Intervention de Christophe Deloire

Commission d'enquête Concentration dans les médias — Réunion du 14 janvier 2022 à 10h30
Audition de M. Christophe delOire directeur général de reporters sans frontières rsf

Christophe Deloire, directeur général de Reporters sans Frontières (RSF) :

Il faut faire évoluer le droit, mais, à droit constant, le CSA peut et doit faire beaucoup plus que ce qu'il fait aujourd'hui. J'imagine mal que le législateur ait confié au CSA des compétences uniquement théoriques en matière de vérification de l'indépendance éditoriale, de l'honnêteté de l'information et du pluralisme.

J'ai le plus grand respect pour le CSA, devenu l'Arcom, et pour son président, mais sur ce point il doit faire beaucoup plus. C'est même la responsabilité de l'Arcom de le faire.

En cas de fusion entre TF1 et M6, le groupe comptabiliserait 52 % des audiences en soirée, 62 % à la mi-journée et 75 % de la publicité audiovisuelle. Cependant, il ne faudrait pas commettre l'erreur de placer cet ensemble sur le même plan que les plateformes numériques. Certes, la captation de la publicité par ces dernières met en péril les médias, mais le législateur doit, dans le traitement de ces questions, et dans la ligne des législations numériques européennes que sont le Digital Markets Act (DMA) et le Digital Services Act (DSA), prendre en considération le fait qu'il existe deux types d'acteurs différents.

On trouve, en effet, d'un côté, des entités structurantes, qui organisent la distribution de l'information et créent les normes de l'espace public. Ce sont aujourd'hui les plateformes numériques, auxquelles il est d'autant plus important d'imposer des obligations fortes que nous leur avons délégué, d'une certaine manière, cette organisation du fait de l'évolution technologique. L'équivalent pour le numérique de la loi du 2 avril 1947, dite « loi Bichet », adoptée par le Parlement, est ainsi décidé par Mark Zuckerberg. Ces plateformes ont, en outre, remplacé la justice, parce qu'elles appliquent leurs propres règles - Facebook a même sa cour suprême - ainsi que les organes de régulation, puisque ce sont elles qui affectent les subsides à telle ou telle organisation, et que, contrairement à l'administration, elles ne le font pas selon des critères non discrétionnaires. Il s'agit d'un danger majeur.

De l'autre côté se trouvent ceux qui agissent dans l'espace public, c'est-à-dire les médias, qui sont exposés à un problème de concurrence déloyale. L'enjeu est de tenir compte de l'ensemble du champ de l'information, et non de s'en tenir à un secteur délimité, ce qui ne serait pas très pertinent sachant que les vidéos qui circulent sur les réseaux sociaux viennent de toutes parts.

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