C'est une question fréquente, à la fois conceptuelle et pratique. Il faudrait ajouter à ces termes ceux de bien-être et de crise d'adolescence - même si, comme le disait Winnicott, celle-ci passe spontanément.
L'intensité compte également. Un enfant ou un adolescent peut avoir un soir le sentiment que personne ne l'aime, qu'il n'est pas beau, qu'il ne sait pas bien faire les choses. Ce sera passé le lendemain matin. Ce n'est ni intense ni durable. Il s'agit d'un vécu existentiel lié au développement et aux apprentissages de la vie. La question de l'intensité d'une part et le fait que ce soit variable ou que cela dure compte dans le fait de savoir à quel niveau mettre le curseur.
Il existe donc une continuité dans ces états et des catégories. À un certain moment, on bascule dans une catégorie. Celle qui relève du registre de la pédopsychiatrie est bien sûr la souffrance psychique qui se transforme en trouble psychiatrique.
Dans une situation de développement et de transformation, un certain nombre de cas peuvent passer par un mal-être, une souffrance, puis finir en une dépression constituée, alors que cela a débuté par une difficulté d'estime de soi, de l'ordre d'un petit mal-être. Cela devient ensuite une véritable souffrance qui se répète, avant de basculer dans un état qui tire vers le bas, qui empêche de prendre du plaisir et d'être heureux.
On tombe dans quelque chose de l'ordre de la dépression. Or, la dépression - c'est une découverte de ces dernières années - existe à tous les âges, même chez les petits. Il s'agit alors d'un trouble psychiatrique.
L'enfant est souvent très bon juge de ce qui lui arrive. Un petit garçon d'environ dix ans ayant fait une tentative de suicide - ce qui est heureusement assez rare - avait dit, plusieurs jours auparavant, qu'il n'était pas heureux, que les choses n'allaient vraiment pas bien, que cela ne « tournait pas rond dans sa tête » et qu'il était « aspiré par le vide ».
Il n'a pas été pris au sérieux car on a le sentiment que les enfants ne sont pas capables de faire la différence entre la vie et la mort. On se demande souvent à quel âge ils se représentent la mort. On peut se représenter la mort très tôt lorsqu'on est confronté à des situations difficiles.
Si l'enfant est assez bon juge encore faut-il le repérer. Dans le cas que j'évoque, il fallait se mettre à son niveau et lui demander ce qui n'allait pas.
Ce sont les adolescents en particulier qui nous permettent de déterminer si l'on en est à un simple niveau existentiel ou au stade d'une souffrance qui se répète et qui commence à peser, d'un état psychique, d'un trouble psychiatrique, d'une dépression constituée, ou celui d'un autre état encore plus grave.
L'enfant est capable de dire ce qu'il ressent de son point de vue. Les adultes oublient le point de vue de l'enfant. C'est ainsi. C'est peut-être une nécessité pour devenir adulte. On oublie la force que peut avoir une vexation, la répétition de petites brimades ou de rivalités car on considère que ce n'était pas si grave.
Or, il n'en est rien car, quand on est enfant et en développement, on constitue ses valeurs de jugement et ses valeurs relationnelles.
Trois niveaux vont permettre d'évaluer où en est l'enfant. Le premier niveau est celui de son développement intrinsèque. Le deuxième niveau concerne le relationnel et consiste à savoir comment il se comporte avec les autres - frères, mère, père, grand-mère, amis, professeurs. Enfin, troisième niveau : dans quel environnement l'enfant évolue-t-il ? Y a-t-il des ruptures, des violences ou est-il content ? L'environnement est-il capable de consoler, de réparer ?
On évalue ces trois niveaux et on voit si l'on se situe au début ou à la fin d'un processus.