Pour nous, il est évident que le prix de l'électricité va augmenter, et cela pour deux raisons principales que je rappelle : d'une part, l'épuisement des ressources finies, notamment le pétrole et le gaz, qui constituent une composante importante du coût de cette énergie ; d'autre part, le vieillissement du parc de production et donc les investissements nécessaires, que ce soit pour la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires ou pour le recours aux énergies renouvelables, qui entraînent, par rapport à des sources plus conventionnelles, des surcoûts que l'on connaît aujourd'hui, notamment pour l'éolien offshore et le solaire photovoltaïque.
À l'échelle européenne, un troisième paramètre, à l'introduction duquel nous sommes totalement favorables, devrait tendre à faire augmenter le prix de l'énergie : les régulations environnementales.
Si l'Europe souhaite atteindre le fameux objectif de la limitation à 2 degrés du réchauffement qu'elle s'est fixé à Copenhague, elle devra s'attaquer à ce secteur important de la production d'émissions de gaz à effet de serre qu'est la production d'électricité et donc faire payer la tonne de CO2 nettement plus cher.
Aujourd'hui, le prix de la tonne de CO2 est environ de 8 euros sur le marché européen des quotas. Les économistes, notamment ceux qui travaillent pour la Commission européenne et pour le laboratoire de Patrick Criqui, à Grenoble, estiment que nous devrions nous situer sur une trajectoire nous amenant aux alentours de 100 euros par tonne de CO2 à l'horizon 2020 pour être « dans les clous » et atteindre les objectifs, fixés à Kyoto puis réaffirmés à Copenhague, devant nous conduire au nouvel accord mondial sur le climat qui devrait être ratifié en 2015.
L'adoption d'une telle trajectoire aurait une incidence forte sur le prix de l'électricité à l'échelle européenne et, comme il y a clairement une volonté européenne d'harmoniser le marché de l'électricité et de l'ouvrir complètement, il n'y a pas de raison pour qu'il n'y ait pas de répercussions en France.
Même si, encore une fois, le kilowattheure français est nettement moins carboné que le kilowattheure européen, il y aura en effet un alignement et une évolution à la hausse du fait de l'ouverture du marché européen à la concurrence. Pour donner un ordre de grandeur - dans les exercices prospectifs, il n'est pas possible d'être plus précis -, je dirai que l'on s'attend à ce que l'alignement du prix français de l'électricité sur les prix européens conduise à un rattrapage, c'est-à-dire à une hausse, de l'ordre de 30 % à 50 % à l'horizon 2020-2030.