Intervention de Yannick L'Horty

Mission commune d'information impact emploi des exonérations de cotisations sociales — Réunion du 10 avril 2014 à 9h30
Audition de M. Yannick L'horty économiste professeur à l'université paris-est marne-la-vallée

Yannick L'Horty :

Les économistes appellent « incidence fiscale » l'impact d'une hausse des exonérations sur le coût du travail. Au voisinage proche du Smic l'incidence fiscale est très forte, car ce sont les pouvoirs publics et non le marché qui fixent le montant du Smic brut, celui des cotisations sociales employeur et celui des cotisations sociales payées par l'employé. Une baisse des cotisations sociales de l'employeur se répercute donc intégralement sur le coût du travail - l'impact de la baisse de celui-ci sur le niveau de l'emploi est un autre débat.

Lorsque l'on s'éloigne du Smic, les salaires sont négociés et des « fuites » ne sont pas à exclure : une baisse des cotisations sociales peut être absorbée en tout ou partie par une augmentation des salaires. Les exonérations ne sont donc pas des outils adéquats pour faire baisser les coûts de production lorsque les salaires ne sont pas très proches du Smic. C'est une bonne raison pour les concentrer sur les bas salaires. De surcroît, la sensibilité de l'emploi au coût du travail est plus élevée pour les bas salaires. Il y a enfin un argument purement comptable, relatif à l'effet d'assiette. À enveloppe budgétaire donnée d'exonérations, la concentration sur les bas salaires garantit un effet plus élevé qu'une distribution plus large.

En somme, le barème idéal d'exonération serait une concentration extrême au voisinage immédiat du Smic. L'État pourrait même, à ce niveau, financer une partie des salaires. Ce serait la politique la plus efficace pour créer des emplois. Bien sûr, un tel barème créerait en revanche plus qu'une trappe, un gouffre à bas salaires. Les salariés deviendraient prisonniers d'un niveau de rémunération bloqué. Les gouvernements successifs qui ont mené une politique d'exonérations ont fait des compromis entre lutte contre le chômage, aménagement des carrières salariales, défense de la productivité et de la compétitivité : chaque arbitrage se lit dans le barème. Un nouveau compromis est en cours d'élaboration aujourd'hui.

Une politique d'exonération doit être accompagnée d'un effort de formation, afin que les travailleurs non qualifiés ne soient pas trop nombreux : les exonérations ont vocation à s'intégrer dans des politiques plus globales.

Le risque de trappe à bas salaires a été très vite pris en compte. En effet, si les mesures de 1993-1994 étaient en marches d'escalier, on prend soin depuis lors de retenir un profil linéairement dégressif afin d'éviter les effets de seuil. Mais alors, il en résulte une modération salariale plus générale. Il faut donc être vigilant dans la définition de la pente des exonérations. La concentration des exonérations au voisinage du Smic doit s'accompagner d'un élargissement de la fenêtre d'exonération pour obtenir une pente correcte. Les gouvernements successifs ont respecté ce principe, c'est le cas aujourd'hui aussi dans le pacte de responsabilité annoncé.

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