Mission d'information Développement de l'herboristerie

Réunion du 24 mai 2018 à 16h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Le compte rendu de cette audition sera publié ultérieurement.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 17 h 40.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Mes chers collègues, notre mission d'information sur le développement de l'herboristerie et des plantes médicinales poursuit ses auditions après la table ronde introductive de ce matin en accueillant M. Claude Chailan, délégué de la filière Plantes à parfum, aromatiques et médicinales de FranceAgriMer et Mme Alix Courivaud, chef du pôle marchés à la direction marchés études et prospective de FranceAgriMer.

Je vous rappelle que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo et d'une retransmission sur notre site Internet ; elle a été ouverte à la presse ainsi qu'au public.

Je remercie vivement nos intervenants d'avoir accepté notre invitation. Nous comptons sur eux pour nous dresser, grâce aux données collectées par FranceAgriMer, un panorama général de la filière des plantes à parfum, aromatiques et médicinales - les PPAM - et en particulier des plantes médicinales, afin de bien appréhender ce qu'elle représente en France en termes d'activité et d'emplois ainsi que les enjeux liés à son développement.

Je vous laisse la parole et nous vous écoutons avec beaucoup d'attention.

Debut de section - Permalien
Claude Chailan

Merci madame la Présidente. Nous allons vous dresser un panorama de la filière plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM) en France et dans d'autres pays.

Tout d'abord, FranceAgriMer est issu de la fusion en 2009 des anciens offices agricoles et de l'office de la mer. Il assure trois missions principales : éclairer les filières avec des études, une mission de concertation avec ces professionnels, FranceAgriMer étant administré par onze conseils spécialisés interprofessionnels qui rassemblent producteurs, transformateurs et distributeurs et un conseil d'administration également interprofessionnel, et enfin accompagner les productions agricoles. Pour cette dernière mission, FranceAgriMer a déployé l'année dernière 800 millions d'euros d'aides dont 60 % au titre de fonds européens, de l'OCM (organisation commune du marché) viticole notamment, et 40 % au titre de fonds nationaux.

Le siège de FranceAgriMer est à Montreuil-sous-Bois en Seine-Saint-Denis. Environ 370 agents sont basés dans les régions auprès des directions régionales de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt (DRAAF). S'y ajoutent 3 délégations nationales, basées à Libourne, à la Rochelle et à Volx, à côté de Manosque.

Cette dernière, qui emploie cinq personnes, est dédiée à la filière PPAM sur le territoire métropolitain. Elle dispose d'un budget d'intervention d'environ deux millions d'euros d'aides nationales attribuées pour des programmes d'investissements des producteurs et la première transformation, au soutien de l'organisation technique, notamment le conservatoire national que vous avez entendu ce matin, ou les instituts techniques, et enfin pour les organisations économiques, principalement les coopératives.

Si nous travaillons pour toute la filière, nous sommes spécialisés sur les aspects de production et de première transformation.

Pour en venir à la filière PPAM, il existe en France des bassins de production majeurs, notamment dans le Sud-Est pour la culture du lavandin et des plantes aromatiques, en Champagne-Ardenne, dans le Centre et dans l'Ouest pour la culture des plantes médicinales qui concernent le pavot et les oeillettes pour l'extraction de la morphine ainsi qu'une production de plantes médicinales dans la région angevine. Cette production de plantes médicinales a d'ailleurs la caractéristique d'être assez répandue sur tout le territoire.

La production des PPAM en France est en nette croissance ces dernières années. L'évolution de la production depuis 2010 marque une croissance supérieure à 40 %, avec une extension très importante des plantes aromatiques et, dans une moindre mesure, des plantes médicinales. Il faut cependant nuancer cette distinction entre plantes aromatiques et plantes médicinales dans la mesure où les plantes ont souvent plusieurs usages.

Pour entrer dans le détail de la répartition de la production, il y a de l'ordre de 120 espèces cultivées en France, ce chiffre s'établissant à près de 300 espèces quand on compte les plantes qui sont simplement cueillies.

