Intervention de Benoît Faraco

Commission d'enquête sur le coût réel de l'électricité — Réunion du 4 avril 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Benoît Faraco porte-parole et coordinateur changement climatique et énergies de la fondation nicolas hulot pour la nature et pour l'homme

Benoît Faraco, porte-parole et coordinateur Changement climatique et énergies de la Fondation Nicolas Hulot pour la nature et pour l'homme :

Si vous le permettez, je ferai d'abord un petit retour en arrière sur la question des tarifs d'achat. En effet, j'ai omis d'évoquer un point qui nous semble essentiel : l'information et la transparence vis-à-vis du public concernant les mécanismes de financement.

Il nous paraît absolument fondamental, pour apaiser le débat sur les tarifs d'achat, d'informer le grand public, notamment sur l'utilisation de la contribution au service public de l'électricité, la CSPE, via par exemple l'obligation pour les différents fournisseurs d'électricité de préciser le pourcentage du montant de la facture consacré à l'énergie solaire, à l'éolien ou à la cogénération de gaz.

Aujourd'hui, d'après ce que nous disent les sympathisants de la communauté de la fondation Nicolas Hulot, l'opacité des tarifs suscite de grandes interrogations. Concernant le coût des énergies renouvelables ou le rôle de la péréquation tarifaire, voire des soutiens à la cogénération de gaz, les ressentis sont assez déconnectés des réalités. C'est pourquoi, je le répète, il nous semble vraiment essentiel, si on veut améliorer l'acceptabilité sociale de ces mécanismes, d'informer en toute transparence celui qui paie, c'est-à-dire le consommateur, sur l'utilisation de la CSPE, sur la part de sa facture annuelle qui sert au développement de l'éolien et du solaire, ou à la solidarité, à la péréquation tarifaire avec les départements, régions et collectivités d'outre-mer.

Après cette parenthèse, j'en viens à la sixième question, qui porte sur les actions qu'il convient de mener prioritairement afin de réduire la consommation d'électricité en France.

Le constat qui justifie que nos recommandations soient principalement centrées sur les ménages, c'est que la consommation d'électricité dans le secteur industriel est à peu près constante depuis une trentaine d'années, notamment à cause de la désindustrialisation de la France. En effet, de nombreuses activités électro-intensives, comme la scierie, ont été délocalisées, ailleurs en Europe, à la périphérie de l'Europe ou dans les pays émergents. Dans le même temps, des gains ont été réalisés en matière d'efficacité énergétique.

En revanche, ce qui est préoccupant, c'est la forte croissance du chauffage électrique et de l'électricité spécifique, tant dans les bâtiments résidentiels que dans les bâtiments tertiaires. Au total, la consommation d'électricité des ménages augmente de 3 % par an, d'une manière assez régulière depuis une dizaine d'années. Ni la hausse du prix de l'électricité ni la crise économique n'ont entraîné de véritable ralentissement.

Je distinguerai deux types de mesures prioritaires : des mesures structurantes et des mesures spécifiques liées à la pointe électrique, qui constitue un sujet important.

S'agissant de la pointe électrique, il y a deux sujets principaux.

Le premier est le chauffage, puisque chacun allume le sien à dix-neuf heures, en rentrant du travail, ce qui nous permet de battre chaque année un bien triste record : celui de l'appel de puissance. Nous sommes favorables à des mesures fortes d'isolation des bâtiments, voire d'interdiction du développement du chauffage électrique dans les logements mal isolés. En effet, le chauffage électrique est sans doute pertinent pour des logements performants d'un point de vue thermique, mais, compte tenu des perspectives d'évolution à la hausse du coût de l'électricité, des enjeux sociaux et de l'efficacité relativement modeste de l'électricité en termes de service rendu et de confort dans les logements mal isolés, il nous semble important que les pouvoirs publics agissent prioritairement sur ce point.

Le deuxième sujet principal est l'éclairage. Nous avons progressé grâce à l'interdiction des ampoules à incandescence, mais d'autres questions ont été laissées de côté. Depuis les tables rondes sur l'efficacité énergétique, on commence à aborder certaines d'entre elles ; je pense notamment à l'interdiction des enseignes lumineuses, même si ce n'est qu'une petite mesure.

Toutefois, il nous paraît important d'engager une réflexion plus globale sur l'éclairage, et notamment sur la question des halogènes. En effet, pour un service rendu d'éclairage quasi identique, la consommation peut être multipliée par dix par rapport à une ampoule à incandescence. Or, malheureusement, l'éclairage halogène est en constant développement, puisque, même si on en a fini avec l'halogène à 100 ou 200 watts, on installe partout, chez les ménages mais aussi parfois dans les commerces, de petites rampes de cinq ou six halogènes à 10 watts, qui utilisent dix fois plus d'électricité que les ampoules basse consommation, pour un service rendu à peu près équivalent. Il y a donc vraiment des actions à mener dans ce domaine.

J'en viens aux mesures structurelles. Nous avons besoin de travailler fortement sur les compteurs intelligents. Il nous paraît important, en termes de pédagogie et d'information du public, de rendre visibles les consommations d'électricité. Peut-être cela vous fera-t-il sourire, car cela peut sembler anecdotique, mais le fait de donner un peu de visibilité aux compteurs dans la maison, en mettant un voyant rouge ou vert, par exemple, d'utiliser des éléments de communication et de pédagogie vis-à-vis des consommateurs d'électricité, est fondamental à nos yeux.

Il nous paraît également important de renforcer les normes, notamment pour l'ensemble des appareils électroménagers, hi-fi et autres. On a parlé d'un système de bonus-malus pour les téléviseurs et les ordinateurs. Là aussi, on peut avoir l'impression que c'est anecdotique, mais nos analyses de la consommation électrique des Français montrent que c'est l'accumulation de ces nouveaux usages de l'électricité qui contribue à l'augmentation de la consommation.

Je prendrai un exemple : la consommation annuelle d'une « box » donnant accès au wifi et à la télévision - presque chacun d'entre nous en possède une aujourd'hui - représente la moitié de celle d'un réfrigérateur. Par conséquent, la multiplication de ces petits appareils - on pourrait aussi mentionner les recharges de téléphone - soulève un certain nombre d'interrogations. Or, pour l'instant, ni l'État ni l'Union européenne ne se sont vraiment intéressés aux moyens de réglementer ce secteur afin d'harmoniser les consommations.

Il en va de même du parc de téléviseurs : pour un même service rendu - regarder un match de football -, certains modèles neufs consomment dix fois plus que d'autres dont le prix est équivalent. Il y a donc, je le répète, un besoin de contrôle, voire de normes dans ce domaine.

Je vais m'arrêter là, sauf si vous me laissez l'opportunité de développer une proposition d'évolution des tarifs de l'électricité présentée par la fondation Nicolas Hulot. Cette proposition me semble particulièrement pertinente compte tenu de l'objet de votre commission d'enquête. Dois-je la développer maintenant ou vous la laisser par écrit ?

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