secteurs. Il est par ailleurs nécessaire de faire vivre le pluralisme, qu'il s'agisse de l'information, mais aussi de la création.
En tant que dirigeant d'une société de droits d'auteur, vous êtes plutôt ravi de disposer de nouveaux acteurs, notamment les plateformes, qui renouvellent les possibilités d'expression des auteurs. Mais vous reconnaissez aussi que si ces nouveaux acteurs ne se plient pas aux mêmes obligations que les autres, ce sera la fin du service public, qui demeure en France le pilier essentiel du financement de la création - même si vous ne l'avez pas exactement formulé ainsi. Pour le cinéma, il y a aussi Canal+. Ce n'est ni Netflix ni Disney qui joueront ce rôle. Il importe donc de conforter les piliers qui font vivre la création et les auteurs. Si vous n'êtes pas par principe opposé aux concentrations, vous avez aussi insisté sur les moyens de la réguler pour lui permettre d'être acceptable.
Pensez-vous que la production indépendante soit fragilisée par l'intégration verticale des grands groupes de médias ? En tant que société d'auteur, estimez-vous qu'il est préférable de négocier avec des producteurs indépendants ou des acteurs intégrés, comme les plateformes ou les grands groupes ?
Les problèmes de droits d'auteur que j'ai connus, en particulier ceux de non-paiement des droits d'auteur à la SACD, voire de rupture ou de non- exécution unilatérale des contrats, je les ai connus avec des opérateurs français et non avec les grands opérateurs internationaux. J'ai depuis longtemps un contrat avec Netflix : ça fonctionne. Je leur ai d'ailleurs demandé récemment une amélioration qui consistait à me fournir plus rapidement les vues faites par les oeuvres pour me permettre de rémunérer plus vite les auteurs. Trois mois après cette demande, ils m'ont apporté une réponse favorable.
J'ai rencontré, en revanche, de gros problèmes avec Canal+, qui a suspendu l'exécution du contrat signé avec nous pour faire pression à la baisse sur les rémunérations des auteurs. Je n'ai certes pas cédé, mais ce sont eux qui ont posé problème, pas Netflix. Je rencontre également des difficultés avec certaines chaînes de télévision, mais je n'ai pas de problème avec les grands opérateurs.
En ce qui concerne la production indépendante, les opérateurs américains n'aiment pas forcément notre législation, mais ils la respectent. La personne à l'origine de toute la réglementation visant à protéger la production indépendante a siégé au Sénat, il s'agit de Catherine Tasca. Elle a donné ces droits aux producteurs indépendants pour pouvoir mieux financer le développement et la création, c'est-à-dire les auteurs. Or nous sommes actuellement en discussion avec le CNC à la suite du vote d'une loi obligeant les producteurs à négocier des accords pour encadrer la rémunération des auteurs : la volonté des producteurs de ne pas avancer est évidente. Il aurait peut-être été plus facile pour nous de négocier directement avec les plateformes, je suis désolé d'être aussi franc...
J'aime la franchise et je connais vos positions, parfois décalées. Vous parlez des producteurs et des plateformes. La loi de 1986 n'a pas prévu le phénomène de concentration verticale, c'est pourquoi elle est obsolète. Ne craignez-vous pas, vous qui défendez les auteurs, que les mouvements de concentration se traduisent par une uniformisation des contenus produits ? À terme, cela pourrait réduire la créativité et la diversité auxquelles nous sommes attachés, d'autant que les Américains risquent fort de s'imposer sur le plan culturel, au détriment des Européens.
Les auteurs ont intérêt à avoir une production indépendante vivante, les producteurs indépendants étant sûrement de meilleurs interlocuteurs que des sociétés intégrées. Encore faut-il que ces producteurs indépendants s'inscrivent dans un cadre régulé. Ils ne peuvent pas demander la régulation pour eux face aux chaînes de télévision et ne pas la vouloir pour les auteurs.
Oui, en ce moment !
En revanche, en matière de diversité, il y a d'abord eu une formidable amélioration de la création et de la fiction, par exemple, sur une chaîne comme TF1. À l'heure actuelle, la fiction française obtient de bons résultats alors qu'auparavant les meilleures audiences étaient réalisées par les formidables capteurs d'audience que sont les fictions américaines. Je ne peux pas me prononcer sur Disney et sur Amazon, qui n'ont pas encore commencé à faire de la production. Mais les productions engagées par Netflix sont relativement diversifiées en ce qui concerne l'audiovisuel.
En matière de cinéma, Canal+ dispose quasiment d'un monopole : tout est d'ailleurs organisé pour que celui-ci perdure, un système de chronologie des médias étant mis en place pour repousser le plus loin possible les nouveaux entrants...
En tout état de cause, en matière de production audiovisuelle, je n'ai pas constaté pour le moment d'uniformisation des productions engagées par Netflix. Il existe même une certaine diversité.
Canal+ a également engagé des productions très diverses, notamment parce que la chaîne s'est libérée de la contrainte de la protection de l'enfance et de l'adolescence qui existe sur les chaînes en clair.
Je pense que les interlocuteurs vont chercher à se positionner de façon différente. Ce que je regrette, c'est que toutes les plateformes soient américaines. Je déplore en effet l'incapacité des Européens à créer une grande plateforme rassemblant le meilleur des services publics européens. Nous avons la chance d'avoir des services publics puissants et bien financés en Europe. Pourquoi, lorsqu'ils produisent un succès, sont-ils obligés de passer par une plateforme américaine pour obtenir une diffusion mondiale ? Tel est, selon moi, le problème.
La France devrait profiter de sa présidence de l'Union européenne pour lancer l'idée d'une grande plateforme européenne, à l'instar de ce qui a été réalisé par MM. Mitterrand et Kohl pour Arte. Car serions-nous capables de rivaliser avec les Américains en termes de programme et non en termes de technologie ?
Quoi qu'il en soit, il n'est pas juste d'opposer création et concentration. La télévision à péage a toujours été concentrée, mais elle était régulée très fortement, avec des obligations de financement du cinéma français. Cela a permis à la fois à Canal+ d'obtenir de bons résultats au niveau des abonnés et au cinéma français de se développer.
Le terme de « concentration » recouvre plusieurs réalités différentes. Il s'agit de réunir des moyens dans un secteur où les financements sont fondamentaux : la production artistique, comme la production d'information, coûte cher lorsqu'elle est de qualité. Comment, en cas de regroupement, voire de fusion ou de collaboration, maintenir la diversité des centres de décision pour éviter tout abus de position dominante ?
