Intervention de Alain Richard

Mission d'information Judiciarisation — Réunion du 29 mars 2022 à 17h15
Examen du rapport

Photo de Alain RichardAlain Richard :

Je souscris à la plus grande partie du contenu du rapport et je tiens à souligner le caractère exhaustif du travail mené.

Je concentrerai mon propos sur un sujet de fond, largement abordé dans le rapport : la pénétration difficile des préoccupations régaliennes dans la production normative de l'Union européenne (UE).

L'histoire enseigne que l'UE est d'abord une union commerciale et économique. Malgré plusieurs évolutions institutionnelles, la Commission, qui produit l'essentiel de la législation européenne, n'a pas acquis une véritable culture régalienne. Les États n'ont sans doute pas été assez vigilants sur ce point.

À cet égard, deux sujets me préoccupent particulièrement. Premièrement, la législation et la jurisprudence européennes empêchent de mener une politique restrictive de contrôle de l'immigration. Deuxièmement, il est difficile de faire prévaloir des préoccupations impératives de sécurité nationale dans plusieurs champs de la législation.

J'approuve l'idée d'autodiscipline du législateur, en particulier en matière pénale : des dispositions que personne n'utilise sont produites de manière excessive. Le Gouvernement et le Parlement doivent, en outre, être attentifs au contenu des lois de programmation.

À la page 117, je propose que la phrase « les juges semblent souvent s'ignorer, voire se méfier les uns des autres » soit rectifiée, car c'est une formule trop rapide.

Philippe Bonnecarrère a évoqué la pénalisation de la vie politique. Je pense que la mise en cause spectaculaire des décideurs politiques devrait figurer dans le rapport. Or notre droit prévoit des sanctions contre les recours abusifs. Pourtant, celles-ci sont rarissimes. Le rapport annuel des juridictions suprêmes pourrait mentionner leur nombre en comparaison du nombre considérable des requêtes rejetées.

J'exprime un doute sur la proposition relative au jugement des ministres. Je ne suis pas sûr que la suppression de la Cour de justice de la République au profit des juridictions de droit commun, prévue dans la proposition de révision constitutionnelle de 2019, soit une bonne idée. En tout cas, je ne suis pas favorable à ce que cette procédure spéciale comporte un double degré de juridiction : donner la possibilité d'un jugement en première instance, puis en appel et enfin en cassation revient à donner une prime aux perturbateurs.

Je ne souscris pas à la position du rapporteur lorsqu'il estime qu'il n'existe plus de véritable séparation des pouvoirs. Cela me semble constituer une mauvaise interprétation de cette notion. Tous les constitutionnalistes s'accordent à reconnaître que la séparation des pouvoirs peut être radicale ou fondée sur la collaboration. Tous les régimes parlementaires - dont le nôtre - sont fondés sur la séparation des pouvoirs législatif et exécutif. Toutefois, ils doivent collaborer.

Le système majoritaire existe partout - nous venons de le constater chez nos amis allemands lors de la formation de la coalition aujourd'hui au pouvoir. Il règne une collaboration permanente entre la majorité et le Gouvernement, qui n'exclut ni la discussion ni le contrôle. Or vous considérez implicitement que la majorité est toujours docile vis-à-vis du pouvoir exécutif. Cette description ne correspond pas à la réalité. Posez la question à François Hollande : le dialogue est actif entre une majorité et le gouvernement qu'elle soutient !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion