Mission commune d'information Répression infractions sexuelles sur mineurs

Réunion du 23 janvier 2019 à 16h35

Résumé de la réunion

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La réunion

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Photo de Catherine Deroche

Mes chers collègues, nous recevons cet après-midi, à l'occasion d'une table ronde, les représentants de plusieurs associations : Mme Martine Brousse, qui préside l'association « La Voix de l'enfant » ; Mme Muriel Salmona, présidente de l'association « Mémoire traumatique et victimologie » ; Mme Homayra Sellier, présidente de l'association « Innocence en danger » ; et Mmes Violaine Guérin et Muguette Dini, qui représentent l'association « Stop aux violences sexuelles ».

Je vous remercie, Mesdames, d'avoir accepté notre invitation. Il est essentiel pour nous d'entendre votre point de vue sur la question des violences sexuelles sur mineurs. Je précise que notre mission d'information s'intéresse aux violences sexuelles commises par des adultes dans le cadre de leur métier ou de leurs fonctions, à l'exclusion donc des violences intrafamiliales.

Nous aimerions connaître votre analyse et vos réflexions sur les mesures qui pourraient être prises pour mieux prévenir et pour mieux sanctionner ces infractions sexuelles sur mineurs. Nous aimerions également vous entendre sur la question de la prise en charge des victimes : quel accompagnement peut les aider à surmonter le traumatisme qu'elles ont subi ?

Nos rapporteures, Mmes Marie Mercier, Michelle Meunier et Dominique Vérien, vous ont adressé un questionnaire pour vous aider à préparer cette audition.

Je vous propose de procéder à un premier tour de table qui va vous permettre de prononcer une intervention liminaire. Je suggère que cette première intervention ne dépasse pas une dizaine de minutes, afin que nous conservions du temps pour le débat et pour les questions de mes collègues. Nous avons environ deux heures devant nous ce qui devrait nous permettre d'aborder au fond l'ensemble des sujets.

Vous avez bien sûr la possibilité de nous faire parvenir une contribution écrite si vous souhaitez préciser ou compléter votre intervention orale.

Debut de section - Permalien
Homayra Sellier, présidente de « Innocence en danger »

Je suis la présidente fondatrice de l'association « Innocence en danger » dont la création remonte à 1999. Cette année-là, la coopération entre quatorze pays dont la France avait permis le démantèlement d'un vaste réseau cyber-pédo-criminel concernant plusieurs centaines d'adultes et d'enfants. Le directeur général de l'Unesco, Federico Mayor avait alors souhaité lancer un grand mouvement mondial de lutte contre l'exploitation des enfants sous toutes ses formes. Il m'a appelé auprès de lui, compte tenu en particulier de mon engagement en faveur de l'éducation des filles en Asie. En un an, nous avons fait beaucoup de conférences et réalisé beaucoup de publications. Puis, souhaitant avant tout agir sur le terrain, j'ai créé Innocence en danger, d'abord en France sous une forme d'association loi de 1901. Aujourd'hui, nous sommes aussi présents en Allemagne, en Belgique, en Autriche, en Suisse, en Colombie et aux États-Unis. Chacun de nos bureaux est indépendant dans son organisation et dans ses projets, car il faut s'adapter au contexte de chaque pays. En France, nous espérons compléter notre présence à Paris et à Toulouse par la création de deux nouveaux bureaux, en région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) et dans le Nord. Pour l'instant, je rappellerai que notre action porte sur :

- la sensibilisation, la mobilisation, l'éducation et l'information de la société, à travers des publications, des conférences, des campagnes de communication, et des interventions dans les écoles privées et dans les entreprises, à leur demande ;

- l'accompagnement des victimes et des parents protecteurs dans leurs besoins juridiques, médicaux et thérapeutiques. Nous disposons d'une permanence juridique composée de juristes et d'avocats pénalistes. Ces derniers aident l'association à se constituer partie civile ;

- l'activité éducative sur les dangers d'internet et des réseaux sociaux. Dans ce domaine, nous espérons adapter en France un programme de prévention qui est utilisé dans les écoles en Allemagne et en Autriche.

Enfin, depuis 2017, Innocence En Danger mène une activité auprès des scientifiques. Grâce aux avancées de la recherche biogénétique, nous savons que le corps n'oublie rien et que les problèmes psychiques se doublent donc de difficultés somatiques. En outre, on sait désormais que l'ADN du cerveau des enfants victimes de violences se modifie, mais nous savons aussi qu'il a la faculté de se réparer, notamment par l'art.

Je reviendrai plus tard sur un autre aspect de notre action.

Debut de section - Permalien
Muriel Salmona, présidente de « Mémoire traumatique et victimologie »

Je suis psychiatre et je prends en charge des victimes de violences depuis plus de vingt-cinq ans. En 2009, j'ai fondé l'association « Mémoire traumatique et victimologie » dans le but de sensibiliser et de former les professionnels mais aussi d'informer le grand public sur les conséquences psychotraumatiques des violences. Nous participons en outre à la lutte contre ces violences. Notre site internet reçoit plus de 440 000 visites par an et nous réalisons de nombreuses publications, de même que nous essayons d'être très présents sur les réseaux sociaux. Chaque année, nous organisons 80 à 90 journées de formation des professionnels du secteur médical, médico-social mais aussi de la justice, de la police, de l'éducation nationale, des associations, de la protection de l'enfance, de la PJJ (protection judiciaire de la jeunesse), etc. Nous intervenons dans la formation initiale et continue des magistrats et des professionnels de la justice à l'École nationale de la magistrature (ENM). L'association travaille avec des ONG, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ou l'Unicef, avec le soutien de laquelle, nous avons monté une grande enquête sur l'impact des violences sexuelles de l'enfance à l'âge adulte, pour évaluer les violences qui ont été subies, le parcours de vie, le parcours de soins, la prise en charge et les conséquences sur la santé des victimes. Les résultats de cette enquête, portant sur 1 214 victimes, ont été présentés en 2015 dans le cadre d'un colloque.

Parmi nos nombreuses actions et campagnes, je souhaiterai évoquer notre partenariat avec l'Éducation nationale. Dans les Hauts-de-France, nous travaillons sur un projet de protocole destiné à tous les professionnels susceptibles de prendre en charge des enfants. Ce document sera mis à disposition sur le site de l'Éducation nationale et recensera des bonnes pratiques. En effet, notre grande enquête révèle que l'Éducation nationale vient en tête des institutions où les enfants subissent des violences sexuelles. Avec la gendarmerie, nous créons une mallette de protocoles et nous formons actuellement des policiers de la plateforme de signalement. Nos projets de formation des différents intervenants (police, PJJ, ASE de Paris...) visent à leur donner le maximum d'informations car il y a une réelle méconnaissance de la réalité des violences. Où, quand, comment ces violences se produisent-elles ? Il faut aussi prendre en compte le fait que les enfants vont présenter des troubles psychotraumatiques très déstabilisants pour les professionnels voire paradoxaux, notamment par une manifestation de survie appelée la dissociation traumatique. Les enfants sont comme anesthésiés, déconnectés ; ils peuvent alors ne pas paraître crédibles ou ne pas sembler si atteints que cela. Cela complique l'évaluation de la gravité des faits et des dangers. Il y a un enjeu réel d'élaboration de protocoles et d'échelles d'évaluation du danger que courent les enfants car dans notre enquête, plus de 85 % des victimes disent qu'elles n'ont été ni reconnues, ni protégées. C'est encore plus vrai lorsqu'elles sont vulnérables, que l'on songe notamment aux personnes handicapées et à toutes les structures d'accueil médico-social. J'insiste : il faut vraiment être capables d'évaluer le danger. Les professionnels oublient de poser des questions précises notamment sur le risque suicidaire, sur le risque de réitération des violences. En France, on a très peu de culture de la protection et de l'évaluation du danger.

