Intervention de Caroline Krajka

Mission d'information Fonds marins — Réunion du 5 avril 2022 à 17h00
Audition de Mme Caroline Krajka sous-directrice du droit de la mer du droit fluvial et des pôles au ministère de l'europe et des affaires étrangères et de Mme Alexia Pognonec consultante juridique

Caroline Krajka, sous-directrice du droit de la mer, du droit fluvial et des pôles au ministère de l'Europe et des affaires étrangères :

Mon propos suivra le canevas du questionnaire qui m'a été envoyé. Je suis bien évidemment à votre disposition pour répondre à d'autres questions.

La première question portait sur les politiques et la stratégie nationale concernant les grands fonds marins. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères est porteur du projet, afin d'initier un partenariat européen dans un délai de dix-huit mois.

Sur la base des éléments qui m'ont été communiqués par la sous-direction des secteurs stratégiques de la direction de la diplomatie économique du Quai d'Orsay, je peux vous dire que, dans le domaine scientifique, la coopération internationale est ancienne et permanente. Pour ce qui concerne les potentielles exploitations, la recherche de partenariats se heurte à l'absence de financements français pour cette activité. En effet, il n'existe pas de financement européen direct dans le cadre d'Horizon 2020 sur ce sujet. Le délai de dix-huit mois ne sera donc pas respecté. Je pourrai vous communiquer des informations complémentaires, que je solliciterai, le cas échéant, auprès de mes collègues.

S'agissant des partenariats avec les pays cités par la circulaire, des contacts intéressants ont été établis avec la Norvège et l'Allemagne, voire la Belgique, mais n'ont pas été concrétisés, pour la raison que je viens d'évoquer. Les contacts scientifiques avec le Japon sont réguliers. Il existe notamment un projet d'observatoire commun en Nouvelle-Calédonie.

Ces partenariats sont essentiellement scientifiques. L'Ifremer, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, participe à l'évaluation de l'impact environnemental de la campagne de tests et de prélèvements de nodules polymétalliques menée par l'Allemagne et la Belgique dans le cadre de leur contrat d'exploration de la zone de fracture Clarion-Clipperton dans le Pacifique.

J'en viens aux contrats de l'Ifremer dans la zone internationale, et plus particulièrement au respect des règlements de l'AIFM en matière de protection de l'environnement marin. Dans l'ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française, la France prend bien en compte les compétences liées à la Zone dans son ordre juridique interne. Si besoin est, les campagnes de l'AIFM sont financées directement par l'État.

En pratique, l'Ifremer est très présent au sein de l'AIFM. Il apporte son expertise en matière technique et environnementale à la délégation française, qui contribue à élaborer le code minier. L'Ifremer concourt ainsi à établir le cadre juridique et environnemental de l'AIFM.

Les normes internationales relatives aux grands fonds marins sont en cours d'élaboration, c'est tout l'objet des travaux actuels de l'AIFM visant à établir un code minier. Il s'agit de faire en sorte que ces normes internationales s'établissent sur des standards environnementaux élevés, tels que ceux que nous promouvons au niveau national. Dès lors que le code minier sera adopté, il conviendra de le retranscrire dans l'ordre juridique interne.

Autre question, le MEAE a-t-il été sollicité dans le cadre de la rédaction des ordonnances ? À ma connaissance, il ne l'a pas été.

Les grands principes du droit international de la mer pourraient-ils ou devraient-ils guider le régime juridique applicable aux grands fonds marins sous juridiction nationale ? La règle, c'est le respect de la partie XII de la convention des Nations unies sur le droit de la mer, à savoir la convention de Montego Bay de 1982, qui prescrit une obligation générale pour les États de protéger et préserver le milieu marin. Ce principe de protection du milieu marin se retrouve à l'article 145 de cette convention. De manière générale, il convient d'appliquer le principe de précaution et le principe pollueur-payeur. En tout état de cause, la réforme du code minier devrait établir le cadre juridique s'appliquant à la recherche et à l'exploitation des granulats marins et substances de mines dans les fonds marins du domaine public, notamment pour garantir un haut niveau de protection des écosystèmes marins et en assurer une meilleure connaissance scientifique.

L'objectif est d'assurer une cohérence entre les espaces sous juridictions et les espaces internationaux, de manière à ce que les mêmes principes s'y appliquent pour l'exploration et, éventuellement, l'exploitation.

S'agissant de l'action de la diplomatie française concernant les enjeux liés aux grands fonds marins, ma sous-direction se charge de réunir les différents ministères et services concernés afin d'élaborer les instructions et positions qui seront portées au nom de la France devant l'AIFM.

La France soutient-elle officiellement l'objectif de l'AIFM d'une exploitation des grands fonds marins, lorsque des garanties environnementales suffisantes auront été définies ? La France ne soutient pas l'exploitation des grands fonds lorsque des garanties environnementales suffisantes auront été définies, mais elle conditionne l'exploitation à ces garanties. Pour autant, leur respect ne garantira pas l'obtention automatique d'un droit d'exploiter. Ce point important a été soulevé par Nauru, premier État à avoir déposé une demande d'exploitation. Outre la dimension environnementale, il existe des obstacles techniques, en raison de profondeurs importantes. Il convient également de trancher d'autres points délicats, notamment le montant des redevances à verser, le mécanisme de taxation à mettre en place, le mécanisme de compensation des États producteurs et exportateurs, le mécanisme de partage des avantages issus d'une telle exploitation. En effet, la Zone et ses ressources minérales sont consacrées « patrimoine commun de l'humanité » par la convention de Montego Bay. La France participe activement aux travaux pour préciser et réguler ces différents points.

Dans le cas où toutes les conditions environnementales, techniques et financières seraient réunies et que la France déciderait de patronner un contractant pour l'exploitation, le passage à l'exploitation ne serait pas automatique, mais resterait soumis à l'approbation de l'AIFM. Le contractant français devrait en effet soumettre une demande en ce sens, qui devrait faire l'objet d'un avis favorable de la commission juridique et technique de l'AIFM, puis d'une approbation du conseil de l'AIFM.

La demande d'exploitation de Nauru devra suivre une telle procédure, qui exclut toute automaticité.

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