Vous avez cité l'exemple de France Télévisions, qui a maintenu des centres de décision différents pour France 3 et France 2. C'est effectivement une solution pour éviter, en cas de regroupement, que les rédactions ne soient menacées, démantelées et uniformisées. Notre commission d'enquête est également amenée à réfléchir sur ces questions. Selon vous, que faudrait-il faire pour maintenir la diversité et les guichets qui la permettent dans le cadre de l'éventuelle fusion entre M6 et TF1 ?
Je n'aime pas le mot « guichet », je préfère parler de centres de décision. Premièrement, il y aurait quelque chose de très simple à faire. M6 a des obligations patrimoniales envers le documentaire, l'animation et la fiction sensiblement moins élevées que TF1. Il faudrait donc, dans le nouvel ensemble, que tout soit aligné par le haut. C'est la clause de la nation la plus favorisée.
On verra, le CSA pourra peut-être se racheter !
Deuxièmement, un auteur ou un producteur peut actuellement s'adresser soit à TF1, soit à M6, c'est-à-dire à deux centres de décision différents : une proposition peut ne pas plaire à l'un, mais plaire à l'autre. Il faut donc maintenir ce pluralisme des centres de diffusion comme on l'a fait très sagement pour le service public dans le cadre du regroupement et de la création du grand pôle public en ce qui concerne le cinéma. Pour la fiction, on a fait l'inverse puisque tout a été regroupé.
Quoi qu'il en soit, il me semble que nous avons les moyens de contrecarrer grâce à une bonne organisation le fait que la concentration, en elle-même, peut réduire le pluralisme.
C'est une lourde charge de faire respecter le droit moral, je mesure ce que cela représente en tant que membre de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem). J'apprécie votre pragmatisme et la façon dont vous énoncez des vérités évidentes.
La première audition à laquelle nous avons procédé était celle de M. Roussat, directeur général du groupe Bouygues, dont la vision est aussi pragmatique, mais très tournée business, ce qui n'est pas un gros mot dans ma bouche. Il est étonnant de constater que vos deux auditions sont en parfaite cohérence, chacun restant dans son rôle. Pour reprendre une baseline de l'antenne CNews, c'est en confrontant les opinions qu'on s'en fait une !
Vous l'avez dit clairement, il ne faut pas confondre la concentration et l'uniformisation. Les auteurs ont besoin d'acteurs puissants pour financer leur travail. Le seul acteur avec lequel vous ayez eu des problèmes est français. Mais les grands opérateurs internationaux, qui montent en puissance, ne seront-ils pas tentés, à un moment ou à un autre, de faire comme Canal+, c'est-à-dire de négocier ?
Ils sont peut-être tentés, mais ils ont échoué parce qu'heureusement en France il y a des tribunaux ! Quelques jours avant l'audience, on a pu trouver les bases d'un accord.
C'est donc qu'il existe aujourd'hui des régulateurs de droit. C'est la réponse que j'attendais puisque notre commission se penche sur la question du libéralisme régulé. Il existe donc des moyens, y compris juridiques, pour faire respecter le droit des auteurs malgré la concentration.
Ce n'est pas toujours simple, il faut quand même être un peu courageux. Je remercie d'ailleurs les parlementaires et le Gouvernement, qui m'ont apporté leur soutien dans cette période difficile. Le plus important a été fait par les politiques, qu'ils soient de droite ou de gauche. Nous pensions que c'était impossible, mais ils ont mis en place une régulation des opérateurs étrangers qui émettent à partir d'un territoire étranger.
Dorénavant, ces opérateurs étrangers devront contribuer au financement de la création française et financer le compte de soutien du CNC. Il faudra, bien sûr, veiller à ce que les conventions passées soient bien respectées. D'ailleurs, et le président du CSA le sait, je vais saisir le Conseil d'État sur les conventions qui ont été signées, car j'estime que le CSA s'est substitué au pouvoir réglementaire en baissant systématiquement les obligations pour tous les services de vidéo à la demande, sans tenir compte de leur spécificité : le CSA a le droit de moduler, mais il faut tenir compte des spécificités.
Vous êtes favorable à l'émergence de grands opérateurs français pour faire face aux géants du numérique. La fusion annoncée de TF1 et de M6 va-t-elle dans le bon sens ? Êtes-vous favorable à d'autres fusions de ce type ? Depuis l'apparition des nouveaux opérateurs, vous nous dites que vous signez de nouveaux contrats. Pouvez-vous les chiffrer afin que nous puissions savoir ce qu'ils représentent au niveau de la création ? Par ailleurs, que se passe-t-il dans les autres pays européens avec les sociétés d'auteurs comme la vôtre ?
J'ai été auditionné par l'Autorité de concurrence sur la fusion entre TF1 et M6. J'ai aussi envoyé mes remarques au Conseil supérieur de l'audiovisuel et j'ai soutenu, sous réserve de certaines conditions, cette opération.
Je suis cohérent avec ce que j'ai dit précédemment sur les nouveaux opérateurs, mais je ne peux pas citer de chiffres : le seul opérateur installé depuis longtemps et avec lequel j'ai des recettes est Netflix ; or les contrats signés sont couverts par le secret des affaires.
J'ai récemment signé un contrat avec Amazon et un autre avec Disney. Quant à Warner, ils se lanceront en 2023. Dans le courant de l'année prochaine, je pourrai vous en dire plus. En tout état de cause, en raison de la crise des recettes publicitaires et de quelques déplacements de ressources du côté du service public, la SACD a passé la période grâce aux recettes apportées par le nouvel opérateur de vidéo à la demande par abonnement. C'est donc bien tombé !
Les opérateurs ne sont pas tous les mêmes. Il va y avoir, pour les opérateurs étrangers, trois vrais opérateurs de vidéo à la demande dont le métier est la création : Disney, tourné vers le cinéma ; Netflix, tourné vers les séries ; et Warner. Il y en a un quatrième dont on a du mal à appréhender les recettes, c'est Amazon. Et la vidéo, chez Amazon, c'est un peu le « cadeau Bonux » au fond du baril de lessive ! Il est donc très compliqué d'appréhender leurs recettes. C'est la raison pour laquelle j'ai signé avec eux un contrat - Beaumarchais va probablement se retourner dans sa tombe - forfaitaire pour ne pas entrer dans leur système de calcul de la recette vidéo. Le CSA a choisi une autre option, mais elle fera bénéficier Amazon d'une sorte d'effet d'aubaine par rapport aux opérateurs qui, eux, sont vertueux parce qu'ils n'exercent que le métier d'opérateur de vidéo à la demande par abonnement.