Il y a aussi la problématique du dépistage. Les enfants ont toutes les raisons du monde d'être dans l'incapacité de parler et nous devons aller vers eux. Il faut donc un dépistage universel et des enquêtes. Or ces dernières, que l'OMS réclame aussi, sont trop peu nombreuses en France.

Enfin, l'association a fait partie du groupe de travail responsable de l'élaboration du cahier des charges des unités traitant du psychotraumatisme. Dix unités sont mises en place mais nous avions prévu, avec la Direction générale de l'offre de soins (DGOS), qu'il en faudrait une centaine. Nous nous sommes battus pour que les enfants fassent partie des personnes prises en charge par ces unités, ce qui n'était pas prévu au départ. Nous avons aussi élaboré un cahier des charges pour la formation de tous les fonctionnaires en matière de psychotraumatismes.

Debut de section - Permalien
Martine Brousse, présidente de « La voix de l'enfant »

La Voix de l'enfant a trente-huit ans d'existence et son originalité est d'être une fédération. Elle regroupe quatre-vingt associations, dont plus de la moitié interviennent à l'international. Nous intervenons dans 103 pays en nous adaptant bien entendu aux situations locales : dans un pays, les enfants-soldats ; dans un autre, les enfants victimes de la traite des êtres humains, etc. En France, nous développons notamment la prise en charge des mineurs non-accompagnés.

Concernant les violences, cela fait plus de vingt ans que La voix de l'enfant se porte partie civile. Au-delà de la dénonciation des dysfonctionnements, La Voix de l'enfant a aussi pour principe de faire des propositions. C'est dans ce cadre qu'il y a vingt ans, nous avions fait la proposition à Elisabeth Guigou, garde des sceaux, d'aménager des lieux de recueil de la parole de l'enfant. Le temps de la révélation des faits est à la fois essentiel et très violent pour l'enfant. Dans nos constitutions de parties civiles, nous voyons souvent des enfants qui ont déjà parlé trois fois, cinq fois, six fois, dix fois devant des enquêteurs ! Or redire c'est revivre et polluer sa parole, c'est polluer sa mémoire. Dans la cadre de la loi de 1998, nous avons pu ouvrir trois lieux protecteurs et sécurisants où l'on pouvait recueillir la parole de l'enfant. Aujourd'hui il y en a soixante ; ils ont pu se déployer ces deux dernières années grâce au plan d'action de la ministre Laurence Rossignol, dont il faudrait mesurer aujourd'hui l'impact. Les auditions, les lois c'est bien mais quel bilan faisons-nous de ce plan d'action qui va prendre fin en 2019 ? ll contenait des mesures très fortes, notamment en matière de formation et d'information. Il a confié à La Voix de l'enfant l'application de la mesure n° 16, à savoir le déploiement de ces unités d'accueil et la formation des professionnels en tant que formateurs de formateurs. La formation des professionnels est en effet essentielle pour le repérage et le recueil de la parole de l'enfant.

Par ses constitutions de parties civiles, la Voix de l'enfant connaît de nombreuses affaires de violences sexuelles hors du cadre familial. Il faut bien sûr parler de l'Éducation nationale mais il faut remettre les chiffres en proportion et rappeler que c'est l'institution qui reçoit quand même le plus d'enfants. Il y a aussi les structures religieuses sans oublier les clubs sportifs, ni le milieu très fermé des conservatoires de musique. Apprendre à un enfant à jouer au violon, au violoncelle ou au piano, c'est un corps à corps...Et puis, si l'école est à une certaine distance des parents, c'est moins vrai du curé. A la campagne, on l'invite dans la famille. Idem pour le moniteur sportif avec lequel on partage des moments conviviaux. Dans ces situations, l'enfant ne peut pas parler.

La Voix de l'enfant est un facilitateur. Notre but est avant tout de permettre que l'enfant puisse parler. Or les outils dont disposent les professionnels pour ce faire sont encore rares ou peu adaptés. Comment se fait-il qu'après la mission menée par Marie Mercier, la majorité des enfants qui font des révélations de violences sexuelles soient encore conduits dans un commissariat de police ou une gendarmerie. Allez à la brigade de protection familiale de Melun, où j'étais hier ; ils vous accueilleront à bras ouverts. Face à l'escalier, ils ont été obligés de tirer des filets pour que les enfants ne passent pas par-dessus, et quand ils entendent un enfant c'est entre deux bureaux... C'est La Voix de l'enfant qui y prend en charge l'installation d'une salle d'audition. Il est rare que ce soit dans un commissariat de police, mais il n'y a pas d'autres solutions pour cause de discordes entre les hôpitaux de Fontainebleau et de Melun !

Tout ce qui avait été engagé par Laurence Rossignol en tant que ministre perd aujourd'hui de la force. Il faut remettre l'enfant au coeur du dispositif, faire passer ses besoins en priorité.

Comprendre l'enfant permet de repérer les violences et après, si l'affaire doit aller en justice, l'enfant doit être accueilli dans un lieu sécurisant. L'enfant dit sa vérité, parce qu'il dit sa souffrance. Ce n'est pas à lui d'apporter la preuve qu'il y a culpabilité. C'est aux enquêteurs et aux magistrats d'aller chercher la vérité judiciaire.

Le combat de La Voix de l'enfant est complémentaire de celui d'Innocence en danger et du travail de recherche mené par l'équipe de Muriel Salmona. Nous avons aussi mis en place un comité scientifique avec des chercheurs en neurosciences, dont le Professeur Martinot qui a participé à la mission interministérielle sur les violences faites aux enfants. Nous venons aussi de mettre en place un collège de juristes composé notamment de magistrats et de chercheurs. Nous ferons des propositions qui ne viseront pas tant à voter des lois supplémentaires qu'à évaluer l'existant. Évaluons et travaillons ensemble !

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Je voulais simplement rappeler que nous avions, avec Michelle Meunier, été à l'origine de la proposition de loi sur la protection de l'enfance et que grâce à Laurence Rossignol, elle a prospéré. Je crains cependant qu'en province, elle ne soit parfois mal appliquée, pour ne pas dire pas appliquée du tout.

Debut de section - Permalien
Violaine Guérin, présidente de l'association « Stop aux violences sexuelles »

Je suis endocrinologue et gynécologue médicale, et présidente de Stop aux violences sexuelles (SVS) qui a été créée en 2013 par trois médecins. Ce n'est donc pas une association de victimes mais une structure qui porte une stratégie de santé publique. Elle comprend treize groupes de travail qui nous permettent d'avoir une approche transversale du problème. Plus de 500 personnes interviennent au sein de la structure nationale dont l'action est complétée par celle de quarante structures départementales, régionales et aussi internationales. Il faut souligner que nous sommes une organisation indépendante de l'État, apportant un regard indépendant des institutions. Le périmètre de nos réponses inclura les domaines de l'éducation nationale, du sport, de la culture, des activités périscolaires et des loisirs, des structures dépendant de l'aide sociale à l'enfance (ASE), des institutions pour les enfants présentant un handicap, des institutions religieuses et également des institutions psychiatriques. Je précise que nous avons un statut d'expert externe reconnu par la Commission européenne et par le Conseil de l'Europe.

