Intervention de Benoît Faraco

Commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité — Réunion du 4 avril 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Benoît Faraco porte-parole et coordinateur changement climatique et énergies de la fondation nicolas hulot pour la nature et pour l'homme

Benoît Faraco, porte-parole et coordinateur Changement climatique et énergies de la Fondation Nicolas Hulot pour la nature et pour l'homme :

Pour être franc, je veux répondre - c'est l'intérêt de notre participation à cette commission d'enquête -, mais en insistant avant tout sur le fait que l'on ne peut pas se satisfaire d'un raisonnement strictement économique pour aborder ces questions dont les impacts environnementaux sont extrêmement lourds.

Pour la Fondation, le débat sur la prolongation de la durée de vie des centrales existantes est à la fois politique et économique ; c'est un débat sur la gestion du risque, qui appartient - notamment - aux Français, lesquels doivent pouvoir être informés de l'ensemble des avantages et des inconvénients de la filière nucléaire afin d'être capables de se former un avis et en mesure de se prononcer.

C'est un premier élément de réponse.

Deuxième élément de réponse, si l'on examine cette question d'un point de vue strictement économique - ce n'est donc pas ce que je vous invite à faire ! - et si notre objectif est de conserver le prix du kilowattheure le moins cher et donc un tarif de l'électricité relativement bas, il est évident que la prolongation de la durée de vie des centrales est sans doute l'une des meilleures options, et cela même si, malgré les avancées dues au rapport de la Cour des comptes sur les coûts de la filière électronucléaire, il y a manifestement aujourd'hui une petite sous-estimation des coûts de cette filière.

Le troisième élément qui nous semble central dans ce débat est le respect dû à l'analyse et à la parole de l'Autorité de sûreté nucléaire. Cette analyse doit être décorrélée, là encore, du raisonnement strictement économique que le politique a un peu trop tendance à faire.

Se laisser le choix de demander à l'Autorité de sûreté nucléaire, dont on reconnaît la légitimité, de dire que la durée de vie de telle ou telle centrale peut ou ne peut pas être prolongée, ou peut l'être à condition que des investissements de tel ou tel montant soient réalisés, paraît être la meilleure réponse possible au problème posé. Il appartiendra ensuite aux opérateurs d'opter entre les différents moyens de production qui s'offrent à eux, en tenant compte, bien entendu, des contraintes environnementales, notamment de la contrainte climatique.

La position de la Fondation est donc à peu près celle-ci : ne pas entrer dans le débat sous le seul angle du coût ; s'assurer que l'Autorité de sûreté nucléaire peut se prononcer en toute indépendance s'agissant d'un sujet dont on sait à quel point il est sensible politiquement et dans l'opinion publique ; laisser aussi des arbitrages économiques en internalisant les externalités environnementales.

À la question relative à l'investissement dans de nouvelles générations de réacteurs, EPR et de quatrième génération, nous sommes tentés de répondre de la façon suivante : continuer la recherche, pourquoi pas ? mais il faut absolument éviter tout malentendu et surtout ne pas dire que ce type de centrales nucléaires pourra répondre aux interrogations et aux besoins énergétiques des Français à proche échéance.

Pour l'EPR, on constate que des retards sont pris sur les deux chantiers, en Finlande comme en France, et, si le projet ASTRID commence à avancer, il n'y a pas encore de réacteur de quatrième génération opérationnel. Nous ne nous situons donc pas là à des horizons de temps à la mesure des enjeux sociaux et climatiques qui sont les nôtres. Il nous faut faire évoluer à la baisse nos consommations d'énergie et nos émissions de gaz à effet de serre le plus rapidement possible, c'est-à-dire commencer tout de suite, pour que des avancées significatives puissent avoir été accomplies d'ici à 2020. Or ces solutions technologiques ne seront pas opérationnelles dans ce délai.

La quatrième question porte sur les mécanismes de soutien aux énergies renouvelables productrices d'électricité.

Je traiterai l'hydroélectricité à part, puisque cette filière est relativement aboutie ; elle peut, en améliorant son efficacité énergétique, notamment par le remplacement des turbines, produire un peu plus qu'elle ne produit aujourd'hui, mais nous considérons qu'elle n'a pas besoin de mécanismes de soutien, ce qui la sort du champ de la question.