La France est la championne de l'obligation ! Le décret sur les services de médias audiovisuels à la demande prévoit que les services de vidéo à la demande devront consacrer au moins 20 % de leur chiffre d'affaires qu'ils réalisent en France à la production cinématographique ou à l'audiovisuel français, obligation portée à 25 % si la plateforme diffuse des films de moins de 12 mois. Aucun autre pays européen ne prévoit une obligation supérieure au taux de 10 %. Les Suisses ont prévu une obligation de dépenser 4 % du chiffre d'affaires pour les productions suisses, mais un référendum d'initiative populaire aura lieu. Nous sommes donc loin devant en matière d'obligations de financement comme de quotas réservés à la diffusion indépendante.
Comment le service public peut-il renforcer son soutien à la production française ? Ensuite, question perfide puisque vous être favorable à une plateforme européenne, que pensez-vous de la plateforme française Salto ?
J'ai eu l'occasion de dire, en effet, que je ne prédisais pas un avenir radieux à Salto. S'il est bon que les chaînes françaises se regroupent pour être présentes sur le numérique, je suis inquiet pour l'alimentation en oeuvres de la plateforme. Je ne suis pas sûr, en effet, que les chaînes françaises, qui sont dans une situation de concurrence, lui réserveront leurs meilleures oeuvres. Face aux grandes plateformes internationales, je crois que la seule solution est la création d'une grande plateforme européenne.
Si les moyens globaux du service public ont été réduits, les moyens consacrés à la création ont, eux, été maintenus. Dans un nouvel élan, il faudrait permettre au service public d'être davantage présent sur le numérique, à l'image des efforts récents faits, à l'initiative de Delphine Ernotte, pour développer la diffusion de cinéma en replay et la programmation numérique sur francetv.fr, à tel point que Canal+ a essayé de limiter le nombre de films en replay sur le site. L'enjeu pour le service public, maintenant que la mise à jour de la réglementation a été faite - et plutôt bien faite, à l'exception du dérapage du CSA s'agissant de la création de langue française -, concerne désormais son financement. Le Gouvernement a fait des annonces positives sur la redevance. L'important est d'augmenter les financements, et non de privatiser le service public, car cela déstabiliserait le paysage audiovisuel français !
Le CSA a signé des conventions avec les plateformes de vidéo à la demande pour les faire participer au financement de notre création. Vous déplorez le manque de concertation. Qu'auriez-vous changé dans ces conventions ? Vous plaidez pour des opérateurs nationaux forts et un renforcement des moyens du service public : n'est-ce pas un combat perdu d'avance dans la mesure où les moyens des grandes plateformes internationales seront toujours immensément supérieurs ?
Je déplore l'absence de concertation. La vérité est que le CSA était un peu hors délai pour signer les conventions par rapport aux délais fixés par le décret... J'aurais fait pour l'audiovisuel ce qui a été fait pour le cinéma. J'aurais notifié le décret. J'aurais gardé le taux de 100 % pour la part consacrée aux oeuvres patrimoniales, et ne l'aurait pas abaissée à 95 % - ce qui revient à garantir une place à Nabilla ! Je n'aurais pas accepté non plus de baisser à 75 % la part des investissements devant être consacrée par les plateformes aux oeuvres d'expression originale française, part qui est de 85 % actuellement pour tous les opérateurs conventionnés. J'aurais aussi accordé une place plus forte à l'animation, aux documentaires et à la diversité des genres.
Un combat perdu d'avance ? Non, car les plateformes mondiales n'ont pas nécessairement un ciblage précis du public français. Si les opérateurs nationaux sont bien organisés, ils peuvent reconquérir l'audience du public, comme l'a fait TF1, qui a reconquis le public avec des oeuvres françaises, alors que la chaîne réalisait auparavant l'essentiel de son audience avec des oeuvres américaines. Nul combat n'est perdu d'avance !
Je n'en ai pas parlé, car je n'y connais rien ! Je sais que les éditeurs y sont hostiles, mais je ne suis pas un spécialiste.
Les groupes concernés possèdent aussi des chaînes de télévision ; un rapprochement pourrait avoir un impact sur la création audiovisuelle.
Oui, il peut y avoir des répercussions : le nouveau groupe concentrant l'édition pourra réserver les meilleurs projets d'adaptation aux chaînes du groupe. Dans l'immédiat, nous sommes préoccupés par les problèmes posés par les plateformes : nous avons soutenu les gouvernements français successifs pour faire en sorte que la loi applicable en matière d'obligations d'investissements soit celle du pays de diffusion, et non celle du pays d'installation. Je veux d'ailleurs rendre hommage à notre Gouvernement, à notre diplomatie, au ministère de la culture, pour leur action. Ils ont réussi à convaincre les autres pays, ce qui n'est pas simple. Nous avons réussi aussi à mieux protéger le droit d'auteur, avec la création d'un droit voisin, et avons obtenu, grâce au soutien du ministre de la culture et du Premier ministre, une transposition ambitieuse de la directive sur le droit d'auteur. Le droit d'auteur et le droit moral ont été renforcés. Je regrette qu'un candidat à la présidentielle ne s'en soit pas rendu compte... La protection du droit d'auteur est meilleure qu'il y a cinq ans.
À l'heure où les concentrations se multiplient dans le secteur, ne faudrait-il pas renforcer les pouvoirs du régulateur qui est le principal interlocuteur de ces acteurs ? Estimez-vous que le CSA, devenu l'Arcom, a mené une mauvaise négociation avec les plateformes, ou bien qu'il n'avait pas les moyens de négocier avec elles ?
C'est une mauvaise négociation ! Le CSA pouvait prendre son temps, comme il l'a fait pour le cinéma, c'est-à-dire notifier le décret, puis laisser la concertation avoir lieu.
Or, soudainement, on a appris que des conventions au rabais avaient été signées, très éloignées des objectifs du législateur. Il faudrait donc plutôt diminuer les pouvoirs du régulateur ! Il faut en tout cas encadrer son action, réduire son pouvoir de modulation des obligations décidées par le Gouvernement ou le Parlement : on ne peut pas diminuer brutalement de 10 % les obligations pour la création en langue française. Celle-ci est le socle de notre culture.