Je commencerai par votre question sur l'évaluation de la proportion des mineurs victimes d'infractions sexuelles dans le cadre des institutions. En France on a beaucoup de mal à regarder la violence sexuelle sur mineurs. Le Conseil de l'Europe rappelle qu'un enfant sur cinq est victime de ces violences sexuelles et je dois à Muguette Dini d'avoir réalisé que cela fait treize millions de personnes touchées dans notre pays. Or la France ne fait pas d'études épidémiologiques sur le sujet ! On sait que la famille représente environ 80 % des agressions mais dès lors que l'on se sera penché sur les institutions et que la parole aura commencé à s'ouvrir, alors vous verrez que les chiffres sont plus catastrophiques qu'on ne veut bien le dire.

Nous conduisons nous-mêmes des études dont une qui a déjà été publiée et communiquée lors des assises que nous avions tenues dans les locaux du Sénat. A l'heure actuelle notre groupe de recherche médicale conduit une étude épidémiologique avec des sociologues auprès des mineurs. Je pense que nous disposerons des résultats pour les assises 2020, en particulier s'agissant des institutions.

Nous sommes sollicités tous les jours sur notre site internet par des parents, par des fédérations de parents d'élèves, parfois par des chefs d'établissements ou des enseignants au sujet de la violence sexuelle. Cela tient notamment à la libération de la parole et à l'augmentation des violences entre mineurs. Soyons clairs : toutes les structures qui accueillent des enfants sont touchées. On a beaucoup stigmatisé le sport, mais le monde du sport travaille avec nous depuis 2013 d'une façon extrêmement efficace. Cela avait commencé avec la ministre Valérie Fourneyron, qui avait bien compris que l'intérêt de consulter le Fijais (fichier national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes) était limité en raison du cloisonnement entre les départements. Le ministère des sports a alors très vite mis en place un fichier national. Nous avions aussi prévenu le monde de la culture et l'Éducation nationale dès 2014 mais ça n'a pas été pris en compte. Or, on dispose là d'un gros levier d'action. Par exemple, dans le domaine de la culture, il n'existe pas de carte professionnelle des éducateurs. Il faut absolument y instaurer ce qui existe déjà dans le monde du sport ou de la protection de l'enfance.

Nous avons été obligés de gérer une affaire que l'État aurait dû traiter. Il s'agissait d'un enseignant de musique classique qui partait en Chine avec une délégation d'enfants. On a protesté avec suffisamment de vigueur pour que l'on finisse par arrêter cet enseignant à l'aéroport. Comment en est-on arrivé là ? Parce que l'enseignant n'était pas inscrit au Fijais, malgré ses condamnations, à cause de la correctionnalisation des viols. Il faut arrêter de correctionnaliser les viols et rendre systématique l'inscription au Fijais, en particulier pour les personnes qui travaillent dans les structures accueillant des enfants. Nous avons fait beaucoup d'autres recommandations, reprises dans les documents que nous vos remettons.

Les professionnels sont-ils assez formés ? Non, c'est évident, la plupart des personnes en contact avec les mineurs ne connaissent pas le sujet des violences sexuelles. Ils ne savent pas dépister les mineurs victimes, ils ne savent gérer les situations, ils ont peur du sujet, et en plus ils ne sont pas soutenus par leur hiérarchie !

Lors de nos assises tenues à l'Assemblée nationale au mois de janvier, une enseignante de sciences de la vie et de la terre (SVT) nous disait avoir essayé d'organiser une conférence sur les violences sexuelles dans son établissement. Elle s'est heurtée à une opposition assez ferme de son proviseur. Elle ajoutait que l'Éducation nationale est un milieu fermé, qui protège les agresseurs. Cette enseignante rappelait que dans son équipe, elle voyait des collègues qui sortaient avec des élèves de seize ans. Interpelée par une avocate, qui était dans la salle, sur le fait qu'elle n'avait pas signalé, elle a expliqué qu'elle n'en avait pas eu le courage. Elle avait fait un jour le signalement d'une élève et cela lui avait valu deux mois d'ennuis. Elle a aussi confié que la personne qui l'avait violée pendant des années était un enseignant de mathématiques très bien vu, aujourd'hui en exercice dans un lycée français d'Abu-Dhabi.

Pour notre part, nous délivrons des formations dont une de deux jours dénommée Les bases de la connaissance en matière de violences sexuelles, ou encore une formation sur les démarches à accomplir lors des signalements. En effet, nous nous sommes aperçus aussi que beaucoup de gens ne savaient tout simplement pas signaler. Nous proposons plusieurs programmes de prévention. Je pense en particulier à un programme de prévention en périnatalité avec les sages-femmes libérales et celles des hôpitaux. Ce travail en commun permet de fortes synergies. De même, le CHU de Strasbourg a annoncé le 19 novembre dernier qu'il s'engageait à former tous ses soignants sur le sujet des violences sexuelles. Il faudrait pouvoir le faire partout.

Nous faisons aussi un gros travail de prévention en direction des enfants d'âge scolaire. Ce programme consiste en trois interventions par an et il répond à ce que la loi prévoit. Il a été présenté maintes fois au ministère de l'éducation nationale. On nous a dit que c'était formidable mais...toujours aucun agrément. Nous sommes intervenus avec des chefs d'établissement courageux, qui étaient très concernés par ces sujets mais il demeure un blocage au niveau de l'État. En revanche, la fédération des écoles Montessori a décidé de former tous ses enseignants et tous ses chefs d'établissement grâce à notre programme. Dans notre dossier, vous trouverez une intervention de la sociologue Nathalie Dupin qui a suivi le programme lorsqu'il est mis en place au lycée de Longperrier. Le suivi de 262 enfants sur une année a conduit à deux signalements pendant nos interventions, trois signalements après la fin de l'année scolaire et douze interventions dans des familles.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Oui, beaucoup de choses existent au plan législatif et il nous faut repérer où sont les blocages. Où sont « les trous dans la raquette » ? Comment sera-t-il ensuite possible de rappeler chacun à ses obligations ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Vous nous avez confirmé qu'aucune institution ni aucun milieu n'est indemne de ces violences, même si l'on sait bien sûr qu'il y a des facteurs aggravants comme les misères sociale et économique ou l'isolement. Mais, pourriez-vous davantage développer ce qui se passe dans les institutions liées à la protection de l'enfance ou en charge des enfants handicapés ? Même question pour la sphère des religions. Enfin, s'agissant des outils, une audition précédente laissait entendre que le Fijais était mal utilisé voire inutilisé dans bon nombre de métiers pourtant à risques.

Debut de section - Permalien
Homayra Sellier, présidente de « Innocence en danger »

Avec un nombre de 20 000 violences sexuelles sur mineurs en 2016, qui a augmenté de 11 % en 2017, force est de constater que tous les secteurs sont concernés, l'école, la religion, les sports... On parle depuis hier d'un ex-champion de natation accusé de plus de cent agressions sexuelles sur enfants. Le Comité international olympique a confirmé que le problème concernait tous les sports. Mais, on sait aussi que les institutions préfèrent étouffer ces affaires pour ne pas ternir leur image. Dans le monde sportif, il y a des milliers de victimes qui n'osent pas parler car cela causerait la fin de leur carrière. Quant au Fijais, il ne concerne que les personnes condamnées à plus de cinq ans de prison. Or, il est rare qu'une telle peine soit prononcée, surtout depuis que l'on correctionnalise le viol !

Ensuite, même avec une condamnation, l'inscription sur le fichier n'est pas systématique. Il faudrait qu'elle le devienne.

