Je vous remercie pour ce rappel du contexte. Avant d'être directeur général de l'Agence nationale du sport, j'étais directeur général de la Fédération sportive d'athlétisme. Au travers d'une quinzaine d'années de politique publique, j'ai pu accompagner, financer et monitorer les fédérations sportives. Les premiers partenaires de l'agence sont les fédérations sportives et une grande partie des dotations financières que nous affectons sont tournées vers celles-ci. L'ensemble des actions déployées dans ce cadre, à la fois sur le haut niveau et le sport pour tous, s'inscrivent dans une logique d'accompagnement des évolutions nécessaires dont vous parlez et qui font partie des objectifs sous-tendus aux financements que nous attribuons. Les évolutions à engager sont disparates : des interactions existent avec plus de 115 fédérations. Ceci nécessite une approche, des objectifs et des ambitions adaptés aux moyens et à la capacité de transformation.
Je commencerai par le développement du sport. Le point essentiel qui a guidé nos travaux depuis la création de l'agence dans son format de préfiguration est qu'aujourd'hui, de nombreux clubs, de comités et de ligues, n'ont pas forcément de proximité avec leur fédération. Ils n'ont pas l'impression que la fédération leur apporte des solutions, mais plutôt des contraintes. Le travail est mené à travers les projets sportifs fédéraux et la gestion est confiée aux fédérations, à partir d'une stratégie validée par l'agence, d'orientations précises et d'indicateurs de mesure, de résultats établis. Nous avons souhaité confier ces responsabilités de ventilation des dotations budgétaires de l'ex-CNDS aux fédérations. Cela représente 63,3 millions d'euros, ventilés auprès d'une centaine de fédérations, pour 16 à 18 000 clubs, ligues et comités sportifs.
Le sens de ces projets sportifs fédéraux était de demander aux fédérations d'avoir une ligne de développement stratégique, qui détermine des axes de progression et un plan d'action pour atteindre ces objectifs. Le problème est que les fédérations n'étaient pas en capacité de mettre en oeuvre cette stratégie, faute de leviers financiers suffisants. Le produit des licences ne suffit pas pour couvrir la rémunération des personnels fédéraux, le complément de rémunération des personnels d'Etat, le dédommagement des déplacements des bénévoles et des dirigeants, l'organisation des compétitions, des formations, etc.
L'ensemble des projets sportifs fédéraux sont consultables sur le site internet de l'Agence du sport. Nous sommes convaincus que pour accompagner le développement des pratiques sportives, une structuration du mouvement sportif est nécessaire. Celle-ci passe par une professionnalisation et donc le recours à l'emploi. Nous avons demandé aux fédérations sportives de développer une stratégie emploi, ce qui est en cohérence avec les grands dispositifs que porte l'agence puisque chaque année près de 50 M€ accompagnent plus de 5 000 emplois sportifs dans le cadre des dispositifs de l'agence. L'objectif était de pouvoir accompagner la montée en compétence des fédérations sportives, en commençant par la stratégie de développement et en poursuivant par l'emploi. Très souvent, les fédérations n'ont pas de service en charge des équipements alors qu'il s'agit d'un axe déterminant pour pouvoir se développer.
L'aspect transformation numérique et digitale des fédérations doit connaître une vraie progression, notamment sur les dématérialisations, la communication digitale, la gestion de communautés d'acteurs sportifs, etc.
Le dernier point concerne le développement commercial et partenarial des fédérations. La diversification des recettes et la raréfaction de l'argent public est une réalité. Néanmoins, pour accompagner les fédérations dans la diversification de leurs recettes, il faut les encourager à élargir leur offre et la rendre davantage susceptible de bénéficier du sponsoring et du mécénat. Chacun doit prendre sa part dans l'interaction avec les fédérations, aussi bien le Comité olympique que le monde économique.
Vous évoquez la question du clientélisme. Des enveloppes financières sont confiées aux fédérations qui opèrent pour le compte de l'agence la mise en oeuvre de la stratégie de développement de la fédération en direction de leurs ligues, clubs et comités. Cela se fait sous validation de l'agence avec une déontologie actée par l'agence et transparente. Ces éléments sont disponibles sur le site de l'agence. Dans les instances de décision figurent des représentants des clubs, des comités, de la fédération dans ses différentes approches (bénévoles, salariés, cadres d'État) afin d'éviter tout parti-pris dans le financement des clubs. Des garde-fous ont été mis en place pour éviter cette démarche clientéliste. En parallèle, avant de mettre en paiement les subventions, un travail de contrôle par échantillonnage et de vérification par territoire est effectué.
Concernant le volet des élections, un travail a été mené dans le cadre de la loi sport avec l'ensemble des acteurs. Une approche plus réglementaire de ce point de vue ressort de la compétence du ministère et du Parlement. Nous sommes en interaction avec les équipes dirigeantes et n'intervenons pas dans la gouvernance : nous accompagnons l'effectivité des politiques mises en oeuvre, les résultats opérés que l'on peut mesurer à partir des financements alloués à telle ou telle fédération. En revanche, le chemin qui vise à rajeunir, à féminiser et à créer plus de ventilation et d'oxygénation dans les équipes dirigeantes des fédérations, va dans le bon sens. Nous avons une attention particulière sur le prochain renouvellement des instances, compte tenu notamment du report des Jeux de Tokyo, qui a opéré des changements de dates d'assemblée générale élective. Nous sommes convaincus que pour mener un projet le plus efficace possible jusqu'en 2024, les nouvelles équipes doivent être connues au plus tôt. Nous n'étions pas partisans de repousser les élections après les Jeux de Tokyo en 2021. Si l'on souhaite mener une politique fédérale qui porte ses fruits aussi bien sur le haut niveau que sur le développement d'ici 2024, on peut difficilement avoir une action significative sur l'année N des élections. Il faut ensuite reconstituer une équipe technique et recommencer à préparer un projet fédéral qui sera mis en oeuvre avec le budget de l'année suivante. Il reste finalement six à douze mois pour agir et établir un budget permettant de déployer une nouvelle politique fédérale. Le délai entre 2022 et 2024 est très court. Plus vite les équipes sont stabilisées, plus vite il sera possible de construire et d'être exigeant vis-à-vis des nouvelles équipes. Il n'est pas question de fragiliser les équipes techniques avant les Jeux de Tokyo, mais de travailler le plus tôt possible pour construire.