Au fond, vous considérez que les fusions sont naturelles, et que l'essentiel est de réguler pour préserver la diversité et la création française. Vous insistez aussi sur la nécessité de renforcer le service public de l'audiovisuel. Mais la tendance n'est pas celle-là : certains candidats à la présidentielle prônent ouvertement une privatisation, tandis que d'autres n'y voient pas de tabou... Pendant ce quinquennat, les moyens du service public ont fortement diminué, y compris, indirectement, dans la création, puisque la modernisation numérique, pour un montant de 200 millions, a dû être financée sur les fonds propres. La priorité, c'est de cesser d'affaiblir le service public.
Selon vous, la bonne échelle face aux grandes plateformes est le niveau européen, je suis assez d'accord avec vous sur ce point. Que pensez-vous du projet de rapprochement entre Lagardère et Bolloré ? Ce projet n'est pas que capitalistique, mais aussi d'ordre idéologique. Le groupe posséderait 30 maisons d'édition, des chaînes d'information, tout en étant le pilier du financement du cinéma. Si un tel groupe en venait à conditionner la production à la soumission à une certaine idéologie, alors ce serait très dangereux. Quels garde-fous pourrions-nous mobiliser pour prévenir un tel scénario catastrophe ?
La réponse, c'est le pluralisme. François Ozon n'aurait pas pu réaliser son film Grâce à Dieu, sur l'Église, si un opérateur à péage, OCS en l'occurrence, n'avait pas accepté de le financer. Le cinéma français s'est mis dans la main de Canal+, alors qu'il aurait pu trouver d'autres sources de financement. Le Gouvernement a instauré des obligations de financement du cinéma pour les plateformes.
Je ne connais pas le secteur de l'édition, mais des regroupements massifs sont évidemment problématiques ; ils risquent de bloquer les relations entre certains auteurs et les éditeurs. André Rousselet, le fondateur de Canal+, disait qu'il s'était fixé comme principe de ne jamais intervenir dans les programmes.
Mais il l'a tenu ! Un président de chaîne ne doit pas intervenir dans les programmes.
Je vous remercie.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous poursuivons nos auditions de l'après-midi consacré aux auteurs avec l'audition de Mme Cécile Rap-Veber, qui est directrice générale de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) et de M. Hervé Rony, qui est directeur général de la Société civile des auteurs multimédia (SCAM).
La Sacem a été créée en 1851 et est aujourd'hui la plus importante OGC de France centrée sur la musique. Elle rassemble plus de 160 000 membres et Mme Cécile Rap-Veber exerce à la direction générale de la Sacem depuis le 22 octobre 2021.
La SCAM a été créée en1981. Elle a depuis considérablement élargi son champ, qui recouvre désormais les réalisateurs, auteurs d'entretiens, écrivains, traducteurs, journalistes, vidéastes, photographes, illustrateurs et dessinateurs, soit près de 50 000 membres. M. Hervé Rony occupe la direction générale de la SCAM depuis 2010.
Notre commission d'enquête est soucieuse d'évaluer les conséquences des mouvements de concentration dans les médias sur l'ensemble des parties prenantes, et notamment sur les auteurs à l'origine de tous les contenus. Nous sommes donc très intéressés d'entendre votre analyse sur cette question spécifique de la concentration.
Je vous laisserai la parole huit minutes chacun. Je serai assez strict sur le temps pour que nous puissions par la suite vous poser des questions, et en premier lieu, celles du rapporteur.
Cette audition est diffusée sur le site Internet du Sénat. Elle fera également l'objet d'un compte-rendu, qui sera publié. Je rappelle qu'un faux témoignage devant notre Commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 14 et 15 du Code pénal, et je vous précise également qu'il vous appartient, le cas échéant, d'indiquer vos éventuels liens d'intérêt ou conflits d'intérêt en relation avec l'objet de la commission d'enquête.
Je vous inviterai successivement à prêter serment et de dire toute la vérité, rien que la vérité en levant la main droite et en disant « je le jure ». Je commence par vous, madame Rap-Veber.
Toute la vérité, rien que la vérité, je le jure.
Toute la vérité, rien que la vérité, je le jure.
Je vous remercie. Je vous donne donc la parole pour huit minutes, Mme Rap-Veber.
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président et monsieur le rapporteur. Je me permets juste de vous indiquer que je suis venue accompagnée de notre directeur général adjoint, David El Sayegh. Je le précise car la situation avec M6 présente deux aspects : un aspect contractuel, sur lequel nous reviendrons sous peu, et un aspect contentieux. Les deux sont extrêmement liés, car nous sommes confrontés à une situation très complexe. Les deux grands télédiffuseurs que sont TF1 et M6 ont rompu à leur initiative les contrats qu'ils avaient signés avec les sociétés d'auteurs, chacun à un an d'intervalle. Tous les accords contractuels entre la Sacem et le groupe TF1 ont été renégociés et resignés dans le respect des droits d'auteurs. La procédure contentieuse qui avait été engagée par TF1 a été retirée.
Nous attendions donc la même attitude de la part de M6, compte tenu du fait que ces deux groupes seraient bientôt associées. Malheureusement, une mise en demeure envoyée à l'ensemble de sociétés d'auteurs nous a fait comprendre la volonté de M6 de renégocier à la baisse l'ensemble des taux. La France étant un pays de libre négociation contractuelle, la discussion entre contractants est compréhensible. Cependant, le cas présent souligne une menace, car une procédure contentieuse est en cours, qui porte sur plusieurs millions d'euros. M6 nous demande de baisser notre rémunération future en contrepartie du fait qu'ils abandonnent leurs actions judiciaires.
Évidemment, nous nous devons de réagir face à une telle pression judiciaire. La Sacem est composée de 180 000 membres, ainsi que de créateurs et d'éditeurs de musique. Nous représentons des réalisateurs de documentaires musicaux, de clips et de concerts, des auteurs, des poètes et des auteurs de doublages et de sous-titrages. De ce fait, que les oeuvres soient françaises ou écrites par des créateurs du monde entier, nous avons mis en place des accords de représentation. L'une des particularités de la Sacem est qu'elle représente le répertoire mondial dans le cadre des contrats négociés avec M6.
Le poids de notre répertoire est très important et les règles sont les mêmes pour tous les télédiffuseurs. Nos conditions sont publiques et peuvent être consultées sur notre site internet.
Nous éprouvons des difficultés à trouver un accord avec M6, qui exige de payer un montant inférieur aux autres chaînes, et notamment à son futur partenaire. Quand ils auront fusionné, ils seront tentés d'étendre la négociation la plus avantageuse aux deux partenaires.