Enfin, les personnes qui peuvent demander au préfet la consultation de ce fichier ne le savent pas toujours. Dans l'affaire de la petite Angélique violée par un chauffeur de bus inscrit au Fijais, le maire ignorait qu'il aurait pu consulter ce fichier avant de procéder à l'embauche. Il faudrait donc rendre la consultation du fichier obligatoire et informer toutes les personnes concernées.

En outre, il faudrait que ce fichier comprenne tous les délits et tous les crimes, tant au niveau de l'instruction qu'au niveau du jugement, et non seulement les condamnations à plus de cinq ans. Il n'y en a peut-être que deux par an.... Je souhaiterais également qu'existe un fichier national des enfants qui ont été signalés à un moment ou à un autre et un fichier national des parents qui sont suivis par les travailleurs sociaux parce que si on l'avait eu ce type de fichier, peut-être que Marina, Inaya et d'autres enfants seraient en vie aujourd'hui !

Ce fichier devrait être obligatoirement consulté par les écoles lors de l'inscription pour s'assurer qu'il ne s'agit pas de parents fuyant la commune voisine. Idem à l'hôpital. Evitons que l'on emmène un enfant avec dix-huit fractures à hôpital et qu'on le laisse repartir trois semaines après au bras de sa mère sans savoir que cette famille est signalée. Voilà ce qui a conduit à la mort de Marina Sabatier ! Il ne s'agit pas de voter une nouvelle loi, mais juste de mieux utiliser l'outil informatique.

Rappelons que seuls 2 % des signalements proviennent des médecins. Il faudrait une campagne d'information pour leur rappeler leur devoir de signalement. Signaler, ce n'est pas accuser ni condamner ; c'est juste apporter une information. Il faut les rassurer sur le fait qu'ils ne seront pas poursuivis si leur signalement se révèle infondé. Il faut lever le secret médical pour les médecins et dissiper le flou des législations. Le devoir de signalement doit aussi être étendu à tous les médecins, au-delà de la seule fonction publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Bonne

J'ai été maire pendant pas mal de temps et je suis médecin, mais je n'ai jamais eu connaissance du Fijais...

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Dans nos travaux, nous reviendrons sur ce fichier : que recouvre-t-il ? Qui peut le consulter ? Comment informer ceux qui ont la possibilité de le consulter ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Il existe une infraction générale de non-dénonciation pour toute personne confrontée à une affaire mettant en cause la santé d'un enfant. Ce que nous avions envisagé au Sénat, c'était de créer, par voie d'amendement, une obligation de signalement des médecins, ce qui est différent. Cet amendement avait été adopté à quelques voix, grâce au ralliement de personnalités de la majorité politique de notre assemblée. Mais ensuite, en commission mixte paritaire, l'Assemblée nationale et la majorité sénatoriale se sont mises d'accord sur un texte sans cet amendement. Voilà histoire ! Quant au risque pour les médecins d'être poursuivis, c'est une légende ! On leur a dit et redit que ce n'était pas le cas. Une proposition de loi a été votée ici il y a trois ans pour bien les sécuriser, sans compter les nombreux articles dans le journal de l'ordre des médecins et le fort engagement de ce dernier. Que faut-il encore ? Nous sommes face à une espèce de résistance implicite, qui est supérieure à la loi.

Concernant le Fijais, l'objectif n'est pas que tout le monde puisse le consulter en intégralité. Il s'agit juste de pouvoir rentrer un nom pour vérifier s'il y figure. La loi de 2016 est plutôt une bonne loi mais pas suffisamment appliquée pour deux raisons. D'une part, son application dépend des départements et le « service après-vente » de la loi s'est arrêté le 15 mai 2017. D'autre part, il n'y a pas aujourd'hui de volonté politique à faire appliquer cette loi. C'est un problème politique avant d'être un problème juridique.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Comme Bernard Bonne, je n'ai pas eu connaissance en tant que maire de la possibilité de consulter ce fichier pour l'embauche d'une personne qui sera au contact direct d'enfants.

Le docteur Guérin nous a dressé un tableau un peu effrayant. Étant enseignant de métier, je déplore qu'il n'y ait aucune formation ni sensibilisation permettant de percevoir des signaux chez les enfants ou les adolescents. On sensibilise les professeurs et les futurs professeurs à des tas de choses plus ou moins importantes alors que là, il y a un vrai enjeu. Bien sûr, il n'y aurait rien d'automatique et il ne faudrait pas avoir la prétention de couvrir tous les cas, mais au moins, si l'on peut sauver ne serait-ce qu'un élève, c'est déjà important.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Oui, nous ne sommes clairement pas bons en matière de formation. J'ai entendu que certaines écoles privées hors contrats mettaient en place des formations de leurs professeurs. J'étais particulièrement attentive à votre remarque puisque j'avais été rapporteure de la proposition de loi de Françoise Gatel sur ces écoles. Je suis heureuse de voir qu'il s'y passe de belles choses.

Sur les violences faites aux femmes ou aux enfants, il est toujours fait référence à la formation. Il faut s'engager fortement parce que, sans formation à la fois des parents, des enfants, des enseignants et du corps médical, nous n'y arriverons pas. Il s'agit d'avoir une approche totalement différente qui permette à la parole des enfants d'être véritablement entendue.

Debut de section - Permalien
Muriel Salmona, présidente de « Mémoire traumatique et victimologie »

Je voulais quand même signaler l'effort énorme de l'Éducation nationale qui a fait former tous les médecins scolaires et toutes les infirmières scolaires. J'ai participé à ces formations comme à l'expérience en cours dans les Hauts-de-France où tous les professionnels de l'Éducation nationale sont formés, les uns après les autres.

Debut de section - Permalien
Muriel Salmona, présidente de « Mémoire traumatique et victimologie »

Oui, c'est un médecin responsable au niveau du rectorat et une infirmière qui organisent cette formation. Après les directeurs, c'est maintenant au tour des enseignants. Cette initiative est un réel succès et l'Éducation nationale va élaborer des protocoles avec des fiches sur les bonnes pratiques pour tous les enseignants de France.

Je voulais en outre rappeler que, dans toutes les enquêtes, le médecin ressort comme le premier recours pour les victimes de violences sexuelles. Les médecins ont un rôle central à jouer, y compris les médecins scolaires ou ceux des services de protection maternelle et infantile (PMI). Leur formation est absolument nécessaire. L'impact des violences, et particulièrement des violences sexuelles, sur les enfants, en fait un problème de santé publique majeur, reconnu au niveau international. Or, aucune formation initiale n'est systématiquement prévue pour le corps médical. Alors que la psychotraumatologie représente 60 % des consultations en psychiatrie, les internes en psychiatrie n'y sont pas formés. Cela dépend de leur volonté propre. L'année dernière ce sont les internes en psychiatrie d'Ile-de-France qui ont organisé eux-mêmes leur formation, avec des internes de pédiatrie ! Il faut que les médecins procèdent à un dépistage systématique. C'est le seul moyen de s'en sortir.

Concernant l'obligation de signalement, j'ai participé à la campagne d'information du conseil de l'ordre. Il est essentiel que les médecins se sentent obligés de signaler. Encore faut-il qu'il existe des outils et des moyens pour le faire.