Je vais, cette fois encore, faire une observation préalable.

Dans les principales filières électrogènes que l'on envisage de développer en France, à savoir l'éolien, onshore et offshore, et le solaire photovoltaïque, les coûts de production sont bien plus élevés que pour les moyens conventionnels de production thermique. Je souligne cependant qu'avec un CO2 à 60 ou 70 euros la tonne, la production d'électricité à base d'éoliennes deviendrait compétitive par rapport au charbon, ce qui signifie que, si l'on prend en compte les enjeux climatiques, les coûts commencent à se rapprocher.

Les énergies renouvelables sont donc aujourd'hui des énergies un peu plus chères en termes de production, mais leurs prix suivent une tendance fortement orientée à la baisse, contrairement aux énergies fossiles et au nucléaire, dont les tendances de prix sont plutôt orientées à la hausse, pour les énergies fossiles, en raison de l'épuisement des ressources, et, pour le nucléaire, en raison, notamment, des investissements dans la sécurité en réaction à l'accident de Fukushima.

C'est ce constat qui fonde notre philosophie globale et justifie à nos yeux une bonne partie des investissements dans les énergies renouvelables.

Pour ce qui est des mécanismes de soutien à ces énergies, je me propose de passer en revue les différentes filières.

L'éolien onshore présente des coûts relativement comparables à ceux des filières conventionnelles ou qui commencent à se rapprocher de ceux-ci. On peut donc imaginer qu'à l'horizon 2020 cette filière n'aura plus besoin d'être soutenue.

Le recours à des mécanismes de soutien, notamment le tarif d'achat, paraît donc avoir produit ses effets pour l'éolien terrestre, à propos duquel nous ne sommes d'ailleurs presque plus dans un débat économique mais plutôt dans un débat de société portant sur l'acceptabilité de l'installation de nouvelles éoliennes en France.

De façon générale, les mécanismes de soutien nous semblent être totalement justifiés et appropriés en matière de politique énergétique : que ce soit pour le nucléaire ou pour les énergies renouvelables, une amorce par un financement public est souvent nécessaire pour développer des technologies dans lesquelles les opérateurs économiques ne trouveraient pas sinon de rentabilité.

Pour l'éolien offshore, il y a principalement deux mécanismes de soutien, à savoir un mécanisme d'appel d'offres couplé à un mécanisme de tarif d'achat.

Les volumes financiers correspondants devraient, certes, être significatifs - je fais un petit « détour » par la quatrième question -, mais compte tenu des enjeux et du potentiel important de cette filière, notamment en termes de leadership industriel pour la France, ces mécanismes nous semblent tout à fait justifiés. Des consortiums se sont montés pour répondre à l'appel d'offres éolien et, en contrepartie du tarif d'achat, il y a des bénéfices sociaux et économiques, notamment en termes d'emploi, d'innovation et de recherche.

Pour le solaire photovoltaïque, la logique est semblable, s'agissant en tout cas de l'intérêt du tarif d'achat, mais il y a peut-être plus d'interrogations.

D'abord, dans l'élan du Grenelle de l'environnement, un certain nombre de projets, parfois un peu farfelus, avaient été développés en vue de profiter d'une sorte d'effet d'aubaine, ce qui avait conduit à une croissance du coût de l'électricité pour les consommateurs et à un emballement du mécanisme, qui avait dû être freiné.

Ensuite, les retombées économiques pour la France qui permettraient de légitimer pleinement le tarif d'achat nous semblent, pour l'instant, un peu moindres que pour l'éolien au regard de perspectives à la baisse du solaire photovoltaïque mais aussi d'autres enjeux.

Je pense notamment aux émissions de gaz à effet de serre. Si le bilan du solaire photovoltaïque n'est qu'un tout petit peu plus élevé que celui de l'éolien, ce bilan se dégrade très fortement dès lors que les panneaux sont produits dans une zone où l'électricité est fortement carbonée. Bref, si on utilise des panneaux solaires produits en Chine pour faire de l'électricité en France, le gain en termes de CO2 sera pratiquement nul.

Par conséquent, la justification du tarif d'achat par des motivations environnementales n'a plus lieu d'être.

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