Ces plantes sont produites de diverses façons, sont transformées de diverses manières et donnent naissance à des produits différents. L'huile essentielle de lavande n'a par exemple rien à voir avec la fleur de la lavande ! C'est pourquoi les producteurs proposent plus de 1 500 produits, témoignant d'une réelle diversification de l'offre de la filière.

Il est très complexe d'avoir une vision globale de la production française face à la concurrence internationale car le périmètre des PPAM est très large. Il y a des productions exotiques dans certains pays très gros producteurs comme l'Inde ou la Chine qui ne peuvent être produites en France. Toutefois, la France est un producteur important au niveau mondial pour certaines espèces. En regardant les chiffres assez précis des huiles essentielles qui permettent de réaliser une comparaison internationale, la France est par exemple productrice de lavandin, production en forte croissance puisque la dernière récolte a atteint le chiffre record de 1 500 tonnes.

Environ 12 % de la production de PPAM est cultivée en agriculture biologique. Là aussi ce chiffre est en augmentation, suivant l'augmentation globale de la production de la filière. C'est une proportion assez importante si l'on se réfère à d'autres productions agricoles. Il y a toutefois un déficit de production biologique compte tenu de l'état de la demande sur le marché.

Si l'on observe les signes officiels de qualité et de l'origine, il existe un label rouge pour les mélanges d'herbes de Provence, représentant environ 20 tonnes de production. Au niveau organoleptique, je peux vous assurer que cela n'a rien à voir avec ce que l'on peut trouver ailleurs. Il y a également une appellation d'origine protégée sur l'huile essentielle de lavande de Haute-Provence, l'une des rares non-alimentaires d'ailleurs, et depuis cette année, une indication géographique protégée « Thym de Provence ». Des démarches qualité sont également à noter, en particulier la démarche CENSO promouvant la traçabilité et le développement durable, créée par le comité interprofessionnel des huiles essentielles françaises (CIHEF) qui est la seule interprofession reconnue dans le secteur des PPAM.

Quand on parle de filière PPAM, cela n'a pas vraiment de sens puisqu'il n'y a pas une filière mais une multitude de petites filières avec des usages très diversifiés. Il y a d'abord la transformation de plantes sèches dans le but de répondre, in fine, aux usages liés à l'herboristerie ou pour aboutir à des compléments alimentaires. Ces derniers ont connu une diversification de la production très importante ces dernières années. On recense environ 1 000 demandes par mois de nouveaux compléments alimentaires, dont 80 % sont à base de plantes. Il y a aussi toute une partie issue de l'extraction alcoolique pour les teintures mères, les infusions, les extraits végétaux utilisés dans les médicaments homéopathiques ou dans les cosmétiques. Les huiles essentielles peuvent également être retravaillées afin d'en retirer certains composants par déterpénation ou traitement chimique. Elles sont alors utilisées dans les médicaments ou l'aromathérapie dont la demande a également explosé ces dernières années. Le marché des parfums et arômes issus des plantes sont des marchés davantage matures qui n'évoluent plus trop dans les pays occidentaux.

Il y enfin des extractions plus techniques faites avec des solvants notamment pour faire des concrètes, qui sont des pâtes parfumées particulièrement à partir de fleurs comme la rose ou le jasmin, ou, par extraction sélective, pour isoler des molécules pour des médicaments phytothérapeutiques ou des médicaments allopathiques. En résumé, il existe tout un tas de filières avec des usages et des destinations très diversifiés.

Une des spécificités françaises réside dans le fait que, le plus souvent, le producteur fait lui-même la première transformation, alors que dans d'autres pays, la transformation, que ce soit le séchage ou la distillation, est plutôt réalisée par des entreprises distinctes des producteurs.

La deuxième étape de la chaîne, ce sont les grossistes : herboristes pour les plantes séchées, négociants pour les huiles essentielles. Puis une première industrie transformatrice travaille ces matières premières, notamment les fabricants d'extraits végétaux ou de compositions parfumantes. Enfin les industries utilisatrices élaborent les produits finis à destination des consommateurs, qu'elles soient dans l'industrie agroalimentaire ou dans l'industrie cosmétique. Il peut y avoir des intermédiaires, des circuits plus courts avec le producteur qui fabrique lui-même son cosmétique et le vend lui-même ou alimente directement l'industrie transformatrice.