Je soutiens l'idée d'une utilisation plus systématique des fichiers. Il faut rappeler que l'on est quand même dans une situation d'impunité : 73 % des plaintes et signalements sont classés sans suite, et sur les 27 % restants, il y a des déqualifications et des non-lieux. Au final, seules 10 % des plaintes vont aboutir à une cour d'assises pour les viols. Denis Mukwege, avec qui je travaille dans la cadre de la chaire internationale de lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles en situation de conflits, est effaré. On sait en effet que la lutte contre l'impunité est centrale dans la lutte contre les violences.

Quant à la grande enquête réalisée avec le soutien de l'Unicef, il en ressort que le milieu scolaire arrive en tête, avec 12 % de l'ensemble des violences sexuelles signalées. Mais rappelons qu'il s'agit d'une institution que tous les enfants fréquentent. Puis viennent à hauteur de 4,5 %, les colonies de vacances, centres aérés et tous les systèmes de garde. Vient ensuite le milieu du soin, dont les instituts médico-éducatifs (IME). Gardons en tête que les enfants en situation de handicap, en particulier mental, subissent quatre fois plus de violences sexuelles que les autres. Parmi les enfants présentant des troubles autistiques, les filles ont, dans 90 % des cas, subi des violences sexuelles dans l'enfance. Ce sont des enfants extrêmement vulnérables, qui sont facilement manipulables et qu'au final, on n'entendra pas. La multiplicité des intervenants est un facteur d'augmentation des risques. Viennent ensuite le milieu des loisirs, pour 2,5 %, l'institution religieuse pour 2 %, l'apprentissage et les stages, et le placement en foyer pour 1 %, ce qui est énorme lorsque l'on sait le peu d'enfant qui sont placés. Terminons par le sport : 1 %.

Avoir subi des violences sexuelles est le premier facteur de risque. Or, avant quinze ans, 80 % des violences sexuelles sont commises à l'intérieur de la famille. Lutter contre les violences institutionnelles nécessite donc de lutter contre les violences à l'intérieur de la famille puisque ce sont les mêmes enfants qui, de façon absolument atroce et injuste, vont subir à nouveau des violences dans tous les cadres possibles et imaginables.

Les enfants qui subissent des violences sexuelles à l'intérieur de la famille, n'ont aucune possibilité d'y échapper ni de parler. Il faut leur poser des questions, d'où l'importance du dépistage universel. Denis Mukwege recommande une prise en charge holistique. Cela inclut bien sûr la lutte contre l'impunité mais aussi le soin, l'accompagnement médico-social, et la prise en compte de l'impact sur les apprentissages.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Pour une condamnation à moins de cinq ans de prison, l'inscription au Fijais est à la discrétion du procureur, du juge ou du jury et bien entendu c'est une véritable catastrophe. Dans le cas que citait tout à l'heure Madame Guérin, il s'agissait d'un professeur de flûte qui avait été condamné à quatre ans de prison avec sursis et à une amende. Nous avions le jugement, la juge lui avait dit «On ne vous met pas au Fijais, il faudra que ça vous serve de leçon ». On ne l'a pas fait arrêter, mais en passant par tous les ministères, puis par le maire qui a transmis l'affaire au commissaire de police, on a fini par obtenir qu'il ne puisse pas partir avec un groupe de jeunes.

Si un enfant sur cinq est victime de violences sexuelles en Europe, cela veut dire que dans une classe de trente élèves vous avez entre quatre à six victimes. Effectivement, la sensibilisation des enseignants à la détection est essentielle. Il faut ensuite former à l'orientation. La détection est une chose, mais ensuite, que fait-on de ce qu'on a trouvé ? C'est tout un problème.

Debut de section - Permalien
Martine Brousse, présidente de « La voix de l'enfant »

Le Fijais avait été créé au départ pour les seules violences sexuelles puis il a été élargi à toutes les formes de violences. Aujourd'hui, c'est un petit peu le « fourre-tout ». Nous demandons depuis des années qu'une association puisse demander simplement si une personne y est inscrite. Si c'est le cas, on sait qu'on ne l'embauchera pas. Le président de l'association des maires de France pourrait faire une petite note d'information à destination des maires pour leur expliquer ce qu'est ce fichier. Nous allons nous en charger dès demain puisque nous le connaissons. Je tombe des nues en entendant que certains maires ne sont pas au courant...

Sur la formation, je partage tout ce qui a été dit mais en y ajoutant la pluridisciplinarité. Former des gens qui restent dans leur sillon c'est, comme on le voit trop souvent, passer à côté d'enfants qui nécessitent une intervention. Il faut croiser les regards, et les informations. Il faut par exemple que des enseignants puissent passer un coup de fil à un médecin qu'ils connaissent. De même, dans nos unités d'accueil, tout le monde travaille ensemble : magistrats, enquêteurs, médecins... J'étais vendredi dernier à Perpignan au comité de pilotage de l'unité d'accueil. Le médecin légiste nous disait : « Depuis que je suis arrivé dans ce service, si on se pose une question, on en parle à l'enquêteur, l'enquêteur repart avec son audition. Lorsque je fais mon examen, je fais en sorte de ne pas traumatiser l'enfant parce que j'ai un maximum d'informations ». Croisons les informations ! Bien sûr, le médecin n'a pas besoin de toutes les informations de l'enquêteur, mais il faut des informations communes.

Debut de section - Permalien
Muriel Salmona, présidente de « Mémoire traumatique et victimologie »

Dans l'expérience que j'évoquais dans les Hauts-de-France, le travail est justement pluridisciplinaire. Tous les professionnels qui sont susceptibles de suivre les enfants se rencontrent une fois tous les deux mois pour élaborer des protocoles et parler des situations. Effectivement, cela change la donne.

Debut de section - Permalien
Martine Brousse, présidente de « La voix de l'enfant »

Nous parlons de la formation des médecins scolaires. Mais où sont-ils ? Comment sont-ils formés ? J'ai visité un établissement qui compte un médecin scolaire et une infirmière à mi-temps pour 1 800 élèves ! Comment voulez-vous qu'il y ait du repérage ? L'infirmière à mi-temps me disait : « J'ai des petites qui viennent le matin en me disant qu'elles ont mal au ventre, mais je n'ai pas le temps de les prendre. J'en prends une de temps en temps et là, j'ai des révélations ». S'il y a une priorité dans ce que vous proposerez pour l'Éducation nationale, ce doit être la médecine scolaire. En matière de formation, il va aussi falloir soutenir la société française de pédiatres de médecine légale, car il n'est pas acceptable que des enfants soient reçus par des médecins légistes qui font ça sur une table d'adulte. Ils les traitent comme des adultes et les renvoient comme malheureusement on renvoie trop de femmes victimes de violences sexuelles, c'est-à-dire sans aucun accompagnement.

Debut de section - Permalien
Violaine Guérin, présidente de l'association « Stop aux violences sexuelles »

Il faut que vous sachiez que tous les pays communiquent leur équivalent du Fijais à Europol et à Interpol et que la France ne le fait pas.

Quant aux modalités de mise en oeuvre des repérages, au niveau du monde du sport, c'est la direction régionale jeunesse et sports qui fait les vérifications au moment de l'établissement des cartes professionnelles. La même chose pourrait être faite au sein de l'Éducation nationale ou de la culture. Pour les maires, une centralisation pourrait peut-être être opérée au niveau de l'association des maires de France. Il m'est arrivé de voir des enfants confiés à des familles d'accueil qui étaient elles-mêmes inscrites au Fijais !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Oui, elles avaient l'agrément alors qu'elles étaient inscrites au Fijais. Cela a été le sujet de l'audition de la semaine dernière. On a vu qu'il n'y avait aucun croisement de fichiers par rapport aux retraits d'agréments des assistantes maternelles ou des familles d'accueil. On nous a expliqué qu'il était compliqué de croiser les fichiers au niveau départemental. Pourtant, Bercy fait ça très bien. Ce n'est pas entendable !

