Je vais être très honnête avec vous : nous n'avons pas encore abordé cette question dans le détail. On explore d'abord, on étudie tous les impacts et si les conditions sont réunies, il y aura peut-être exploitation.
La question des impacts environnementaux est évidemment fondamentale. Nous n'en sommes pas encore à devoir nous entourer d'experts. Puisque vous avez évoqué l'Ifremer, une réflexion doit être menée au niveau du secrétariat général de la mer (SGMer).
L'AIFM travaille à la rédaction d'un code minier. Ses travaux ont beaucoup porté sur la dimension environnementale. C'est un point fondamental, non seulement pour la France, mais aussi pour tous les États parties et l'Autorité. Une grande partie de la session qui vient de s'écouler a été consacrée à ces questions. On avance, mais je ne peux pas vous faire d'annonces particulières. Le conseil se réunira de nouveau durant la seconde quinzaine du mois de juillet pour poursuivre ses travaux.
Je laisserai ma collègue compléter, si elle le souhaite, mais il existe une commission juridique et technique au sein de l'AIFM, composée de juristes, d'océanographes et d'experts de très haut niveau. Ils travaillent sur le projet, la réglementation et les directives. Non seulement ils étudient les demandes d'exploration, mais ils seront également amenés à se prononcer sur les plans d'exploitation. La dimension environnementale sera, bien évidemment, prise en compte pour émettre un avis, qu'il soit favorable ou défavorable.
Savons-nous sur qui nous appuyer au-delà des experts de l'Ifremer ? Pour ce qui nous concerne, nous n'y avons pas encore réfléchi, puisque les travaux se poursuivent dans le cadre de l'AIFM. Dans le cadre de France 2030 et du programme d'exploration des grands fonds marins français, la dimension environnementale est très importante également.
Le code minier est en cours d'élaboration. Michael Lodge, secrétaire général de l'AIFM, et Annick Girardin, ministre de la mer, espèrent l'avoir pour 2023. À ce stade, nous avons bon espoir que les travaux pourront se conclure à cette date.
Ce code minier est constitué par l'ensemble des règlements et procédures adoptés par l'AIFM pour encadrer la prospection, l'exploration et l'exploitation sous-marine. Les règlements qui encadrent la prospection et l'exploration des ressources minérales de la Zone ont déjà été adoptés depuis une dizaine d'années. Les travaux portent, depuis 2015-2016, sur l'élaboration du règlement qui encadrera l'exploitation ainsi que sur les normes et directives y afférentes. Je ne reviendrai pas sur les retards pris du fait de la crise sanitaire. Initialement, l'adoption du règlement était attendue en 2020. Nous espérons bien pouvoir conclure en 2023.
Les travaux se focalisent actuellement sur les parties du projet du règlement d'exploitation relatives à la protection et à la préservation de l'environnement marin, c'est-à-dire les parties IV et VI, ainsi que sur les projets de normes et directives relatives à la protection et à la préservation de l'environnement marin. Quatre d'entre eux ont été examinés en priorité au sein d'un groupe de travail dédié. Les discussions de la réunion du conseil, qui viennent de s'achever, ont également porté sur les mécanismes de taxation à mettre en place, et sur le mécanisme d'inspection, de mise en oeuvre et de conformité à envisager.
Pour ce qui est du mécanisme pollueur-payeur, le principe est prévu dans le projet de règlement d'exploitation ainsi que les moyens d'assurer sa mise en oeuvre. Concrètement, la garantie de l'application de ce principe passera par l'intermédiaire d'un fonds de compensation environnemental, qui sera abondé par des contributions imposées aux contractants. Ce fonds devra permettre le financement, l'indemnisation et la mise en oeuvre de l'ensemble des mesures nécessaires visant à prévenir, à limiter ou à réparer tout dommage causé par des activités menées dans la Zone au cas où les assurances du contractant seules ne suffiraient pas à couvrir un tel dommage.
Vous m'avez interrogée sur les propositions de la France pour assurer une prise en compte efficiente des impératifs environnementaux, et donc pour répartir équitablement les bénéfices d'une éventuelle exploitation.