La Sacem comprend le besoin des télédiffuseurs de se renforcer face à une concurrence accrue des nouvelles plateformes. Personne d'autre que la Sacem ne peut mieux comprendre les problèmes liés au téléchargement et au streaming. De ce fait, nous comprenons le besoin de fusion ; elle ne doit cependant pas avoir lieu au détriment du respect du droit des créateurs. Je propose à M. El Sayegh d'aborder le volet judiciaire.
Avant de donner la parole à M. El Sayegh, je vous demande de prêter serment.
Toute la vérité, rien que la vérité, je le jure.
La vérité est également judiciaire. La possibilité de renégocier des contrats avec des sociétés d'auteurs n'est pas acceptable lorsque deux acteurs sont appelés à fusionner et à devenir, à terme, le principal groupe de l'audiovisuel privé financé par la publicité.
Si la fusion se confirme, l'audiovisuel français s'articulera autour de trois pôles : le groupe M6/TF1, le service public et la télévision payante avec Canal +.
Le premier contentieux a été initié à la fin de l'année 2018 par les sociétés du groupe M6 ; ces chaînes sont accessibles uniquement par le biais du câble et du satellite.
En octobre 2020, M6 a résilié l'ensemble de ses contrats, avec une prise d'effet au 31 décembre 2021. Depuis le 1er janvier 2022, les sociétés du groupe M6 ne possèdent plus de contrat avec la Sacem et, il me semble, avec les autres sociétés d'auteurs.
M6 soutient que, lorsque le signal des chaînes de télévision de son groupe est porté par un opérateur, ces chaînes ne réalisent pas un acte de communication publique. À ce titre, elles ne doivent payer aucune rémunération aux sociétés d'auteurs.
Or l'ADN d'une chaîne de télévision est de diffuser son programme auprès d'un public, quelle que soit la manière dont le programme est acheminé. Les signaux sont reçus par le biais de la TNT, d'Internet et par l'injection directe. M6, comme toutes les autres chaînes, réalise la transmission de ses programmes par la technique de l'injection directe et réalise donc un acte de communication publique. La chaîne doit par conséquent verser des rémunérations à la Sacem.
Jusqu'au 31 décembre 2021, les contrats prévoyaient expressément que les sociétés du groupe M6 s'engageaient à verser ce droit de communication publique. Par ailleurs, depuis avril 2019, la directive « Câble Satellite » n°2, transposée au droit interne par une ordonnance en juin 2021, détermine que lorsqu'une chaîne de télévision passe par le truchement d'un opérateur pour véhiculer ses programmes, elle se doit d'obtenir une autorisation de la part des titulaires de droits. Cette directive n'est pas une novation en termes juridiques, mais contient un principe de clarification à la suite de jurisprudences contradictoires de la Cour de justice de l'Union européenne.
Il n'existe donc aucun argument juridique valable pour éluder le paiement des droits des créateurs de la part d'une société appelée à devenir l'acteur majeur de l'audiovisuel privé financé par la publicité.
Je dois vous interrompre, car nous avons dépassé les huit minutes. Je donne la parole à M. Rony.
Merci monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs et sénatrices de nous recevoir. Je souhaite élargir le sujet de la concentration des médias, car il ne concerne pas que TF1 et M6.
Nous sommes présents dans de multiples répertoires, ce qui nous place dans une position de connaisseurs du domaine de l'audiovisuel comme des problématiques de la presse et de l'écrit. Nous représentons des milliers de journalistes et de documentaristes. L'information est au coeur des préoccupations de la SCAM.
Nos préoccupations principales sont liées aux opérations de concentrations en cours, au respect du droit d'auteur et au monde du livre, dans le cadre des opérations menées par le groupe Vivendi.
Nous considérons que le dispositif de la loi de 1986, qui reste adapté pour les médias traditionnels, ne l'est plus compte tenu de la dimension internationale et numérique d'un grand nombre de diffuseurs. Nous devons envisager la réforme de cette loi pour en renforcer les principes et réfléchir à la possibilité de traiter le sujet au niveau européen. De fait, les thèmes abordés sont transfrontaliers. La loi de 1986 ne pourra être modifiée qu'en y associant l'Union européenne.
Ce sujet est d'autant plus important que la question du périmètre des dispositifs anti-concentration dans les médias est assez difficile à gérer. Les réseaux sociaux empiètent sur le domaine de l'information et sont à l'origine de problèmes de déontologie considérables. C'est le problème principal auquel nous avons affaire dans nos sociétés démocratiques.
Le dispositif anti-concentration est désormais obsolète. Une actualisation des dispositifs est nécessaire.
Le Media Freedom Act est un projet de texte de l'Union européenne attendu pour 2022 et qui permet une refonte de ces règles. Il offre des possibilités de consultations et d'échanges intéressants.
Nous ne sommes en principe pas opposés au rapprochement entre deux acteurs majeurs. Nous sommes conscients du fait que les sociétés françaises doivent se renforcer face aux mastodontes internationaux que sont Amazon et Netflix, entre autres. J'inclus également les réseaux sociaux, car ceux-ci agissent comme s'ils étaient des médias, alors qu'ils n'en sont pas.
La SCAM comprend les raisons qui poussent les actionnaires de TF1 et de M6 à souhaiter se rapprocher. Mais, ils deviendront le premier pourvoyeur de droits à la SCAM, devant France Télévisions, ce qui est une conséquence qui appelle notre vigilance. À date, les négociations avec M6 sont au point mort. Nous ne pouvons pas accepter une baisse drastique de nos droits.
Par ailleurs, il est important de veiller à ce que le rapprochement entre ces deux sociétés n'entraîne pas une dérégulation accentuée du paysage audiovisuel. Depuis la création de M6, Nicolas de Tavernost n'a cessé de déclarer que le mode de régulation français empêche l'émergence d'un grand groupe français capable de rivaliser avec d'autres grands groupes européens. Or la régulation a porté ses fruits et ne peut pas être rendue coupable de l'échec de la mise en place d'un groupe audiovisuel puissant.
Par ailleurs, le rapprochement du groupe Vivendi et de Lagardère met en danger le pluralisme et la liberté d'information. Il est important d'être attentifs aux conséquences sur le pluralisme de l'information et au fait que l'indépendance des rédactions doit être renforcée.
La commission des journalistes de la SCAM a signé un document public initié par le collectif Informer n'est pas un délit, lequel propose le renforcement d'un statut juridique des rédactions pour en assurer une meilleure indépendance, la création d'un délit de trafic d'influence en matière de presse et de meilleures garanties pour la protection de l'honnêteté, de l'indépendance et du pluralisme.