Ainsi, en plus de la diversité des usages, il existe clairement une diversité des flux commerciaux.

Les principales organisations professionnelles, sans les lister toutes, sont souvent syndicales, en se positionnant notamment sur des questions relatives à la réglementation considérées comme le principal frein au développement de la filière. Certaines organisations professionnelles ont également un rôle d'organisation économique.

En termes d'impacts économiques et sociaux, ce sont des petites filières, surtout quand on les compare aux céréales par exemple. Ceci étant, sur les territoires où elles sont produites, notamment le secteur lavandicole, elles ont des impacts très importants. Nous avions réalisé une étude à l'Office national interprofessionnel des plantes à parfum, aromatiques et médicinales en 2006, que nous sommes en train d'actualiser pour le mois de septembre, sur l'impact en termes d'emplois directs et indirects de ces productions. Cette étude concluait à un rapport de 1 à 10 entre le nombre d'exploitations et les emplois créés par les filières dans le Sud-Est. Le chiffrage est large puisqu'il inclut par exemple les effets du tourisme lavandicole.

Nous en venons aux plantes médicinales et je laisse la parole à Alix Courivaud qui va poursuivre l'exposé.

Debut de section - Permalien
Alix Courivaud

Concernant la commercialisation internationale de plantes médicinales, les données ne sont pas très précises. On peut toutefois suivre les importations et exportations de ces plantes.

La France a importé 20 000 tonnes de plantes médicinales en 2016 pour une valeur d'environ 80 millions d'euros, ce qui la place à la 11ème position du classement mondial. Ses principaux pays fournisseurs relèvent de trois catégories : les fournisseurs de plantes qui ne poussent pas en France, comme la Chine et l'Inde ; les fournisseurs de plantes dont les coûts de production sont inférieurs à la France, ce qui est le cas pour un produit comme la verveine ; et enfin les pays négociants comme l'Allemagne, qui n'ont pas spécialement d'activités de production.

La France exporte un volume de 6 000 tonnes de plantes médicinales pour une valeur de 44 millions d'environ, d'où une balance commerciale négative. La France exporte plus en revanche de produits élaborés comme les extraits de plantes ou les huiles essentielles.

Si nous regardons les prix moyens au stade de production des plantes médicinales, ils sont en moyenne stables ou en légère augmentation depuis 2012. Certaines plantes ont toutefois des prix qui augmentent plus rapidement, comme le basilic.

La fourniture de plantes médicinales a souvent recours à la contractualisation. Depuis longtemps pour la filière pharmaceutique, se sont mises en place des filières intégrées avec une production incluse dans l'industrie.

On voit apparaître de plus en plus de commerce équitable Nord/Nord pour une juste rémunération du producteur. Se développe ainsi une contractualisation entre commerçants de PPAM, de tisanes ou d'huiles essentielles. Pour la production particulière de lavandes et lavandins, qui est la production majeure en France, la contractualisation est très fréquente grâce à l'action de l'interprofession.

Toutes ces plantes médicinales sont commercialisées par divers circuits, très différents selon les produits.

Concernant les huiles essentielles, une enquête réalisée pour Biolinéaires donne une idée des voies de commercialisation de la filière. Les magasins de produits biologiques sont le premier distributeur avec 57 % de parts de marché, suivis d'Internet qui occupe une place très importante. Les pharmacies représentent environ 10 % des ventes. Les ventes directes, qui représentent 3 % des ventes, les salons ou les foires sont des pratiques assez minoritaires.

Nous avons réalisé une étude sur les plantes médicinales vendues en pharmacie cette année. Si elle ne concerne que les pharmacies, elle donne une idée de la croissance de ce secteur. Les complexes d'huiles essentielles engendrent le plus gros du chiffre d'affaires devant les huiles essentielles unitaires en petits flacons, les infusions ou les médicaments en phytothérapie. Les infusions sont un tout petit marché, bien inférieur aux autres, mais cela s'explique par le fait que ce sont généralement des produits seulement séchés avec une faible valeur ajoutée par rapport aux autres produits. D'où la part de 4 % de chiffres d'affaires dans les comptes de résultat des pharmacies.

Justement, si on regarde les ventes d'infusions, en termes de tonnage, elles sont assez stables en volume et en valeur entre 2015 et 2017. Leur commercialisation se situe très majoritairement en grandes surfaces avec 3 378 tonnes en 2014, contre 117 tonnes en pharmacies et parapharmacies.

L'aromathérapie connaît en revanche une croissance très vive, le chiffre d'affaires des cinq entreprises françaises les plus importantes ayant connu une croissance de 20 % par an depuis 2009.

Enfin, la vente directe de PPAM est freinée par la règlementation. Les producteurs en vente directe nous ont demandé de réaliser une étude en 2016 qui faisait ressortir ce point. En chiffres cumulés, 60 % des 80 producteurs estimaient que la réglementation était un frein au regard notamment du coût des dossiers par exemple pour être conformes à la réglementation cosmétique. Les allégations écrites et orales constituent un autre frein : les producteurs ne savent pas ce qu'ils ont le droit de dire et d'écrire sur leurs étiquetages.

Ce qui ressort également de l'enquête, c'est que les PPAM vendues sont multi-usages. Pour vous citer un exemple, une huile essentielle de lavande peut être consommée dans un plat, appliquée sur la peau, mise dans un cosmétique pour parfumer une huile. Mais à un usage correspond une réglementation. Comme les consommateurs achètent ces plantes médicinales pour différents usages, il est compliqué pour les producteurs d'étiqueter leurs produits de manière optimale. C'est un point qui est ressorti de l'enquête, tout comme le flou autour des plantes autorisées.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Merci pour cet exposé complet. La question des outre-mer n'a pas été abordée, alors que ces territoires présentent une ressource patrimoniale importante : avez-vous des données à nous communiquer à ce sujet ?

S'agissant du développement de nouveaux produits ou marchés, outre les huiles essentielles dont vous avez parlé, des innovations sont-elles à relever ?

Plus généralement, quelles évolutions réglementaires ou législatives seraient selon vous utiles pour le développement de la filière et des métiers liés à l'herboristerie ? Vous avez notamment abordé la question des allégations écrites ou orales.

Debut de section - Permalien
Claude Chailan

Une première spécificité tient au fait que ces filières sont pilotées par l'aval, où s'opère l'essentiel de l'innovation de produit. Il existe cependant aussi une part d'innovation dans les process et la modernisation de l'outil de production.

Le poids de la règlementation s'applique aux producteurs comme aux autres maillons de la chaîne - transformateurs, cosméticiens, etc. Les entreprises consacrent désormais 10 % de leurs effectifs aux questions règlementaires. Il s'agit d'une évolution très claire ces dernières années, liée notamment au règlement REACH qui impacte la profession. Les distillateurs de Provence, travaillant sur des installations rustiques fonctionnant quinze jours par an, ont été soumis aux mêmes contraintes que l'industrie chimique.

Le développement des filières dépend donc beaucoup de la question règlementaire. En termes d'accès à l'information, nous sommes en train d'établir un panorama complet de l'ensemble des règlementations qui s'appliquent, dans l'objectif d'aider les producteurs à s'y retrouver.

En ce qui concerne les outre-mer, la focale de notre exposé était volontairement restreinte au champ métropolitain, car c'est l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'outre-mer (ODEADOM) qui étudie spécifiquement les productions ultramarines. On trouve dans les outre-mer des productions de petite taille mais avec des plantes spécifiques : géranium, vanille, bois de santal ou encore ylang-ylang à Mayotte par exemple.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Monier

Je vous remercie pour votre exposé. Vous avez parlé d'IGP/AOP pour le thym et les herbes de Provence : d'autres plantes postulent-elles à ce label ? Sur la taille des exploitations, avez-vous des données à nous fournir ? En tant que membre de la délégation aux droits des femmes, je suis curieuse de connaître les statistiques relatives au nombre d'exploitations tenues par des femmes. En termes de territoires, quels sont les départements qui comptent le plus de productions en PPAM ?