Je puis vous assurer que la France contribue activement à l'élaboration de normes environnementales fortes à l'AIFM. L'élaboration de ces normes et directives qui compléteront le règlement d'exploitation est un sujet prioritaire. Chaque région susceptible d'accueillir des projets d'exploitation dans la zone de fracture Clarion-Clipperton, la dorsale médio-atlantique, le Pacifique occidental, les dorsales de l'océan Indien devra faire l'objet d'un plan régional de gestion de l'environnement (PRGE). Pour l'instant, seule la zone Clarion-Clipperton dispose d'un tel plan, mais les ateliers de travail se sont multipliés ces dernières années pour développer ces outils. Une méthodologie pour l'élaboration de ces PRGE est actuellement à l'étude : les travaux avancent de manière satisfaisante.
Toute potentielle activité d'exploitation sera ainsi soumise à la démonstration préalable qu'elle est conforme aux directives environnementales et aux exigences du PRGE de la zone concernée.
Pour ce qui est du partage des avantages issus d'une potentielle exploitation, la France promeut la création d'un fonds pour la viabilité des fonds marins, ce qui permettrait notamment la mise en place de centres de recherche régionaux, conformément aux articles 276 et 277 de la convention de Montego Bay. Ces centres régionaux seraient créés en respectant les principes du partage équitable, c'est-à-dire en priorité pour certaines régions : Afrique, etc. Les objectifs de ce fonds de viabilité des fonds marins pourraient être multiples, mais se focaliser en priorité sur la connaissance et la protection des fonds marins, ainsi que sur le développement des capacités des pays en voie de développement.
Effectivement, la France a été présentée comme l'un des membres actifs de l'AIFM par Michael Lodge. Quid de nos échanges bilatéraux entre chancelleries sur des questions relatives aux fonds marins ? Les fonds marins font partie des thèmes qui peuvent être abordés lors des dialogues diplomatiques, notamment dans la zone indopacifique. Le savoir-faire français ainsi que la réputation de responsabilité de la France en termes environnementaux lors des activités d'exploration sont des atouts. Par exemple, c'est à la suite d'un dialogue franco-japonais qu'est né le projet d'observatoire commun en Nouvelle-Calédonie. Je précise que nous avons bien évidemment des échanges bilatéraux avec les États européens qui sont actifs et présents au conseil.
Quelle est la position de la France sur ce qui a été présenté comme l'ultimatum de Nauru ? Avons-nous pu échanger avec des représentants de Nauru ou avec ceux du forum des îles du Pacifique ? Effectivement, la règle des deux ans déclenchée par Nauru est prévue par la convention de Montego Bay. Si les règles encadrant l'exploitation ne sont pas adoptées dans un délai de deux ans suivant la demande par un État partie, il est prévu d'examiner la demande de plan de travail pour l'exploitation et, le cas échéant, de l'approuver à titre provisoire dans l'attente du règlement définitif. Cela n'implique toutefois pas une approbation provisoire automatique du plan de travail. Le conseil pourrait tout à fait mettre en avant des questions de protection de l'environnement dont le cadre a déjà été adopté pour l'exploration.
La position de la France est claire : le levier enclenché par Nauru ne garantit pas le passage à l'exploitation provisoire, d'autant qu'il n'est pas certain que Nauru dépose une demande d'approbation d'un plan de travail à l'issue des deux ans. Tous les États ne partagent pas la même interprétation que nous de cette question. En revanche, tous les États s'accordent sur le fait qu'une exploitation ne devrait pas démarrer sans l'adoption de règles strictes de protection de l'environnement.
Pour répondre à la question sur les échanges avec Nauru, lors de la réunion de l'AIFM où la question a été abordée, Nauru est resté silencieux. Quoi qu'il en soit, le processus est lancé. Cela nous oblige à accélérer les travaux pour l'adoption du code minier. Pour autant, quand bien même Nauru déposerait une demande d'approbation d'un plan de travail pour une exploitation, il n'est pas garanti que ce plan soit adopté en cas de risque environnemental trop important.