De plus, la SCAM adresse des droits à des milliers d'écrivains. De ce fait, je suis très attentif au sujet de la fusion entre Editis et Hachette. J'ai constaté que le syndicat professionnel SNE a publié son propre communiqué pour exprimer ses inquiétudes. Nous partageons ces inquiétudes et devons nous assurer qu'aucune reprise en main éditoriale de collections n'ait lieu dans le domaine de l'édition.
Merci M. Rony. Je donne la parole à notre rapporteur, M. David Assouline, pour une première série de questions.
Les lois de 1986 sont obsolètes, notamment du fait des concentrations verticales, qui n'étaient pas prévues à l'époque. Il est donc important de retravailler la question des concentrations, ne serait-ce que pour y inclure les éléments qui n'étaient même pas envisagés à ce moment-là.
Nous pouvons réfléchir à l'éventualité d'assouplir les lois pour permettre les concentrations, et ainsi permettre la création de plus de chaînes. D'autres préféreront aménager les lois pour empêcher que des monopoles se constituent et étouffent les autres.
Quel est, selon vous, le meilleur choix ?
Il me semble que les concentrations verticales sont souvent plus inquiétantes que les concentrations horizontales. Nous sommes attachés à une production audiovisuelle indépendante et forte. Les rapprochements entre producteurs sont admissibles. Je prône une production indépendante forte composée de nombreux acteurs, mais je constate également que quand les entreprises indépendantes sont de trop petite taille, elles ne possèdent pas de fonds propres suffisants. Si un producteur dispose de plus de moyens pour investir, il bénéficiera de plus de possibilités.
En revanche, les producteurs dont l'actionnaire principal est un des principaux diffuseurs français peuvent être confrontés à un problème. C'est pourquoi j'ai toujours estimé que les concentrations verticales sont les plus malsaines.
Nous devons envisager les concentrations horizontales, car le sujet des seuils d'audience et de couverture potentielle sont désormais complexes. Une chaîne de télévision peut faire l'objet d'une audience linéaire faible et obtenir d'excellents résultats par le biais du numérique.
Nous devons assurer l'indépendance au sein de la filière et faire en sorte que certains acteurs ne soient pas contrôlés par d'autres. En parallèle, nous devons mener une réflexion sur le bassin d'audience et sur l'influence qui peut être exercée sur le public. Évidemment, il est préférable qu'un plus grand nombre d'acteurs possible assure un rôle dans l'information et la création.
Je suis très prudent sur le sujet de la concentration verticale, car je considère qu'elle donne aux acteurs le pouvoir d'agir comme bon leur semble.
Dans votre introduction, vous avez évoqué le fait que vous soutenez une proposition visant à permettre l'indépendance par le biais du renforcement du statut juridique des rédactions. En vérité, les événements que vous redoutez ont déjà lieu. Les problèmes sont très concrets : la rédaction d'Europe 1 a été renvoyée.
Vous avez raison : certains éléments nous inquiètent et je partage probablement certaines de vos préoccupations. Nous avons vécu des difficultés dans un passé récent, et nous les connaissons encore avec le groupe Vivendi.
Je ne fais pas de procès d'intention dans l'absolu. Je me méfie toujours des jugements hâtifs. En revanche, il est évident que des indices de dysfonctionnements sont à l'origine de nos inquiétudes. Mais nous souhaitons renforcer les règles existant au sein des rédactions pour en garantir l'indépendance, pour limiter les possibilités d'interventionnisme des actionnaires et de leurs représentants et pour garantir la participation active des rédactions.
Une telle initiative a été prise dans la rédaction du journal Le Monde. Nous devons structurer des règles que certains organes de presse ont adoptées afin qu'elles deviennent la norme pour toutes les rédactions.
Certains actionnaires interviennent peu ; d'autres interviennent trop. Actuellement, la nature des interventions au sein du groupe de Vincent Bolloré est un motif de préoccupation.
Je rappelle que Patrick Bloche avait tenté de mettre en place une législation, qui n'avait pas abouti de facto à des résultats concrets.
J'ai déposé trois projets de loi sur le sujet. Patrick Bloche a mené une discussion et a fait adopter un projet de loi qui a apporté certaines améliorations, même s'il n'est pas parvenu à établir un statut juridique. De nombreux acteurs s'y sont opposés, notamment dans la presse écrite, parce qu'ils considèrent qu'ils éditent une presse d'opinion et que la clause de conscience suffit.
Or le secteur de l'audiovisuel ne fonctionne pas de la même façon, car il n'est pas composé de chaînes et de radios d'opinion. Les agréments menés par l'Arcom et par le CSA sont différents.
Pendant votre temps de parole, vous avez choisi de plaider sur votre différend avec M6 et Nicolas de Tavernost. Si la fusion se concrétise, nous devrons nous intéresser à la politique adoptée dans le futur. Cela est d'autant plus important que selon les informations dont nous disposons, Nicolas de Tavernost sera le président du groupe.
Vous n'avez pas dévoilé votre point de vue sur les mouvements de concentration et leurs conséquences pour la Sacem. Quels sont vos garde-fous, quelle est votre vision et quelles régulations envisagez-vous ? Par ailleurs, la publicité audiovisuelle est traditionnellement une source de revenus importante pour la musique. Sachant que la publicité en ligne est de plus en plus présente, quelles actions vous semblent être les plus appropriées ? Quelles régulations doivent être mises en place pour préserver les sources de revenus de vos membres ?
Tout d'abord, je tiens à vous expliquer les motifs pour lesquels j'ai choisi de consacrer ces huit minutes à ce sujet. La musique ne vit que de la gestion collective. Nous ne possédons pas de budget de production en amont.
Par ailleurs, il est de plus en plus souvent demandé aux créateurs de fournir des bandes de diffusion masterisées et prêtes à être diffusées au cinéma. Les producteurs et les diffuseurs demandent souvent à recevoir 50 % des droits d'auteur, sous prétexte qu'ils seraient diffuseurs de l'oeuvre et en feraient la promotion. La captation d'une partie des droits a tendance à réduire la rémunération des créateurs.
Je ne suis pas en train de dire que M6 a recours à ces procédés. Nous menons également des conversations très soutenues avec cette chaîne et je ne sous-entends pas que M6 refuse d'entamer des négociations. En revanche, nous avons besoin d'aboutir à un accord.