Debut de section - PermalienPhoto de Louis-Jean de Nicolay

Merci pour votre présentation. J'ai l'impression que vous vous sentez un peu seuls, dans la mesure où le chiffre d'affaires de la filière progresse de manière rapide et qu'il faut, dans le même temps, donner aux producteurs les moyens d'organiser cette croissance. J'imagine cela dit que des groupements se sont développés, sur le modèle de ce qui existe dans le domaine de la viticulture entre autres. Je serais donc intéressé de savoir quel type de structuration se met en place pour répondre à la dynamique en cours. Je voudrais aussi revenir sur la question de la contractualisation : s'effectue-t-elle à la demande de l'exploitant et comment est-elle organisée ?

Debut de section - Permalien
Claude Chailan

De petites productions, à l'instar du safran de Provence, essayent d'obtenir une IGP. Les plantes de Grasse - rose, jasmin, violette, fleur d'oranger - ont déposé un dossier auprès de l'UNESCO en vue d'une inscription au patrimoine mondial de l'humanité. La valorisation d'un signe officiel de qualité est plus facile s'agissant des plantes alimentaires, contrairement aux filières longues. La lavande, qui bénéficie d'une appellation d'origine depuis 1981, illustre bien cette difficulté à s'imposer dans les circuits classiques de parfum.

Il est compliqué de donner un chiffre global en ce qui concerne la taille moyenne des exploitations, eu égard à la diversité des espèces. Certaines productions sont réalisées de façon industrielle, alors qu'a contrario d'autres nécessitent un travail à la main, comme le safran. Par ailleurs, le hors sol représente une part très faible de la production, à la différence de l'horticulture.

Debut de section - Permalien
Alix Courivaud

Une précision au sujet de la vente directe : ce sont souvent de petits producteurs qui possèdent moins d'un hectare.

Debut de section - Permalien
Claude Chailan

Toutes productions confondues, le premier département est la Drôme (lavande, lavandins et plantes aromatiques). Le Vaucluse et les Alpes de Haute-Provence ont également des surfaces de production importantes.

L'organisation économique est bien structurée et comporte treize coopératives : ces organisations de producteurs interviennent de la cueillette jusqu'au stade de la commercialisation. Il existe également des contrats entre producteurs et transformateurs, ou entre coopératives et industriels. La croissance actuelle de la filière n'est pas forcément un facteur d'amélioration de son organisation économique : comme le marché est demandeur, les producteurs se tournent surtout vers la coopérative lorsqu'ils rencontrent des problèmes. Dans le secteur lavandicole, l'organisation économique s'est principalement développée lors des phases de crise.

Dans un contexte de concurrence accrue, du fait des importations et d'un coût de la main d'oeuvre inférieur à l'étranger, les services associés à la qualité du produit sont désormais un critère à part entière : la teneur en principes actifs de la plante, la qualité bactériologique, la présentation du produit et sa traçabilité entrent davantage en ligne de compte. C'est donc un effet positif de la règlementation, qui conduit les sociétés utilisatrices à revenir vers la production française afin de respecter un cahier des charges plus strict qu'auparavant, intégrant notamment la RSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Vous avez évoqué à plusieurs reprises la question de la règlementation, en disant qu'elle constituait d'un côté un frein et en même temps un aspect positif à travers la traçabilité, qui garantit une qualité globale des productions. S'agissant des points forts et des points faibles de la règlementation, pouvez-vous nous indiquer quels sont selon vous les plus marquants ?

Debut de section - Permalien
Claude Chailan

La règlementation impose des contraintes, ceux qui arrivent à s'y adapter ont un avantage. Pour compléter ma réponse sur la contractualisation : la haute traçabilité peut représenter un frein pour l'organisation économique des producteurs, puisque les industriels veulent avoir le producteur en direct. Actuellement, c'est d'ailleurs plutôt l'acheteur qui offre le contrat, car il souhaite assurer son approvisionnement.

Quant aux aspects négatifs de la règlementation, la pesanteur administrative n'est pas négligeable. Un producteur qui vend sur le bord de la route un flacon d'huiles essentielles est soumis à des obligations lourdes. Pour l'herboristerie, la vente directe a pris une place importante et les flux professionnels se sont organisés différemment, en réaction à une situation qui apparaît un peu bloquée en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Je vous remercie pour votre présentation. Je vais poser une question qui dérange : sur les labels de qualité dont bénéficie le thym de Provence, une recherche sur la radioactivité éventuelle fait-elle partie du cahier des charges ?

