Oui, c'est un médecin responsable au niveau du rectorat et une infirmière qui organisent cette formation. Après les directeurs, c'est maintenant au tour des enseignants. Cette initiative est un réel succès et l'Éducation nationale va élaborer des protocoles avec des fiches sur les bonnes pratiques pour tous les enseignants de France.
Je voulais en outre rappeler que, dans toutes les enquêtes, le médecin ressort comme le premier recours pour les victimes de violences sexuelles. Les médecins ont un rôle central à jouer, y compris les médecins scolaires ou ceux des services de protection maternelle et infantile (PMI). Leur formation est absolument nécessaire. L'impact des violences, et particulièrement des violences sexuelles, sur les enfants, en fait un problème de santé publique majeur, reconnu au niveau international. Or, aucune formation initiale n'est systématiquement prévue pour le corps médical. Alors que la psychotraumatologie représente 60 % des consultations en psychiatrie, les internes en psychiatrie n'y sont pas formés. Cela dépend de leur volonté propre. L'année dernière ce sont les internes en psychiatrie d'Ile-de-France qui ont organisé eux-mêmes leur formation, avec des internes de pédiatrie ! Il faut que les médecins procèdent à un dépistage systématique. C'est le seul moyen de s'en sortir.
Concernant l'obligation de signalement, j'ai participé à la campagne d'information du conseil de l'ordre. Il est essentiel que les médecins se sentent obligés de signaler. Encore faut-il qu'il existe des outils et des moyens pour le faire.
Je soutiens l'idée d'une utilisation plus systématique des fichiers. Il faut rappeler que l'on est quand même dans une situation d'impunité : 73 % des plaintes et signalements sont classés sans suite, et sur les 27 % restants, il y a des déqualifications et des non-lieux. Au final, seules 10 % des plaintes vont aboutir à une cour d'assises pour les viols. Denis Mukwege, avec qui je travaille dans la cadre de la chaire internationale de lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles en situation de conflits, est effaré. On sait en effet que la lutte contre l'impunité est centrale dans la lutte contre les violences.
Quant à la grande enquête réalisée avec le soutien de l'Unicef, il en ressort que le milieu scolaire arrive en tête, avec 12 % de l'ensemble des violences sexuelles signalées. Mais rappelons qu'il s'agit d'une institution que tous les enfants fréquentent. Puis viennent à hauteur de 4,5 %, les colonies de vacances, centres aérés et tous les systèmes de garde. Vient ensuite le milieu du soin, dont les instituts médico-éducatifs (IME). Gardons en tête que les enfants en situation de handicap, en particulier mental, subissent quatre fois plus de violences sexuelles que les autres. Parmi les enfants présentant des troubles autistiques, les filles ont, dans 90 % des cas, subi des violences sexuelles dans l'enfance. Ce sont des enfants extrêmement vulnérables, qui sont facilement manipulables et qu'au final, on n'entendra pas. La multiplicité des intervenants est un facteur d'augmentation des risques. Viennent ensuite le milieu des loisirs, pour 2,5 %, l'institution religieuse pour 2 %, l'apprentissage et les stages, et le placement en foyer pour 1 %, ce qui est énorme lorsque l'on sait le peu d'enfant qui sont placés. Terminons par le sport : 1 %.
Avoir subi des violences sexuelles est le premier facteur de risque. Or, avant quinze ans, 80 % des violences sexuelles sont commises à l'intérieur de la famille. Lutter contre les violences institutionnelles nécessite donc de lutter contre les violences à l'intérieur de la famille puisque ce sont les mêmes enfants qui, de façon absolument atroce et injuste, vont subir à nouveau des violences dans tous les cadres possibles et imaginables.
Les enfants qui subissent des violences sexuelles à l'intérieur de la famille, n'ont aucune possibilité d'y échapper ni de parler. Il faut leur poser des questions, d'où l'importance du dépistage universel. Denis Mukwege recommande une prise en charge holistique. Cela inclut bien sûr la lutte contre l'impunité mais aussi le soin, l'accompagnement médico-social, et la prise en compte de l'impact sur les apprentissages.