Intervention de Marie-Rose Moro

Mission d'information situation psychiatrie mineurs en France — Réunion du 10 janvier 2017 à 17h30
Audition de Mme Marie-Rose Moro professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent chef de service à l'université paris descartes et M. Jean-Louis Brison inspecteur d'académie — Inspecteur pédagogique régional auteurs du rapport « plan d'action en faveur du bien-être et de la santé des jeunes » remis au président de la république en novembre 2016

Marie-Rose Moro, professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, chef de service à l'université Paris Descartes :

Nous avons bien sûr croisé ces questions mais un rapport a été précédemment rendu à propos de la médecine scolaire, vous le savez.

C'est une question qui n'est pas résolue et qui préoccupe tout le monde à juste titre. Il faut en outre associer à la médecine scolaire la médecine universitaire, qui est dans le même état. Il existe des dispositifs expérimentaux géniaux mais, la plupart du temps, il n'y a rien.

Cela fonctionne pourtant très bien dans certains endroits, comme le modèle canadien. On n'a même pas besoin de l'inventer : il est là !

S'agissant de la médecine scolaire, je ne reviendrai pas sur les psychologues de l'Éducation nationale. C'est une véritable révolution qui est en cours. J'espère qu'elle va aller jusqu'au bout. Il est inédit de penser que l'on va désormais s'occuper du bien-être et du mal-être à l'intérieur de l'école, en donnant entre autres cette possibilité aux psychologues scolaires, en lien avec des équipes médico-psycho-sociales.

Il est vrai que la médecine scolaire n'est guère attirante aujourd'hui. Les problèmes sont connus : il s'agit des rémunérations et de l'harmonisation entre médecins, infirmiers, assistantes sociales et autres personnels.

Le fait de créer des dispositifs d'alerte, qui fait partie de nos propositions, va permettre d'utiliser les ressources extérieures. On a l'impression que l'école est seule au monde et ne peut utiliser tout ce qui existe dans le dispositif de soins. Les médecins scolaires sont très isolés. Les infirmières scolaires se battent seules sur ce sujet. Elles savent que si elles ne sont pas en lien avec l'extérieur, elles ne pourront rien faire à l'intérieur de l'école.

Nous avons proposé de nouvelles organisations à l'école, en lien avec le système de santé, celui-ci pouvant également entrer à l'école quand c'est nécessaire, par l'intermédiaire des maisons des adolescents ou des possibilités d'interventions de médecins généralistes, comme le médecin scolaire par exemple.

Il en va de même pour la médecine universitaire, fondamentale entre dix-huit et vingt et un ans, moment de grande vulnérabilité. C'est le moment où l'on quitte parfois ses parents, où l'on se retrouve seul. Il faut être capable de se soigner, de reconnaître que l'on va mal - addictions, souffrance, éclosion des pathologies psychiatriques.

Plus de 50 % des pathologies psychiatriques de l'adulte apparaissent avant seize ans. Ces chiffres proviennent de l'OMS, qui les a récemment communiqués.

Enfin, énormément de bonnes choses sont réalisées. Jean-Louis Brison le disait : on en a répertorié un certain nombre dans les champs qui nous intéressaient. On s'est demandé quelles étaient les raisons pour lesquelles on n'était pas capable de les généraliser, alors qu'on les évalue, qu'on sait qu'elles sont bonnes et que cela fonctionne.

Par ailleurs, afin de permettre d'utiliser les compétences d'autres pays qui ont réussi à mettre des dispositifs en place, nous proposons la création d'un institut, l'Institut national de la santé des jeunes. Il repose sur le modèle australien et permettrait de constituer un lieu où toutes ces ressources pourraient être analysées, colligées, évaluées et transformées en modèles.

Ce lieu pourrait peser sur les politiques de recherche, d'enseignement, de formation, etc. et permettre d'agir sur la société pour faire en sorte que la santé des jeunes soit considérée comme un véritable objet.

Vous avez soulevé la question de la discrimination et de la stigmatisation. Peut-être pratique-t-on parfois la politique de l'autruche.

C'est de moins en moins vrai, les nouveaux dispositifs innovants ayant poussé les murs. Ainsi, mon service, la maison des adolescents de Cochin, ne ressemble pas à un hôpital - et il n'y a pas que le mien. Il existe des équipes de liaison et des dispositifs qui vont dans la cité ou qui viennent de la cité.

J'ai lu dans une étude récente - et je le constate au quotidien - que la stigmatisation est plus importante chez les parents que chez les enfants et les adolescents eux-mêmes. Nous disposons d'un système d'accueil sans rendez-vous, anonyme. On peut venir seul à la maison des adolescents de Cochin, la maison de Solenn, sans ses parents, et on peut même ne pas donner son nom, même s'il est assez rare que les adolescents gardent l'anonymat.

Toutefois, certaines ne veulent pas que leurs parents connaissent leur état, par crainte de les faire souffrir. C'est assez caricatural. Ils disent tous la même chose, quel que soit le niveau social. Une jeune fille en classe préparatoire, issue d'une famille très aisée, m'a ainsi confié qu'elle ne pouvait avouer à ses parents qu'elle se sentait déprimée et m'a demandé de ne surtout pas les prévenir. La stigmatisation vient de la société, des parents. Cela va bien sûr changer mais c'est à ce niveau qu'il faut agir.

Sauf pour les petits, ce n'est toutefois pas le problème majeur, qui demeure partout l'attente de soins.

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