Debut de section - Permalien
Claude Chailan

Pas à ma connaissance. Il faut savoir que 80 % du thym de Provence acheté provient de Pologne.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Connaissant les besoins en herboristerie, existe-t-il une vision prospective sur l'évolution des cultures, le nombre d'hectares et les perspectives de croissance des marchés ? Peut-on développer des labels pour se protéger et favoriser les circuits courts ?

Debut de section - Permalien
Claude Chailan

Nous n'avons pas de données chiffrées, y compris pour les produits les mieux connus, sur l'évolution possible des marchés. Dans les années 1950, la production d'huile essentielle de lavande et de lavandin s'établissait à 1 000 tonnes, alors qu'elle est de nos jours de 1 400 tonnes. Il est difficile de prédire toutefois quelle sera l'évolution de cette production au cours des prochaines années. La concurrence de la chimie de synthèse est également une donnée à prendre en compte sur ce marché.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Lorsqu'on achète un produit qui comporte des molécules fabriquées à partir de la chimie de synthèse, ce n'est généralement pas précisé. Faudrait-il un étiquetage plus complet ?

Debut de section - Permalien
Claude Chailan

En principe, quand c'est naturel, cela est marqué.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Lepage

Une question très concrète : n'existe-t-il pas un problème de main d'oeuvre dans la filière des PPAM ? J'ai longtemps vécu en Allemagne et le tilleul était un produit extrêmement rare disponible uniquement en pharmacie, car personne ne voulait le cueillir. Cette difficulté se rencontre-t-elle en France ?

Debut de section - Permalien
Claude Chailan

En France, la question du coût n'est en effet pas négligeable : désherber du thym revient plus cher dans la Drôme qu'à la frontière polonaise avec l'emploi d'ouvriers ukrainiens. Trouver de la main d'oeuvre n'est pas non plus toujours évident, notamment pour certaines productions : la récolte du jasmin, très pénible, est presque compromise pour cette raison.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Qu'en est-il de possibles évolutions législatives ou règlementaires ?

Debut de section - Permalien
Claude Chailan

Du côté de la vente directe, la question du multi usages me semble importante à traiter, en allant dans le sens de l'allègement des contraintes. La filière des parfums n'est pas exempte de problèmes règlementaires, avec l'an passé le cas des alcaloïdes pyrrolizidiniques, qui sont des mauvaises herbes poussant dans les parcelles. Les Allemands ont fixé une norme très sévère en la matière : pour des productions n'utilisant pas de produits herbicides, cette faible tolérance rend le travail particulièrement difficile.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Pouvez-vous nous donner quelques éléments sur la production de pavot pour l'extraction de morphine à destination des laboratoires ?

Debut de section - Permalien
Claude Chailan

Il s'agit d'une filière totalement intégrée, avec une filiale de Sanofi, Francopia, qui gère tout le processus, de la sélection variétale des plantes jusqu'à l'extraction. La production de pavot est la première en termes de plantes médicinales, avec 13 000 hectares en France.

Debut de section - Permalien
Claude Chailan

La France est un des principaux producteurs de chanvre textile en Europe. On s'est aperçu qu'en plus du tétrahydrocannabinol (THC), il y avait d'autres alcaloïdes non psychotropes dans le chanvre - le CBD -, qui possèdent des propriétés très intéressantes pour traiter des pathologies graves. D'où un problème de règlementation : pour une production de chanvre totalement autorisée, une extraction de CBD entraîne un effet de concentration et un dépassement du seuil autorisé de THC dans les produits intermédiaires. Des dérogations sont parfois accordées dans pareil cas, mais il existe un vrai sujet règlementaire au regard des perspectives intéressantes de développement que pourrait constituer l'usage du CBD.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Il me reste à vous remercier pour votre intervention. Nous poursuivons nos travaux la semaine prochaine.

La réunion est close à 17 h 40.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.