Intervention de Élisabeth Hubert

Commission d'enquête Hôpital — Réunion du 26 janvier 2022 à 18h30
Audition de Mme élisabeth Hubert présidente de la fédération nationale des établissements d'hospitalisation à domicile

Élisabeth Hubert, présidente de la Fédération nationale des établissements d'hospitalisation à domicile :

Concernant l'intensité en personnel, la situation a beaucoup évolué au fil des années et les chiffres que je vais vous communiquer correspondent à des moyennes.

Je commencerai par les médecins, non pas parce que je privilégie la profession, mais parce qu'ils sont les plus difficiles à recruter comme je vous l'expliquais précédemment.

Aujourd'hui, nous estimons que, compte tenu de la complexité des patients, l'idéal est d'avoir un médecin pour 40 à 45 patients maximum. Ce ratio permet aux médecins d'avoir une bonne connaissance de leur patientèle et d'assurer pleinement leur rôle de médecins-praticiens en HAD. Ils ne se substituent pas aux médecins traitants, mais agissent comme de véritables experts. Ils sont les praticiens du suivi des patients. Cependant, cette configuration idéale reste rare. Certains établissements y parviennent, mais temporairement seulement, car il suffit d'une absence ou d'une grossesse pour revenir à des situations moins confortables d'un médecin pour 50, 60, voire même 70 patients. La difficulté à recruter des médecins est bien entendu la première cause de ces difficultés.

Le deuxième poste est celui des infirmières, sachant que deux modes de travail coexistent en HAD.

Certains établissements, notamment les plus anciens, travaillent majoritairement avec des infirmières salariées. Ces établissements assurent le service auprès des patients comme à l'hôpital.

Mais de plus en plus d'établissements travaillent aujourd'hui avec des infirmières libérales. Une infirmière est ainsi affectée à un patient, qu'elle continue de suivre en HAD. Pendant des années, ce mode de travail a été conflictuel et difficile, mais nous constatons aujourd'hui une entente globalement satisfaisante sur le terrain. Certes, quelques frictions persistent, mais cette démarche est devenue commune et nous permet de nous adapter. Aujourd'hui, les infirmières libérales sont nombreuses et cette situation nous permet d'être moins dépendants des embauches. Par contre, nous sommes de plus en plus dotés d'infirmières-coordinatrices dans nos établissements de HAD. Elles représentent les chevilles ouvrières de l'organisation : elles se rendent au domicile pour observer la situation, évaluer si le circuit est respecté, si la traçabilité est satisfaisante et si les soins sont bien délivrés. Certains établissements de HAD comptent une infirmière-coordinatrice pour huit patients pour des raisons qui sont celles de leurs territoires. D'autres, notamment quand ils ont encore des infirmières salariées, comptent une infirmière-coordinatrice pour douze ou quinze patients. Leur nombre dépend des organisations internes, mais nous avons effectivement des infirmières coordinatrices en nombre assez important.

Concernant les aides-soignantes, le nombre idéal dépend de la proportion de patients qui ont besoin de soins de l'intime et cet équilibre peut être très variable selon les périodes et les territoires. Les territoires très ruraux ou très urbains comme Paris connaissent des temps de déplacement importants. Sur ces territoires, s'occuper le matin de cinq voire six patients s'avère être le maximum.

Nous avons également des temps de psychologues qui sont très variables, car certaines zones géographiques concentrent un nombre important de psychologues exerçant en libéral.

Nous avons tous des temps d'assistantes sociales qui peuvent être également variables. L'assistante sociale peut être celle de l'hôpital de rattachement.

Concernant la couverture territoriale, nous pourrons vous fournir les chiffres et je ne vais pas trop m'appesantir sur des différences qui sont encore très fortes selon les régions.

Certaines régions ont déjà atteint un taux de recours proche de trente patients pour 100 000 habitants. Ces taux correspondent à ceux fixés huit ans auparavant dans un précédent texte. Or aujourd'hui, certaines régions atteignent péniblement un taux d'une vingtaine de patients pris en charge pour 100 000 habitants. Il faut toutefois rester prudent avec les chiffres puisqu'ils recouvrent des réalités différentes. Ils peuvent notamment être faussés par des durées moyennes de séjour plus ou moins longues.

Pour revenir à votre question, je sais que de très beaux établissements ont réussi à se développer en zone très rurale. Le « très rural » n'est pas un inconvénient pour mettre en place de l'hospitalisation à domicile. D'ailleurs, les relations avec les infirmières libérales sont souvent bonnes en zone rurale. Certes, les médecins sont des espèces rares en zone rurale, mais ils ne se posent pas la question de savoir si l'hospitalisation à domicile est utile ou pas. Ils ne seront pas obligés de chercher des aides ou de monter des dossiers, car nous nous en occupons. Installer de l'hospitalisation à domicile en zone rurale est parfois compliqué, car certains hôpitaux subissent un fort déclassement, ce qui peut avoir une incidence sur l'hospitalisation à domicile. Néanmoins, les patients sont toujours présents et ont besoin d'un suivi.

Quand j'évoquais précédemment les lits, je parlais des lits d'hospitalisation conventionnelle, car je n'utilise pas le mot « lit » pour l'hospitalisation à domicile.

Je pense qu'on mesure encore trop les situations par rapport aux nombres de lits hospitaliers. Or, ce ne sont pas les lits qui manquent, mais le personnel. Il y a 25 ans, lorsque j'occupais d'autres fonctions, je travaillais avec une collaboratrice qui considérait que le lit, c'était « quatre roues avec une paillasse dessus » et donc que les « quatre roues avec la paillasse dessus » pouvaient bouger. Je crois que nous sommes encore dans une organisation qui dépend trop des chambres et des lits.

Concernant l'hospitalisation à domicile et les urgences, je peux vous donner l'exemple de l'ARS Occitanie qui a initié un processus intéressant. À l'aide d'une médecin référente de l'hospitalisation à domicile, très active et proactive, Pierre Ricordeau avait donné son aval pour mener une action auprès des urgences. Ils ont réuni les établissements pour leur demander ce qui serait nécessaire pour améliorer la coordination avec les urgences. Tous les acteurs ont souligné la nécessité de disposer de postes d'infirmiers. L'Occitanie a donc financé un temps d'infirmière de liaison pour une durée de six mois par département, l'idée étant de générer de l'activité permettant ensuite de financer le poste.

L'infirmière de liaison est HAD, mais par contre, elle est présente. Dans les endroits à forte densité, elle travaille au sein même de l'hôpital comme à Toulouse ou Montpellier, car elle a constamment du travail et des évaluations à faire. En Lozère, les urgences étant moins denses, elle n'est pas présente à demeure à l'intérieur de l'hôpital, mais elle y passe tous les matins pour vérifier si des patients seraient éligibles.

Quant au financement, la situation est toujours la même : nous sommes dépendants à 95 % de la tarification à l'activité et n'avons pas de frais annexes, à l'inverse des hôpitaux. Nous souhaitons simplement que notre tarification à l'activité soit plus adaptée à nos patients et aux soins actuels, alors qu'elle a été définie il y a bientôt vingt ans lorsque l'hospitalisation à domicile n'avait rien à voir avec la forme qu'elle a prise à présent.

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