M6 a été conventionné par l'ancien CSA en tant que groupe qui doit principalement diffuser de la musique sur ses antennes. Le succès de M6 est principalement dû à l'intelligence de ses dirigeants.
La musique fait partie de leur ADN. Si je vous dévoile notre difficulté à négocier avec eux, c'est parce qu'ils constituent une part majeure des revenus de télédiffusion pour les compositeurs et les éditeurs de musique.
L'accord avec M6 nous tient à coeur. Le groupe doit respecter ses obligations vis-à-vis de la place de la musique sur W9 et M6. Cet élément est fondamental pour la Sacem lorsque le sujet de la fusion est abordé.
La France peut s'enorgueillir de promouvoir la diversité, d'autant plus quand elle est culturelle. Je ne suis pas vraiment inquiète sur le fait que la musique sera toujours diffusée, car elle est profondément attachée à l'intégralité des programmes. Même la publicité est constituée de musique. Cependant, certaines personnes ont tendance à oublier l'importance de la musique dans leurs programmes.
Face à des mastodontes du numérique, et sachant que les consommateurs peuvent tout obtenir à la demande, nous devons nous demander si le public souhaite que de nombreuses chaînes subsistent. Il préfère peut-être une offre numérique variée. La fusion a également pour objectif de proposer une offre délinéarisée très forte face à Netflix et Amazon.
Dans ce contexte, nous perdons complètement les bases établies pour les revenus, et je dois dire que cette règle s'applique pour l'ensemble des médias télévisuels. Les problèmes sont les mêmes pour Arte et France Télévisions. De fait, une part très faible des revenus sont alloués sur le numérique. Les groupes ont tendance à appliquer la majorité de leurs revenus sur le linéaire et réservent une partie bien plus faible au délinéarisé.
De nombreuses publicités ont été transférées sur le numérique. Pourtant, la vente de l'espace est extrêmement faible. Les montants ne sont pas du tout comparables à ceux appliqués pour des espaces publicitaires en prime time sur les chaînes.
Certains groupes expliquent à la Sacem qu'il leur faut devenir plus puissants pour faire face à Netflix et à Amazon. Ils demandent à bénéficier d'une offre délinéarisée la plus complète possible. En contrepartie, ils déclarent manquer de budget, alors que développer ce type d'offre est extrêmement coûteux. Ils demandent donc à payer moins de droits et à devenir l'équivalent de Netflix, sans payer les mêmes montants que Netflix. Les plateformes proposent des millions de contenus, alors que la rémunération est divisée par 100 dans le délinéarisé.
Si nous prenons en compte le fait que les flux linéaires diminuent et que la consommation est désormais principalement délinéarisée, tous les créateurs de musique disparaîtront. Nous faisons face à une situation inextricable, parce que nous ne sommes pas associés aux budgets de production de la même façon que d'autres répertoires.
Nous avons besoin d'être assurés du fait que nos répertoires restent présents sur les chaînes linéaires et qu'un montant minimum par visionnage ou par écoute soit mis en place pour que la rémunération du numérique intéresse les créateurs. Actuellement, aucun créateur ne peut vivre s'il est rémunéré uniquement sur la base des revenus publicitaires issus du délinéarisé.
Notre rapporteur a souligné à plusieurs reprises le sujet sur le pluralisme et l'indépendance, et un aspect plus risqué, qui est celui que nous évoquons depuis le début de l'après-midi, et qui concerne le poids engendré par ces concentrations sur les négociations.
Dans cette maison, nous abordons quotidiennement le thème du libéralisme régulé. M. El Sayegh a présenté de façon claire, limpide et juridique, ce que nous devons considérer comme une négociation d'affaires. Elle n'est absolument pas liée à la politique, à l'influence ou au libéralisme. Ce dont nous parlons n'est rien d'autre que du business.
Un point important doit nous rendre optimistes : Paul McCartney est parvenu à récupérer une grande partie des droits des Beatles. Ils avaient à l'époque été capturés, et j'emploie volontairement ce mot, par Michael Jackson et par Sony. Paul McCartney a réussi à récupérer une grande partie de ces droits parce que des règles de droit existent aux États-Unis et qu'il y a consacré des moyens juridiques importants.
Quelles sont, selon vous, les voies et moyens pour apporter une régulation, et quel est, dans ce cas, le rôle de l'Arcom, acteur que nous avons récemment porté sur les fonts baptismaux et que nous aimerions entendre sur ce sujet ?
Par ailleurs, comment faire pour que la France s'enorgueillisse de défendre les droits d'auteurs ?
Avant de donner la parole à M. David El Sayegh, je tiens à souligner que M6 a intenté un procès à la plateforme Molotov, qui distribue, sans droits ni titres, les programmes et les contenus des créateurs. Selon M6, seul le titulaire de droits peut déterminer l'usage et le prix de ses droits.
Il est formidable de constater que M6 décide des prix et des conditions de ses programmes, alors que quand il s'agit de sociétés de droits d'auteurs, ils dictent leurs prix et les conditions. M6 devrait appliquer à elle-même les règles qu'elle souhaite faire appliquer aux autres.
Dans toute opération de concentration, des engagements sont demandés à ceux qui se renforcent. Cela a été le cas lorsque Universal a racheté EMI. Universal s'est engagé à céder une partie du catalogue, à ne pas débaucher les artistes pour constituer un pôle monopolistique, à respecter les droits d'autrui et des artistes. L'opération n'a pas été validée tant que ces engagements n'avaient pas été retranscrits et clarifiés.
Notre demande est tout à fait semblable à celle que je viens de mentionner. Nous savons que l'Arcom, grâce à la nouvelle loi que vous avez fait voter, dispose d'une capacité d'intervention auprès des acteurs traditionnels.
Or les droits d'auteurs ne sont pas respectés. L'Arcom dispose d'une base juridique qui lui permet d'intervenir. De même, les autorités de régulation, et principalement l'Autorité de la concurrence, peuvent intervenir.
L'enjeu principal de la fusion entre TF1 et M6 concerne les engagements pris en contrepartie du bonus octroyé par le législateur. Les plateformes paient les droits d'auteurs. Si Netflix et Disney décidaient de ne plus payer les droits à la Sacem, l'indignation serait généralisée.
Le groupe ne doit pas bénéficier d'un cadre plus clément que ces plateformes. Nous espérons que l'Arcom assurera ses fonctions et mérite notre confiance.
Actuellement, nos dialogues sont au point mort avec M6. Nous n'inventons pas des conditions d'intervention selon notre bon vouloir. Nous sommes nous-mêmes soumis au droit de la concurrence et aux fourches caudines de Bruxelles.