Debut de section - Permalien
Violaine Guérin, présidente de l'association « Stop aux violences sexuelles »

Nous sommes heureuses que vous vous appropriez le sujet. Il est question de l'omerta des institutions et il faudrait que ça bouge en profondeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Ne pas transmettre l'information d'un département à l'autre, c'est hallucinant ! N'importe quel employeur privé sait appeler l'employeur précédent pour connaitre les références de la personne qu'il embauche.

Quelle est la cause du manque de volonté d'accompagner les politiques de protection de l'enfance ? Est-ce par désintérêt ou par manque de moyens ? Quand on sait que les victimes ont un risque réel de le redevenir, leur prise en charge est essentielle. Comment peut-on faire en sorte que cette prise en charge soit systématique ? Je souhaiterais aussi en savoir plus sur les séjours de résilience et sur les unités d'accueil.

Debut de section - Permalien
Muriel Salmona, présidente de « Mémoire traumatique et victimologie »

Je vais dans tous les départements et l'on a commencé à former aussi les professionnels du placement en famille d'accueil. Ce qui nous est rapporté, c'est que la loi de 2016 sur la protection de l'enfance est peu connue et peu appliquée. Je pense qu'un gros travail d'information reste à faire pour que l'on puisse vraiment imposer l'application de ce texte. Je crois beaucoup à la présence d'un médecin référent dans chaque service de pédiatrie. Dans un autre domaine, celui des femmes victimes de violences, nous avons entrepris la formation des référents dans les CHU avec la mission interministérielle et l'on on voit à quel point cela change les choses. Le référent s'occupe du sujet, fait passer les informations, sensibilise, organise des colloques etc. Pour les enfants, on est deux ans après la loi et il y a urgence. Les formations de formateurs qui ont été mises en place sont une façon de démultiplier l'effort.

Quant aux prises en charge systématiques, oui, c'est une urgence absolue. Avoir subi des violences sexuelles dans l'enfance est le premier facteur de mort précoce, de dépressions à répétition et de très loin, le premier facteur de risque de suicide, de conduites addictives, de troubles alimentaires, cardio-vasculaires, immunitaires, et d'énormément d'autres troubles découlant des troubles psychotraumatiques. Quand un enfant se fait une fracture, on ne se pose pas la question de savoir si le soin est nécessaire. Dans le département de Seine-Saint-Denis, il a fallu mettre en place un protocole pour que les enfants qui assistent à la mort de leur mère par meurtre de son conjoint puissent être pris en charge immédiatement ! Dans un tel cas, on voit bien qu'il s'agit d'une véritable réanimation au niveau psychiatrique, psychologique et médical.

On espère que l'ouverture des centres psychotraumatiques va faire avancer les choses. Il faut rappeler que presque partout le délai minimum pour une prise en charge en centre médico-psychologique (CMP) est de six mois. Mais le plus souvent, c'est entre douze et dix-huit mois. Une enquête de l'OMS répertoriant toutes les études sur les conséquences des violences sur les enfants a démontré que les troubles psychotraumatiques sont le principal facteur explicatif des conséquences observées en termes de santé physique, de santé mentale et psychologique, de conséquences sur la vie, des risques de marginalisation et de risques d'échec. La prise en charge doit être proposée systématiquement et elle doit être expliquée. Je prends en charge des enfants qui sont passés par des placements auprès de l'ASE. Ils sont opposés à une prise en charge psychologique parce qu'ils avaient trouvé cela insupportable. A partir du moment où on leur explique qu'ils ne sont pas fous, mais blessés psychologiquement, je n'ai jamais eu un seul enfant, ni aucun parent qui se soit opposé à des soins. Pour cela, il faut que les professionnels soient formés, qu'ils puissent expliquer, qu'ils utilisent les documents qui existent, et il faut aussi qu'il y ait des lieux de soins. Dix centres c'est très bien mais on en veut au moins cent cet été, comme prévu au départ. Il est urgent d'avancer ; cela fait vingt-cinq ans que l'on a toutes ces connaissances.

L'enjeu est considérable ; ce peut être vingt-cinq ans d'espérance de vie en plus. En outre, avoir subi des violences sexuelles est le premier facteur de risque d'en subir à nouveau...et d'en commettre puisque 25 % des agresseurs sexuels sont des mineurs. Là aussi, il faut prendre en charge immédiatement tout enfant qui a des comportements sexuellement agressifs.

Debut de section - Permalien
Homayra Sellier, présidente de « Innocence en danger »

Les séjours de résilience ont commencé en 2002 de façon tout à fait empirique. Une petite fille de dix ans avait été violée par quatre adolescents, avec tentative d'assassinat, et elle ne parlait pas. En unité psychiatrique à l'hôpital depuis six mois, elle ne disait rien. Sa mère m'a contactée et ma première question a été de savoir ce que sa fille aimait. La mère m'a répondu l'équitation. Nous lui avons donc organisé un séjour d'équitation au cours duquel toutes les personnes respectaient le fait qu'elle mangeait seule, qu'elle ne parlait pas. Au bout de dix jours, au moment de partir en prenant la main de sa mère, elle m'a dit « Homayra je vais parler » et effectivement elle a parlé. Un peu plus tard, le président des pédopsychiatres suisses, qui avait vu l'un des enfants qu'il suivait rentrer métamorphosé après un séjour que nous organisions, m'a contacté. Il est venu et nous avons organisé ensemble, jusqu'à son décès, des séjours de résilience, basés sur l'art-thérapie, sur le yoga, la méditation, l'empathie et toutes ces disciplines très mal connues en France. Quant au gouvernement allemand, il a envoyé des responsables sur place pendant trois ans pour étudier les bienfaits de ces séjours, et il nous a décerné en 2015 le label thérapeutique que nous avions déjà acquis en Suisse. Depuis, des médecins et des experts français sont venus passer du temps avec nous et là aussi, le label nous est octroyé. Il s'agit de séjours d'art-thérapie, les enfants sont encadrés par des experts, psychologues, psychiatres, ou praticiens de l'EMDR, qui est une thérapie cognitive. Les enfants viennent avec leurs fratries et avec leur parent protecteur ; ils restent entre une et deux semaines. Dans certains pays comme l'Allemagne où les moyens financiers le permettent, le séjour est organisé trois ou quatre fois par an. Nous emmenons les enfants français dans un autre pays - francophone - faute de structure ici. Malheureusement ce n'est possible pour eux qu'une fois par an, pendant les vacances d'été. Parmi les enfants qui sont venus brisés, aujourd'hui je suis fière et heureuse d'en voir certains faire des carrières magnifiques à partir de talents qu'ils se sont découverts chez nous, comme la photo ou le dessin. La résilience existe, il faut le comprendre et il faut l'accepter, tout est une question de moyens. On peut tout faire, on sait que le cerveau se répare. Mais c'est une question de volonté politique et financière ; et la volonté financière ne peut venir que de la volonté politique. Il faut qu'à la tête de ce merveilleux pays il y ait un consensus national accordant la priorité aux enfants. Les enfants c'est l'avenir, en hypothéquant nos enfants, on hypothèque notre avenir. Cette volonté politique manque à ce pays depuis toujours.

