Intervention de Élisabeth Hubert

Commission d'enquête Hôpital — Réunion du 26 janvier 2022 à 18h30
Audition de Mme élisabeth Hubert présidente de la fédération nationale des établissements d'hospitalisation à domicile

Élisabeth Hubert, présidente de la Fédération nationale des établissements d'hospitalisation à domicile :

Je pense que les raisons sont nombreuses, mais que l'une d'entre elles a trait à la formation des médecins. En effet, cette formation hospitalo-universitaire se déroule dans un univers formaté et conditionné qui a fait disparaître certaines pratiques comme l'interrogatoire du patient et de son entourage, la sémiologie ou l'étude des signes. Les examens complémentaires étaient demandés seulement après cette première étape. De nos jours, les différents examens sont prescrits alors que le patient est déjà dans un lit : radio, scanner, prise de sang, etc. Ce tropisme technique conduit à moins mesurer et prendre en compte les éléments diagnostics cliniques. Il s'agit d'un problème de formation et de « tunnellisation ». Il y a une sous-segmentation des disciplines en médecine. En caricaturant un peu, un médecin de garde spécialiste de la hanche préfèrera attendre le lendemain pour confier à l'orthopédiste un patient qui s'est cassé le bras. Les spécialisations se sont multipliées en cardiologie, telles la rythmologie ou l'hypertensiologie. Je ne prétends pas que cela n'a que des défauts, car nous avons des professionnels qui sont parfaitement experts dans leur domaine. Néanmoins, ce n'est pas parce qu'un professionnel est hyperspécialisé dans un domaine qu'il n'est pas compétent dans d'autres.

Je considère que la formation est un élément extrêmement important sur lequel il faut insister, non pas en allongeant la durée de formation, mais en s'efforçant de l'adapter davantage aux besoins de la population qu'elle ne l'est aujourd'hui.

Vous avez fait allusion au fait que nous pouvions être une sorte de « laboratoire ». Nous le sommes, ce qui constitue à la fois un avantage et un inconvénient. Nous sommes hybrides, car nous appartenons à un domaine, celui de l'hospitalisation, mais notre hospitalisation relève du domaine de l'ambulatoire. Ce caractère hybride est une immense chance. La taille de nos structures et le fait que nous ayons finalement des investissements extrêmement légers grâce au numérique nous permettent une grande adaptabilité. Avoir cette capacité d'adaptation est un élément important pour mieux prendre en compte les besoins qui nous sont exprimés, mais a contrario, il n'est pas toujours aisé de nous identifier.

De plus, l'hospitalisation à domicile est non seulement un dispositif sanitaire dans les conditions que je viens d'évoquer, mais lorsque nous effectuons des évaluations de prise en charge d'un patient, elles comportent trois dimensions :

- une dimension médicale en premier lieu avec un projet thérapeutique curatif ou palliatif ;

- une dimension soignante et organisationnelle avec une évaluation de l'organisation à mettre en place (le nombre de passages d'infirmiers, la prévision d'une aide-soignante si le patient est dépendant, le matériel) ;

- une troisième dimension psychosociale très importante, avec des lectures parfois un peu compliquées des situations. Par exemple, dire à un médecin que nous prenons en charge un patient un peu limite, car il existe un tel problème social dans son environnement que nous devons accompagner la mise en place de l'APA, et répondre à ce même médecin le lendemain que nous refusons un patient du même âge et présentant la même pathologie, peut être à l'origine d'incompréhensions. Or, le deuxième patient a un entourage et un environnement favorables, son autonomie n'est pas meilleure, mais notre intervention n'aurait pas été psychosociale. Elle aurait été uniquement soignante et du domaine d'une infirmière.

Ma dernière réponse concerne votre question sur les autres pays européens. Même si mon propos peut vous apparaître un petit peu sévère, il n'est pas un plaidoyer pro domo pour l'hospitalisation à domicile telle que nous la pratiquons, mais l'emploi des mêmes termes ne recouvre pas obligatoirement une réalité semblable à l'étranger. Le home care à l'étranger, notamment dans les pays anglo-saxons, ne recouvre pas toujours les mêmes situations. Un champ plus extensif existe, à mi-chemin entre l'hospitalisation à domicile de la France et l'ambulatoire, dans lequel sont intégrés un certain nombre de soins réalisés aujourd'hui en France par des prestataires. De plus, une étude datant de quatre ou cinq ans et réalisée par un étudiant de l'École des hautes études en santé publique nous a permis de comprendre que l'on qualifiait d'hospitalisation à domicile en Angleterre, au Danemark, dans les pays nordiques, au Canada, en Espagne, en Italie, en Australie, des prises en charge comparables à l'hospitalisation à domicile en France, mais sur un champ territorial beaucoup plus limité. Par exemple, en Espagne, on trouve dans la région de Valence une activité se rapprochant beaucoup de l'hospitalisation à domicile, avec les mêmes champs et les mêmes organisations. Il en était de même pour une province en Australie. Ailleurs, nous nous sommes aperçus de similitudes pour certaines typologies de patients, comme les patients âgés pour les soins palliatifs par exemple. L'hospitalisation à domicile correspond donc à une réalité plus segmentée à l'étranger. Nous avons constaté que nous étions le seul pays doté d'une démarche aussi exigeante, technique et complexe, diffusée sur tout le territoire, avec un champ aussi large qui allait du nourrisson à la personne très âgée, et qui était solvabilisée par l'assurance maladie.

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