Intervention de Bernard Jomier

Commission d'enquête Hôpital — Réunion du 27 janvier 2022 à 10h30
Audition de représentants de formes d'exercice regroupé : dr pascal gendry président d'avenir des équipes coordonnées avecsanté dr claude leicher président de la fédération nationale des communautés professionnelles territoriales de santé cpts et dr hélène colombani présidente de la fédération nationale des centres de santé

Photo de Bernard JomierBernard Jomier, rapporteur :

Madame Colombani, je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant : « Je le jure. »

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Hélène Colombani prête serment.

Docteur Hélène Colombani, présidente de la Fédération nationale des centres de santé. - L'explosion des maladies chroniques et l'évolution démographique justifient de travailler sur les relations entre la ville et l'hôpital. Depuis plusieurs années, ces relations se sont clairement améliorées et des expériences ont été menées en la matière. Ainsi, depuis les années 1990, les centres de santé accueillent des consultations avancées de spécialistes, ce qui est enrichissant pour tout le monde.

Aujourd'hui, nous rencontrons des difficultés pour accéder, dans des délais convenables et en secteur 1, à des soins de deuxième ligne et aux plateaux techniques. Dans les centres de santé - 25 % d'entre eux sont installés dans un quartier prioritaire de la politique de la ville -, le public est souvent précaire et pas en capacité de payer des dépassements d'honoraire.

Une autre difficulté réside dans les ruptures de charge à l'entrée, puis à la sortie de l'hôpital. Même si des expériences ont été menées, il reste beaucoup de travail à faire pour améliorer la fluidité des parcours de soins.

Par ailleurs, il n'existe aujourd'hui quasiment aucune instance de copilotage et de coordination entre la ville et l'hôpital sur un territoire donné. Une telle instance permettrait de coconstruire un projet partagé pour la population, à la fois en termes de prévention et de soins. Les CPTS sont un véritable outil pour cela, mais il faut qu'elles incluent l'ensemble des structures qui peuvent être concernées, y compris celles du secteur médico-social, ce qui est loin d'être le cas partout aujourd'hui.

Pendant l'épidémie, la CPTS de Nanterre et l'hôpital de la ville ont travaillé ensemble pour élaborer un document d'explication sur le parcours des patients covid, destiné aux patients et aux professionnels. Une telle démarche d'élaboration de protocoles cliniques et médico-sociaux pourrait se décliner pour d'autres maladies - le diabète, l'insuffisance cardiaque, etc. La première chose que demandent les professionnels, c'est souvent un annuaire expliquant les missions et compétences de chacun.

De nombreuses instances de coordination - conseils locaux de santé, conseils locaux en santé mentale, etc. - existent déjà dans les territoires, mais elles ne se parlent pas assez. Un travail de coordination est à faire, qui pourrait être mené au niveau des CPTS, à condition d'inclure tout le monde.

Sur les entrées et sorties dans les hôpitaux, il ne faut pas négliger l'importance de disposer d'un système d'information partagé. Faute d'interopérabilité entre les services d'information de l'hôpital et ceux des professionnels de santé du territoire, nous devons bricoler. Si certains utilisent la messagerie sécurisée de santé, beaucoup ne le font pas. Là encore, un travail reste à mener pour bâtir un système d'information partagé. Des réflexions sur le numérique ont été lancées dans le cadre du Ségur pour la médecine de ville, d'un côté, et pour l'hôpital, d'un autre côté, mais il manque une réflexion sur un système commun. On peut définir ensemble au niveau des territoires les outils à utiliser, mais cela suppose des financements, des compétences. Les médecins de ville manquent de moyens pour faire face à ces enjeux et ne peuvent pas s'appuyer sur des services informatiques.

En ce qui concerne les consultations avancées, plusieurs dispositifs ont été mis en place : assistants généralistes partagés, assistants spécialistes partagés, etc. Dans les centres de santé, on a ainsi pu intégrer un certain nombre de spécialistes et offrir à nos patients la possibilité de les consulter. On peut alors créer des parcours communs avec l'hôpital, ou définir des protocoles permettant un accès plus rapide aux plateaux spécialisés de l'hôpital sans passer par les urgences. Ce système mériterait d'être développé davantage : s'il est bien développé en Île-de-France, il l'est peu ailleurs, la situation étant très inégale selon les régions. En outre, si ce système est financé par les ARS pour l'hôpital, ce sont les gestionnaires des centres de santé qui doivent le financer pour la médecine de ville, ce qui n'est pas juste.

Au-delà, on pourrait développer des formations partagées entre la médecine de ville et l'hôpital, pour créer des parcours ou des échanges réguliers entre les centres de santé et les hôpitaux : cela permettrait aux uns et aux autres d'acquérir une meilleure connaissance réciproque, et de fluidifier les parcours.

Le développement de la télé-expertise dans certains domaines, comme la dermatologie ou la rétinographie pour les fonds d'oeil, constitue une avancée, mais l'intelligence artificielle ne sera pas la solution miracle aux déserts médicaux. Ils ne sont qu'un outil utilisable dans le cadre d'un parcours de soins.

Vous avez expliqué que le recours aux urgences pour les soins non programmés n'était pas toujours nécessaire ; il en va de même pour d'autres domaines, certaines situations de perte d'autonomie. Y a-t-il des situations dans lesquelles vous êtes contraints d'envoyer des patients à l'hôpital alors qu'une meilleure organisation des soins permettrait de ne pas le faire et d'éviter la saturation des hôpitaux ?

Ensuite, je n'arrive pas à comprendre vos propos sur la programmation des retours à domicile : souhaitez-vous qu'ils soient pris en charge par l'hôpital, par la médecine de ville ou par les deux ?

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