Debut de section - Permalien
Violaine Guérin, présidente de l'association « Stop aux violences sexuelles »

Je suis d'accord avec Mme Rossignol ; il y a quand même des gens courageux dans ce pays. Quant à l'omerta, elle s'explique à la fois par de l'ignorance, du désintérêt et de la malveillance. Il y a des auteurs dans les institutions et il faut que vous ayez le courage de les mettre dehors. C'est le premier point.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

D'autres pays arrivent-ils à ne pas avoir le même degré d'impunité que celui constaté en France ?

Debut de section - Permalien
Violaine Guérin, présidente de l'association « Stop aux violences sexuelles »

Dans d'autres pays, il n'y a pas de ministres ouvertement pédophiles ou autres ! C'est très franco-français d'oser ce genre de choses.

Debut de section - Permalien
Martine Brousse, présidente de « La voix de l'enfant »

Pour nous qui travaillons à l'international, il y en a aussi quelques-uns mais ils démissionnent. Il y en a dans les ambassades, il y en a partout... Il faut qu'on arrête de se flageller. Il y en a chez nos politiques et chez les professionnels des gens bien et je voudrais les défendre ici. Il faut que nous fassions des propositions pour que les mentalités évoluent dans le prolongement de la loi de 2016. On ne passe pas aussi simplement de la loi de 2007 à celle de 2016. Donc, je le redis : évaluons et voyons ce qu'il faut améliorer.

Debut de section - Permalien
Violaine Guérin, présidente de l'association « Stop aux violences sexuelles »

En France, les violences sexuelles ont été trop présentées comme engendrant des complications psychologiques et psychiatriques. Je ne peux pas laisser ma consoeur dire que les complications somatiques sont des conséquences des psychotraumatismes. C'est faux ! Nous avons justement un énorme problème dans les parcours de soins. Il faut sortir la majorité des gens des circuits psychiatriques. Après vingt ou trente ans en institution ou en psychanalyse, des personnes sont toujours dans des grandes souffrances. Il faut qu'on arrête d'enseigner la psychanalyse dans les facultés de psychologie. En matière de violence sexuelle, cela fait des dégâts énormes et il faut réaliser que le psychotraumatisme n'est pas spécifique des violences sexuelles. On le retrouve après tous les grands traumatismes, comme par exemple les attentats. Ce qui est propre aux violences sexuelles, c'est justement l'atteinte corporelle. Or, on n'inclut pas la prise en charge de la réparation du corps dans les parcours de soins. Homayra Sellier m'a un jour invitée dans l'un de ses séjours. Ils se fondent sur une approche holistique. C'est précisément cela qu'il faut enseigner, tant dans les parcours de soins pour les adultes et pour les enfants, victimes et auteurs. Si l'on ne prend pas en compte la réparation du corps, on n'amène jamais les gens à la guérison. Ce n'est pas des centres de psychotraumatologie dont nous avons besoin mais des centres véritablement multidisciplinaires.

Debut de section - Permalien
Muriel Salmona, présidente de « Mémoire traumatique et victimologie »

Les dix centres de psychotraumatologie dont nous avons rédigé le cahier des charges sont bien des structures pluridisciplinaires visant à une prise en charge holistique, c'est-à-dire à la fois physique et psychologique. Nous avons d'ailleurs obtenu que ces centres soient adossés à une prise en charge par des hôpitaux généraux. Ce que vous évoquez, c'est donc exactement ce que nous faisons !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Oui c'est bien ainsi que je l'avais compris... A propos des conséquences somatiques de ces violences, j'ai lu récemment qu'un lien existait entre violence sexuelle et endométriose.

Debut de section - Permalien
Violaine Guérin, présidente de l'association « Stop aux violences sexuelles »

Tout à fait, c'est même moi qui ai communiqué sur l'étude établissant ce lien. Toute la question est de bien comprendre ce qu'il faut regarder dans les manifestations somatiques pour les rapprocher des violences sexuelles. Nous manquons de gens formés pour le faire. Je vais précisément au CHU de Strasbourg la semaine prochaine pour former des médecins. On avance...

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

L'approche multidisciplinaire et multi-institutionnelle est en effet quelque chose de majeur, d'autant que chaque personne a sa singularité.

Debut de section - Permalien
Violaine Guérin, présidente de l'association « Stop aux violences sexuelles »

On parle d'endométriose mais il y a aussi une commission de l'Assemblée nationale qui travaille sur la fibromyalgie. Il y a des travaux sur l'autisme Asperger... Sur tous ces sujets, il serait temps de regarder le lien avec les violences sexuelles. Paradoxalement, le seul ministère qui ne nous reçoit pas est celui de la santé alors qu'il y a de quoi complètement changer la médecine. Prenons l'exemple des ateliers thérapeutiques Escrime : ils accueillent des patients qui avaient en moyenne connu 356 jours d'hospitalisation psychiatrique et qui ensuite n'en ont plus aucune. Nous disposons là de leviers médico-économiques considérables.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

C'est effectivement un pari sur l'avenir formidable en termes de « coût social » et d'abord pour le bénéfice des victimes.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Cela représente dix milliards pour la sécurité sociale et même cent milliards si l'on regarde les conséquences sociétales. Notre évaluation a été confirmée par le professeur Jacques Bichot, économiste à l'université de Lyon III, dont l'étude portait sur les violences conjugales, la prostitution et les violences sexuelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Nous connaissons ce type de blocages liés au fait que les budgets sont annualisés. On ne se rend pas compte que des dépenses réalisées aujourd'hui pourraient être sources d'économies demain.

Debut de section - Permalien
Muriel Salmona, présidente de « Mémoire traumatique et victimologie »

On peut citer les structures de prises en charge holistiques mises en place par Denis Mukwege en milieu scolaire. Il a obtenu d'excellents résultats s'agissant d'enfants polytraumatisés devenus très sensibles au stress. Comme dans les centres de résilience, on leur offre une prise en charge très sécurisante qui passe par la pratique de certaines activités. Cela va même jusqu'à la création de structures scolaires protégées et adaptées.

Debut de section - Permalien
Violaine Guérin, présidente de l'association « Stop aux violences sexuelles »

Je souhaiterais mentionner l'exemple des maisons Barnhaüs en Islande recommandées par le Conseil de l'Europe. Je le dis d'autant plus que la France est signataire de la convention de Lanzarote.

Rappelons que le Conseil de l'Europe a déjà élaboré beaucoup d'outils de communication que, malheureusement, on n'utilise pas. De même, la Suède a mis à disposition des outils permettant de prévenir les violences faites sur les enfants handicapés

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Nous sommes effectivement en contact avec des personnes qui travaillent au Conseil de l'Europe.

Debut de section - Permalien
Martine Brousse, présidente de « La voix de l'enfant »

La priorité doit être donnée à la prévention. Nous avons fait une campagne en 2016, en lien avec le 119 et le ministère. Les spots, basés sur la téléréalité, étaient diffusés avant le feuilleton Plus belle la vie. Cela s'est traduit par une augmentation de 11 % des appels de mineurs au 119 pendant la campagne. La Voix de l'enfant a eu la chance de bénéficier de l'aide gracieuse d'une agence de communication ainsi que de la gratuité des panneaux publicitaires et des spots télévisuels.

Les unités d'accueil ont vingt ans. Il était en effet incroyable que les deux seules victimes obligées d'aller à la police ou à la gendarmerie soient les femmes ou les enfants victimes de violences. Pour tous les autres, c'est la police qui va à leur chevet, à l'hôpital. Nous demandons à ce que ce soit la même chose pour les enfants victimes de violences. C'est aux adultes d'aller au chevet de l'enfant. Nos structures offrent une unité de lieu, de temps et d'action.

