La stratégie des pouvoirs publics au début des années quatre-vingt-dix, inspirée par les études du Commissariat au plan, a été de réduire le coût du travail sur les emplois peu qualifiés - ou plutôt sur les bas salaires - tout en préservant la rémunération des salariés. La stratégie globale comprenait également une revalorisation du Smic, ainsi que des compléments de revenus d'activité comme la prime pour l'emploi (PPE) et le RSA-activité. Les annonces du nouveau Premier ministre dans son discours de politique générale vont encore dans ce sens.
Les allègements portent sur les cotisations sociales, correspondant aux trois principales branches : maladie, vieillesse, famille. Ils ne portent pas, jusqu'à présent, sur les contributions sociales - assurance chômage, retraite complémentaire, formation professionnelle etc. La dépense atteint 20,6 milliards d'euros en 2012.
La politique des allègements de cotisations a connu trois grandes phases. Les allègements ont commencé en 1993 et se sont étendus jusqu'en 1998 (avec les allègements Juppé). Puis le passage aux 35 heures s'est accompagné du doublement du montant des allègements, entre 1999 et 2003. Enfin, entre 2003 et 2006 a été mise en oeuvre la réforme Fillon, qui visait à faire converger par le haut les minima salariaux sans pour autant accroître le coût du travail. Elle était inspirée par une logique défensive, selon laquelle la forte hausse du Smic devait être compensée par les allégements de cotisations. La montée en charge de ce dispositif s'est achevée en 2008, et après ce pic le montant des allégements a reculé d'environ 10 %, en raison aussi de la crise.
Nous avons mesuré l'impact de ces allégements sur l'évolution du coût relatif du travail au niveau du salaire minimum, par rapport à celle du coût du travail au niveau du salaire médian. Ces courbes divergent à partir des années quatre-vingt-dix grâce à la mise en place des allégements généraux. La deuxième phase d'allègements, qui a accompagné la réduction du temps de travail et la réforme Fillon, a été défensive, visant à empêcher que le coût du travail n'augmente du fait des revalorisations du Smic. Au final, on a réussi à ramener le coût du travail au niveau du Smic à ce qu'il était dans les années soixante. Avec une conséquence : la part de l'emploi non qualifié dans l'emploi total ne diminue plus depuis les années quatre-vingt-dix.