Nous demandons de traiter M6 comme les autres acteurs, qui ont accepté le prix du marché tel qu'il a été fixé. Les conditions dans lesquelles la rémunération des droits d'auteurs doit être calculée sont connues de tous.
Je pense donc que l'Arcom peut intervenir juridiquement. Les tribunaux interviendront si la situation n'évolue pas. Nous plaiderons d'ailleurs sur le premier dossier le 14 janvier 2022 et je suis très serein. Si nous perdons en première instance, nous irons jusqu'au bout. Si nous devons recourir à la Cour de justice de l'Union européenne, nous le ferons. Il est hors de question de brader les droits de nos créateurs.
Merci monsieur le président. Nous menons aujourd'hui un travail visant à trouver l'équilibre entre la concentration, la liberté d'expression et le système économique. Nous devons atteindre l'équilibre économique, même si certains investisseurs ne cherchent pas à atteindre la rentabilité.
Que pouvez-vous dire de vos relations avec les autres acteurs ? Comment définissez-vous vos relations avec l'audiovisuel public ? Vous avec mentionné les grandes plateformes internationales ; c'est un marché nouveau et leur potentiel est important. Que représentent-elles actuellement ?
Certaines concentrations ont déjà été concrétisées. Comment travaillez-vous avec le groupe TF1 ? Traitez-vous avec ce groupe d'une façon globale, ou discutez-vous en parallèle avec les différentes chaînes du groupe TF1 ?
Vous avez également évoqué les possibles fusions dans la presse et les radios. Pouvez-vous nous présenter des exemples précis pour lesquels l'expression démocratique a été remise en question ?
Même si nous envisageons de nombreux scénarios, ce sont les lecteurs des journaux, les auditeurs des radios et les téléspectateurs qui, in fine, sont les véritables décideurs. M. David El Sayegh a cité l'exemple d'une radio. Les résultats ont récemment été divulgués ; ils prouvent que le public est le véritable baromètre du succès d'un média.
Merci M. le Sénateur, je propose de répondre aux premières questions. Nous passons un temps conséquent à revoir nos accords avec l'ensemble des groupes, parce que de nouveaux modes d'exploitation et de nouvelles chaînes apparaissent. Nous maintenons une relation régulière avec l'ensemble des médias.
Nous avons vécu avec Canal + en 2017. Ce groupe a décidé, du jour au lendemain, d'arrêter de payer les droits d'auteurs. Leur décision a été d'une violence absolue, parce qu'en tant que seule chaîne privée payante, elle était une source de revenus très importante pour l'ensemble des sociétés d'auteurs. Au fur et à mesure des discussions, nous sommes parvenus à faire entendre raison à Canal + et avons mis en place des accords qui respectent parfaitement les droits d'auteurs.
Une négociation globale est menée avec le groupe TF1. Elle prend en compte la présence sur le temps d'antenne de nos oeuvres, suivant les différentes chaînes. Notre mode de fonctionnement est d'ailleurs le même avec M6 et France Télévisions.
Trois sources principales de revenus se profilent, hors période de Covid-19. Ces trois sources de revenus seront les manifestations publiques, les télédiffuseurs et le numérique. Or, nous sommes confrontés à un problème que vous avez résumé à la fin de votre intervention. De fait, le public est, in fine, le seul décideur. Je peux vous annoncer que 92 % des visionnages sont consacrés à du contenu étranger.
Les télédiffuseurs publics ou privés nationaux sont encore très importants en France, et en cela, ils constituent une différence notable avec d'autres pays en Europe. Notre télévision est d'une qualité supérieure à celle de nombreux territoires. De nombreux contenus sont le résultat de créateurs qui sont membres de nos sociétés d'auteurs. Nous parvenons donc à rémunérer la création française et à participer à la démocratie, qui est liée à la diversité des créations.
Les plateformes n'imposent pas de découvrir un certain type de contenu. Elles proposent au consommateur de regarder le programme qui l'intéresse. Le public est ainsi tenté d'opter pour des créations étrangères. Les sommes ont tendance à augmenter, mais sont envoyées à l'étranger. Les télédiffusions, quant à elles, ont à coeur de participer à la création locale ; c'est aussi une obligation à laquelle ils doivent se plier. Cette initiative permet de maintenir une partie de la création en France et de défendre les droits d'auteurs et la création locale.
La réunion de TF1 et de M6 rendra la négociation des droits d'auteurs plus difficile. La relation avec les services publics est sans commune mesure, car ils ont intégré les droits d'auteurs dans leur ADN. J'en profite pour vous demander, messieurs et mesdames les Sénateurs, de faire tout votre possible pour doter France Télévisions de moyens suffisants pour garantir la création locale. C'est le seul moyen de faire en sorte que le service public soit capable d'affronter la concurrence des plateformes.
Certains médias audiovisuels ont décidé de changer d'attitude et de privilégier certaines opinions. Il est difficile de placer le bon curseur entre le journalisme d'opinion et le journalisme qui décrit une situation et dévoile les faits de manière objective et honnête. Nous percevons une dérive dans ce pays vers des médias qui véhiculent une certaine opinion, ce qui impacte la vie démocratique.
Deux autres chaînes sont également importantes pour nous, alors qu'elles sont marginales d'un point de vue économique : Ushuaïa et Histoire. Elles sont rattachées au groupe TF1 et M6, et sont fondamentales pour les documentaristes. Si elles disparaissent, des dizaines de documentaristes qui ne vivent que grâce à elles seront menacés. Nous en avons parlé au CSA. Nous ne pouvons pas résumer la fusion à la seule opération de la TNT gratuite.
La question de l'indépendance des rédactions est importante. Il me semble légitime d'harmoniser la protection et l'indépendance des rédactions de presse écrite et de la presse audiovisuelle.
Les chaînes de télévision qui reçoivent une autorisation d'émettre par une Convention s'engagent en termes de création et de niche. Les chaînes d'information s'engagent à respecter le pluralisme, la lutte contre les discriminations, la concorde nationale, la paix civile, le respect des minorités entre autres. Si les journaux d'opinion existent, le concept de chaînes d'opinion n'existe pas en France. Nous devrons clarifier ce point pour que le pluralisme de l'information ne soit pas mis en danger sur les chaînes en continu auxquelles le public a accès. Les radios sont également sujettes à ce type d'évolutions, que nous ne pouvons pas accepter. Nous devons remettre de l'ordre et de la cohérence dans ce scénario en mutation.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 16 h 50.