Les enfants sont accueillis aux urgences pédiatriques sur décision du procureur. En effet, qui est le plus à même d'entendre la parole de l'enfant que des pédiatres, des pédopsychiatres et des psychologues ? Les professionnels des unités sont formés à la méthode Teacch. Lorsque l'enfant est interrogé, le psychologue et le médecin légiste peuvent être présents. L'enfant est ainsi pris en charge en l'espace d'une demi-journée, sauf pour ceux qui ne sont pas en état. Il arrive aussi que le séjour à l'hôpital soit prolongé sur décision du procureur.

Un autre point important est la durée de l'audition. Dans nos unités, elle dure de vingt à quarante minutes alors qu'elle peut durer de 1 h 30 à 5 heures dans les locaux de la police ou de la gendarmerie. Dans l'affaire du petit Bastien, décédé dans la machine à laver, la soeur de l'enfant, âgée de cinq ans et demi a été conduite à la gendarmerie à 21 heures et n'en est sortie qu'à 23 h 30. C'est intolérable !

Notre protection s'étend aussi à la phase d'instruction judiciaire. Nous avons mis en place un circuit qui permet d'éviter la confrontation directe. Pendant la confrontation avec l'agresseur présumé, l'enfant reste au sein de l'unité, c'est à dire dans un lieu sécurisant. A Orléans par exemple, une salle de confrontation protégée a été aménagée. Si l'enfant ne souhaite pas voir le visage de son agresseur, les technologies modernes permettent de le rendre invisible. On se vante d'avoir à Paris, une très bonne brigade de protection des mineurs, ce n'est pas vrai ! La plupart du temps, ils pratiquent la confrontation directe, il faut que ça se sache.

Pendant le procès, si l'enfant est appelé à la barre, il faudrait que l'on puisse obtenir un huis-clos partiel. Un enfant n'a pas à s'exprimer sur ces sujets devant des adultes. S'il ne souhaite pas se rendre à l'audience, il faut recourir à la visioconférence. Dans nos unités, les clowns du « Rire médecin » sont là avant et après le passage au tribunal, car ces moments sont particulièrement stressants pour les enfants. Dans une unité que nous ouvrons, un magistrat nous a même dit qu'il souhaitait la présence d'un chien. La phase judiciaire est importante pour les enfants car elle leur permet d'aller au-delà de la victimisation.

Debut de section - Permalien
Violaine Guérin, présidente de l'association « Stop aux violences sexuelles »

On vient d'apprendre que des agressions ont été commises par une religieuse à Toulouse. En France, on ne veut pas voir la réalité des agressions commises par des femmes ! Elles ne représenteraient officiellement que 2 % de l'ensemble, alors que d'après nos études et la littérature internationale, la réalité se situerait autour de 20 %. A ceci s'ajoute bien sûr ce que l'on sait déjà à propos des structures religieuses, pas seulement catholiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Y-a-t-il des pays qui règlent mieux que nous le problème des non-lieux, encore trop fréquents dans ces affaires ?

Debut de section - Permalien
Violaine Guérin, présidente de l'association « Stop aux violences sexuelles »

Plus le temps passe plus les preuves ont des chances de s'accumuler, ne serait-ce que par la récidive. Certains pays ont même décidé l'imprescriptibilité de ces crimes. Je rappelle aussi qu'en France, nous avions le 18 novembre comme journée de la lutte contre les violences faites aux enfants.

Debut de section - Permalien
Martine Brousse, présidente de « La voix de l'enfant »

Cette journée a disparu lorsque Ségolène Royal a quitté le ministère délégué à la famille.

Debut de section - Permalien
Homayra Sellier, présidente de « Innocence en danger »

S'agissant de l'impunité, la France est quand même un pays particulier. Dans le monde, il est très rare qu'un ministre puisse confier avoir des relations pédophiles. Ici, un auteur a aussi pu avouer en direct avoir eu des relations avec des enfants de quatre ou cinq ans sans être arrêté par la police à la sortie du studio de télévision. Lorsque des artistes belges ou allemands veulent produire des oeuvres pédopornographiques criminelles, ils ne le font pas chez eux mais ils savent que c'est possible en France. Rappelons-nous il y a deux ans, de cette exposition à Marseille d'oeuvres explicites, qui a coûté 200 000 euros et dont la ministre de la culture de l'époque s'est dite fière que la France puisse l'accueillir !

Debut de section - Permalien
Martine Brousse, présidente de « La voix de l'enfant »

On peut penser aussi à certains présentateurs, Monsieur Morandini pour ne pas le nommer. Il y a bien entendu la présomption d'innocence mais je constate qu'on l'a suspendu dans les premiers mois et puis que, petit à petit, il a été réintégré, de même que l'église réintègre ses prêtres ou l'école ses professeurs en pareilles circonstances. Et puis il y a ces éducateurs ou ces professeurs qui partent à l'étranger, par exemple pendant les vacances, pour ne pas être inquiétés en France. Or, c'est tous les enfants que nous devons protéger, ceux d'ici comme ceux d'ailleurs. Il faut appliquer cette loi qui punit les actes commis à l'étranger.

Debut de section - Permalien
Muriel Salmona, présidente de « Mémoire traumatique et victimologie »

Nous constatons que tous les pays francophones rencontrent plus ou moins des difficultés dans la lutte contre les violences sexuelles sur les enfants. Une des particularités de la France est son refus de participer aux grandes enquêtes internationales ou de donner des chiffres. Cela dit quand même quelque chose !

En Australie lorsque le scandale a été révélé, le premier ministre a présenté des excuses publiques et un plan de formation a été mis en oeuvre immédiatement. Quant à notre procédure judiciaire, elle apparait extrêmement maltraitante pour les enfants. Pire encore, notre étude révèle que dans 80 % des cas, le passage par la justice augmente les risques suicidaires. On a du mal à comprendre que la pénétration sexuelle d'un enfant soit pour lui une torture et que la confrontation à l'auteur des faits constitue elle aussi une torture. Nous avons vu des vidéos de ce qui se passe à la brigade des mineurs de Paris, ça ne va pas du tout ! Plus les enfants sont traumatisés, plus ils sont susceptibles de « déconnecter » et donc d'être anesthésiés. Cela peut donner le sentiment qu'ils sont peu affectés... Beaucoup de pays aujourd'hui ne confrontent plus les enfants - ni même d'ailleurs d'autres victimes - à leurs agresseurs. Il y a aussi maltraitance lors des examens médicaux. Il faut changer cela c'est une priorité absolue !

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

En vous remerciant encore pour votre invitation, j'exprime le souhait que la parole des associations soit vraiment entendue, davantage qu'elle ne l'a été pour l'âge du consentement. Sinon, on se demande à quoi cela sert de venir ici... Vous connaissant toutes les quatre, je n'ai pas d'inquiétude, mais je sais aussi que vous n'êtes pas seules.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Sur l'âge du consentement, il est vrai que, même s'il ne reprenait pas toutes les demandes des associations, le texte sénatorial marquait un progrès par rapport au projet initial.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Sur ce sujet, on finira par y arriver car il n'est pas possible d'en rester là. La France a tout de même signé la convention de Lanzarote !

Debut de section - Permalien
Marine Brousse

Il faudrait que l'enfant ait son propre code. Définissez un crime de violence sexuelle sur les enfants et l'on mettra fin à toutes les discussions sur les circonstances aggravantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Je vous remercie pour ces échanges qui ont contribué à enrichir nos réflexions.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 18 h 40.