Intervention de Virginie Schwarz

Commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité — Réunion du 3 avril 2012 : 1ère réunion
Audition de Mme Virginie Schwarz directrice exécutive des programmes de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie

Virginie Schwarz, directrice exécutive des programmes de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie :

Nous avons longtemps pensé que la question du partage des coûts entre le propriétaire et le locataire constituait l'un des freins majeurs à l'investissement dans les logements locatifs, et nous pensions l'avoir levée. Pourquoi cela n'a-t-il pas suffi à déclencher les travaux ? Les causes sont-elles encore ailleurs ? Sur ce sujet, nous ne disposons pas d'évaluation spécifique.

J'en viens à la réglementation thermique 2012, ou RT 2012. Je le dis de façon nette : toutes les études et concertations auxquelles nous avons participé, tous les travaux que nous avons reçus nous incitent à penser que la RT 2012 est équitable par rapport aux sources d'énergie, aussi équitable qu'une réglementation peut l'être. Un travail approfondi de quantifications et de scénarios a été mené pour vérifier que, sur chaque type de logements, une solution pouvait être trouvée avec chaque type d'énergie à un coût acceptable et qu'aucune énergie n'était systématiquement favorisée ou défavorisée. Des dérogations ont même été mises en place, lorsque des difficultés ont été constatées, par exemple sur les petits logements collectifs chauffés avec de l'eau chaude sanitaire électrique, pour lesquels il avait été constaté, lors des études, que les technologies étaient encore un peu chères. Une dérogation jusqu'à 2015 a été accordée de manière à rétablir l'équilibre entre les énergies. Il nous semble vraiment que le travail a été réalisé de façon équitable.

« Pensez-vous que la part du chauffage électrique en France est excessive ? » L'ADEME n'a aucune raison de le penser. Ses missions portent sur les économies d'énergie et les économies renouvelables dans le domaine de l'énergie. Aujourd'hui, avec cette réglementation thermique nouvelle, les exigences de performance énergétique qui sont imposées au chauffage électrique sont exactement identiques à celles des autres énergies. Dans la mesure où il s'agit d'une exigence en valeur absolue, on aboutit au même résultat.

Par conséquent, l'ADEME n'a aucune raison de préférer ou de moins aimer tel ou tel mode de chauffage, même si, bien sûr, elle comprend et entend les difficultés que peuvent rencontrer d'autres acteurs du système électrique sur l'impact sur les réseaux, sur la sensibilité thermique. Aujourd'hui, sur ce sujet, nous ne disposons pas d'éléments.

La seule raison qui pourrait conduire l'ADEME à s'interroger sur la place du chauffage électrique, c'est la question de la pointe. Aujourd'hui, aucune étude ne démontre très clairement que les émissions du chauffage électrique, en incluant ces questions de pointe, seraient très supérieures à celles du chauffage au gaz ; nous continuons à y travailler. À l'inverse, dans le cadre des travaux que nous menons sur les bilans de gaz à effet de serre, nous nous penchons sur le contenu carbone de l'électricité et le contenu par usage du chauffage électrique, différent du contenu moyen qui est calculé en tenant compte de la saisonnalité des usages. Le contenu carbone du chauffage électrique ne paraît pas très différent de celui du chauffage au gaz.

Nous disposons des chiffres de l'année 2010 sur la répartition des types de chauffage. Pour les résidences principales, la part du gaz est de 44 %, celle de l'électricité est de 33 %, celle du fioul est de 14,6 %, celle du chauffage urbain est de 4 %, celle du bois est de 3,6 %, celle du charbon est de 0,3 %. Ces études sont réalisées de manière régulière par le Centre d'études et de recherches économiques sur l'énergie, le CEREN, avec un financement de l'ADEME.

Nous suivons également de façon régulière l'évolution de la part des différentes solutions de chauffage dans le neuf. Le parc est une chose, mais le neuf en est une autre. On observe que, globalement, la part du chauffage électrique a eu tendance à décroître entre les années 1992-93 et 2003, atteignant à peu près 33 % dans les maisons, contre 44 % dans les appartements. Elle a fortement augmenté entre 2003 et 2007-2008, 73 % dans les maisons et 57 % dans les appartements. Depuis, elle a tendance à baisser légèrement. Ainsi, en 2010, elle est de 65 % dans les maisons neuves et de 49 % dans les appartements neufs. Dans les périodes les plus récentes, les pompes à chaleur représentent à peu près un tiers des installations dans les logements neufs.

En revanche, nous ne disposons pas de chiffres spécifiques sur les ménages précaires aujourd'hui. C'est l'un des objectifs assignés à l'Observatoire national de la précarité énergétique, qui a été mis en place l'année dernière avec les pouvoirs publics, les principales structures s'intéressant à la précarité et les énergéticiens : fournir davantage de données, rassembler celles qui existent et réaliser des enquêtes complémentaires pour nous transmettre des résultats.

Sur le chauffage électrique, je vais un petit peu plus loin que la question qui m'a été posée. Je vous ai communiqué les éléments dont nous disposions aujourd'hui. Sur la part du chauffage électrique, nous essayons aussi de savoir ce que pourrait être demain. Il nous semble qu'il existe quelques facteurs structurels qui font qu'à moyen et long termes le chauffage électrique, sous toutes ses formes, devrait conserver une place non négligeable. Cela est dû, bien sûr, à son coût d'investissement faible, mais aussi à sa capacité à offrir des solutions de très petite puissance.

Dans les logements dont les besoins de chauffage vont être très fortement réduits et dont la consommation va baisser, en particulier pour le neuf et pour l'ancien bien rénové, on cherchera des solutions offrant des très petites puissances ; par conséquent, les solutions qui présenteront des coûts d'investissement faibles seront privilégiées. Structurellement, cela peut militer en faveur du chauffage électrique.

Se pose également la question de la capacité à produire aussi du froid. On assiste à une demande croissante de climatisation, de solutions de rafraîchissement. La capacité de l'électricité à produire à la fois du chaud et du froid risque d'être un avantage compétitif dans les années à venir.

J'en viens maintenant aux énergies renouvelables. Parmi les principaux mécanismes de soutien, j'en citerai trois : l'obligation d'achat sous forme de tarif, les appels d'offres, le crédit d'impôt développement durable pour les particuliers.

De notre point de vue, en matière d'électricité, les tarifs d'achat restent la meilleure solution pour développer et diffuser une filière d'énergies renouvelables. Les expériences qui ont été menées en France comme ailleurs montrent que, pour créer une dynamique de développement, de croissance et de développement large d'une filière, le tarif d'achat semble la meilleure solution, pour ne pas dire la seule, en termes de volume comme de prix.

L'étude de la Commission européenne, réalisée en 2006, a notamment bien montré que, contrairement à ce que l'on peut parfois imaginer, les solutions d'appel d'offres ne conduisent pas à des coûts inférieurs aux solutions de tarif d'achat. Nous venons d'en avoir l'illustration en France : l'appel d'offres de la Commission de régulation de l'énergie, la CRE, sur le photovoltaïque, qui porte sur 120 mégawatts, vient d'être clos. Or l'offre ne permet d'en atteindre que la moitié. En outre, au regard des informations à notre disposition - il faudrait que la CRE le confirme -, le prix pour les lauréats serait de 229 euros le mégawattheure, alors que le tarif est à 213,7 euros le mégawattheure.

Cela étant, le tarif est un instrument de politique publique qui nécessite une régulation fine, des mécanismes d'ajustement des quantités, si l'on veut en contrôler les coûts. Ce fut le cas avec le photovoltaïque.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion