Intervention de Claude Chailan

Mission d'information Développement de l'herboristerie — Réunion du 24 mai 2018 à 16h30
Audition de m président. claude chailan délégué filière plantes à parfum aromatiques et médicinales ppam de franceagrimer et de Mme Alix Courivaud chef du pôle marchés à la direction marchés études et prospective de franceagrimer

Claude Chailan :

Merci madame la Présidente. Nous allons vous dresser un panorama de la filière plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM) en France et dans d'autres pays.

Tout d'abord, FranceAgriMer est issu de la fusion en 2009 des anciens offices agricoles et de l'office de la mer. Il assure trois missions principales : éclairer les filières avec des études, une mission de concertation avec ces professionnels, FranceAgriMer étant administré par onze conseils spécialisés interprofessionnels qui rassemblent producteurs, transformateurs et distributeurs et un conseil d'administration également interprofessionnel, et enfin accompagner les productions agricoles. Pour cette dernière mission, FranceAgriMer a déployé l'année dernière 800 millions d'euros d'aides dont 60 % au titre de fonds européens, de l'OCM (organisation commune du marché) viticole notamment, et 40 % au titre de fonds nationaux.

Le siège de FranceAgriMer est à Montreuil-sous-Bois en Seine-Saint-Denis. Environ 370 agents sont basés dans les régions auprès des directions régionales de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt (DRAAF). S'y ajoutent 3 délégations nationales, basées à Libourne, à la Rochelle et à Volx, à côté de Manosque.

Cette dernière, qui emploie cinq personnes, est dédiée à la filière PPAM sur le territoire métropolitain. Elle dispose d'un budget d'intervention d'environ deux millions d'euros d'aides nationales attribuées pour des programmes d'investissements des producteurs et la première transformation, au soutien de l'organisation technique, notamment le conservatoire national que vous avez entendu ce matin, ou les instituts techniques, et enfin pour les organisations économiques, principalement les coopératives.

Si nous travaillons pour toute la filière, nous sommes spécialisés sur les aspects de production et de première transformation.

Pour en venir à la filière PPAM, il existe en France des bassins de production majeurs, notamment dans le Sud-Est pour la culture du lavandin et des plantes aromatiques, en Champagne-Ardenne, dans le Centre et dans l'Ouest pour la culture des plantes médicinales qui concernent le pavot et les oeillettes pour l'extraction de la morphine ainsi qu'une production de plantes médicinales dans la région angevine. Cette production de plantes médicinales a d'ailleurs la caractéristique d'être assez répandue sur tout le territoire.

La production des PPAM en France est en nette croissance ces dernières années. L'évolution de la production depuis 2010 marque une croissance supérieure à 40 %, avec une extension très importante des plantes aromatiques et, dans une moindre mesure, des plantes médicinales. Il faut cependant nuancer cette distinction entre plantes aromatiques et plantes médicinales dans la mesure où les plantes ont souvent plusieurs usages.

Pour entrer dans le détail de la répartition de la production, il y a de l'ordre de 120 espèces cultivées en France, ce chiffre s'établissant à près de 300 espèces quand on compte les plantes qui sont simplement cueillies.

Ces plantes sont produites de diverses façons, sont transformées de diverses manières et donnent naissance à des produits différents. L'huile essentielle de lavande n'a par exemple rien à voir avec la fleur de la lavande ! C'est pourquoi les producteurs proposent plus de 1 500 produits, témoignant d'une réelle diversification de l'offre de la filière.

Il est très complexe d'avoir une vision globale de la production française face à la concurrence internationale car le périmètre des PPAM est très large. Il y a des productions exotiques dans certains pays très gros producteurs comme l'Inde ou la Chine qui ne peuvent être produites en France. Toutefois, la France est un producteur important au niveau mondial pour certaines espèces. En regardant les chiffres assez précis des huiles essentielles qui permettent de réaliser une comparaison internationale, la France est par exemple productrice de lavandin, production en forte croissance puisque la dernière récolte a atteint le chiffre record de 1 500 tonnes.

Environ 12 % de la production de PPAM est cultivée en agriculture biologique. Là aussi ce chiffre est en augmentation, suivant l'augmentation globale de la production de la filière. C'est une proportion assez importante si l'on se réfère à d'autres productions agricoles. Il y a toutefois un déficit de production biologique compte tenu de l'état de la demande sur le marché.

Si l'on observe les signes officiels de qualité et de l'origine, il existe un label rouge pour les mélanges d'herbes de Provence, représentant environ 20 tonnes de production. Au niveau organoleptique, je peux vous assurer que cela n'a rien à voir avec ce que l'on peut trouver ailleurs. Il y a également une appellation d'origine protégée sur l'huile essentielle de lavande de Haute-Provence, l'une des rares non-alimentaires d'ailleurs, et depuis cette année, une indication géographique protégée « Thym de Provence ». Des démarches qualité sont également à noter, en particulier la démarche CENSO promouvant la traçabilité et le développement durable, créée par le comité interprofessionnel des huiles essentielles françaises (CIHEF) qui est la seule interprofession reconnue dans le secteur des PPAM.

Quand on parle de filière PPAM, cela n'a pas vraiment de sens puisqu'il n'y a pas une filière mais une multitude de petites filières avec des usages très diversifiés. Il y a d'abord la transformation de plantes sèches dans le but de répondre, in fine, aux usages liés à l'herboristerie ou pour aboutir à des compléments alimentaires. Ces derniers ont connu une diversification de la production très importante ces dernières années. On recense environ 1 000 demandes par mois de nouveaux compléments alimentaires, dont 80 % sont à base de plantes. Il y a aussi toute une partie issue de l'extraction alcoolique pour les teintures mères, les infusions, les extraits végétaux utilisés dans les médicaments homéopathiques ou dans les cosmétiques. Les huiles essentielles peuvent également être retravaillées afin d'en retirer certains composants par déterpénation ou traitement chimique. Elles sont alors utilisées dans les médicaments ou l'aromathérapie dont la demande a également explosé ces dernières années. Le marché des parfums et arômes issus des plantes sont des marchés davantage matures qui n'évoluent plus trop dans les pays occidentaux.

Il y enfin des extractions plus techniques faites avec des solvants notamment pour faire des concrètes, qui sont des pâtes parfumées particulièrement à partir de fleurs comme la rose ou le jasmin, ou, par extraction sélective, pour isoler des molécules pour des médicaments phytothérapeutiques ou des médicaments allopathiques. En résumé, il existe tout un tas de filières avec des usages et des destinations très diversifiés.

Une des spécificités françaises réside dans le fait que, le plus souvent, le producteur fait lui-même la première transformation, alors que dans d'autres pays, la transformation, que ce soit le séchage ou la distillation, est plutôt réalisée par des entreprises distinctes des producteurs.

La deuxième étape de la chaîne, ce sont les grossistes : herboristes pour les plantes séchées, négociants pour les huiles essentielles. Puis une première industrie transformatrice travaille ces matières premières, notamment les fabricants d'extraits végétaux ou de compositions parfumantes. Enfin les industries utilisatrices élaborent les produits finis à destination des consommateurs, qu'elles soient dans l'industrie agroalimentaire ou dans l'industrie cosmétique. Il peut y avoir des intermédiaires, des circuits plus courts avec le producteur qui fabrique lui-même son cosmétique et le vend lui-même ou alimente directement l'industrie transformatrice.

Ainsi, en plus de la diversité des usages, il existe clairement une diversité des flux commerciaux.

Les principales organisations professionnelles, sans les lister toutes, sont souvent syndicales, en se positionnant notamment sur des questions relatives à la réglementation considérées comme le principal frein au développement de la filière. Certaines organisations professionnelles ont également un rôle d'organisation économique.

En termes d'impacts économiques et sociaux, ce sont des petites filières, surtout quand on les compare aux céréales par exemple. Ceci étant, sur les territoires où elles sont produites, notamment le secteur lavandicole, elles ont des impacts très importants. Nous avions réalisé une étude à l'Office national interprofessionnel des plantes à parfum, aromatiques et médicinales en 2006, que nous sommes en train d'actualiser pour le mois de septembre, sur l'impact en termes d'emplois directs et indirects de ces productions. Cette étude concluait à un rapport de 1 à 10 entre le nombre d'exploitations et les emplois créés par les filières dans le Sud-Est. Le chiffrage est large puisqu'il inclut par exemple les effets du tourisme lavandicole.

Nous en venons aux plantes médicinales et je laisse la parole à Alix Courivaud qui va poursuivre l'exposé.

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